Les bouleversements du paysage mutualiste ont été régulièrement évoqué par mes soins dans ces colonnes.
 

Les nouvelles exigences réglementaires ( notamment en terme d'exigence de solvabilité)  y ont certes contribué et les regroupements, partenariats, fusions ... se sont accélérées ces dernières années avec un élément supplémentaire de taille:  le processus de réforme engagée sur la protection sociale complémentaires des fonctionnaires (PSC) et les nouvelles modalités de mise en oeuvre d'un  dispositif  qui peine à se mettre en place au regard de l'hétérogénéité des situations tant au sein des ministères que dans les autres versants de la Fonction Publique.

L'étude réalisée par le Cabinet de conseil Eurogroup Consulting (*)  insiste sur le fait que:
 

- cette réforme de la PSC pourrait mettre sérieusement en difficulté un certain de mutuelles existantes,  la cessation d'activité n'étant pas à exclure...

- le portefeuille de contrats des acteurs mutualistes historiques risque en effet  d’être diminué à la suite de créations d’alliances, dans le cadre des réponses aux appels d’offres, avec d’autres complémentaires santé.

Il considère que si les alliances augmentent la probabilité de gain d’un appel d’offre (réponse plus compétitive, diminution du nombre de répondants à l’appel d’offre, etc.), elles impliquent également un partage des portefeuilles entre les acteurs, pouvant entrainer une réduction des portefeuilles actuels

Les projections que le Cabinet a pu réaliser à partir de la situation de la plupart des mutuelles de la Fonction Publique, aboutissent à un résultat de risques plutôt conséquent puisque, selon lui, près d'un tiers des mutuelles de la fonction publique serait ainsi en situation de risque fort soit 6% de l’ensemble des mutuelles (sur la base de 272 mutuelles dont 33 ayant un ancrage fort au sein de la fonction publique (**).

Par voie de conséquence, toujours selon cette étude, le  risque de perte pourrait se chiffrer à  près de 750.000 contrats répartis entre ces mutuelles  ..? avec des situations très différenciées en fonction de la taille actuelle des mutuelles.

Les scénarios qui peuvent se dégager  :

•  La mutuelle perd un nombre significatif de contrats mais n’est pas en risque financièrement et opère une restructuration interne mineure ;
•  La mutuelle perd un nombre significatif de contrats et l’impact sur son activité et ses ratios économiques est tel qu’il est nécessaire d’enclencher une restructuration massive de son organisation à court terme ;
•  La mutuelle perd un nombre de contrats tel que l’impact sur ses ratios économiques ne lui permet plus de maintenir son activité. En clair, elle entre dans une situation de risque de cessation d’activité et du partage de son portefeuille sur le marché.

Conclusion:

Pour Eurogroup Consulting... les mutuelles  devront se questionner sur la pertinence de rejoindre / constituer un groupe ou fusionner avec des partenaires pour maintenir un niveau d’activité suffisant à long terme et sécuriser la pérennité de leur modèle économique, la diversification des activités apparaissant  comme une voie de plus en plus importante à explorer. S’en tenir à un seul segment de marché (santé, prévoyance, retraite…) renforce les risques de déstabilisation économique.

Les rapprochements observés depuis plus 15 ans maintenant  ont déjà conduit à une forte concentration du marché : les 20 plus grands organismes détiennent à eux seuls aujourd’hui plus de la moitié du marché.

Comme nous avons pu le noter  cette tendance s'est déjà sensiblement accélérée  ces derniers années sous des formes diverses et parfois inattendues  (fusions,  regroupements et  alliances à la
fois inter-marchés (santé, IARD, épargne, retraite) mais aussi inter-familles (Mutuelles, Institutions de Prévoyance, Assurance, Bancassurance).

Pour mémoire, entre autres:

- la création du  groupe VYV (MGEN, Harmonie Mutuelle, MNT…),

- le  rapprochement entre La Mutuelle Générale et CNP, 

- la Mcdef avec Klesia

- la MMJ avec  Aema Groupe 

- l’alliance MGEFI et de MATMUT.

A l'évidence, la mise en place de la réforme de la PSC va naturellement amplifier ce mouvement.

Pour autant, après les théories du "smal is beautiful" ..le "big" sera-t-il aussi "beautiful" et permettra-t-il de préserver "une société à la mesure de l'homme"...et les principes et valeurs mutualistes où l'adhérent avait voix au chapitre....vraie question !..l'importance de l'échelle humaine étant plus que jamais nécessaire pour faire vivre véritablement la démocratie sociale...!

(*) https://www.eurogroupconsulting.com/fr/actualites/publications/protection-sociale-complementaire-ce-qui-change-dans-le-public/

(**) DREES et analyses Eurogroup Consulting