Recyclage : l'écologie industrielle
Face aux enjeux environnementaux, les réponses à apporter ne manquent pas : production d’énergie verte, optimisation de la consommation, réduction de la pollution sous toutes ses formes etc. Pour notre organisation, c’est une évidence : la défense de l’environnement ne se fera pas contre l’industrie mais avec elle. Au centre de ces sujets, le recyclage est en pleine transformation et vise à devenir le maillon fort de l’industrie de demain. Les défis sont nombreux mais les métallos sauront être à la hauteur.
Force d’analyse et de propositions, notre fédération n’a pas attendu que la question environnementale occupe le devant de la scène pour la considérer, comme le montre le livre blanc que notre organisation a publié sur le sujet en 2010. Parmi les secteurs rattachés à la métallurgie, l’un d’eux est porteur de solutions et de promesses d’avenir : la récupération.
D'ailleurs, chaque année, notre organisation syndicale y négocie sur les minima salariaux et a signé à 0,7 % (et à 1,5 % en 2020 pour une inflation négative, soit 2,2 % d’augmentation des minima sur deux ans) pour 2021. Si l’on parle du recyclage au sens large, cette activité regroupe près de 110 000 salariés (dont un quart dans le secteur rattaché à la métallurgie). Selon le Ministère de l’Écologie, il devrait générer 300 000 nouveaux emplois dans les années à venir.
Il présente d’ailleurs un potentiel de développement syndical considérable. Jusqu’ici en grande majorité peu qualifiés, les salariés doivent traiter des flux de déchets de nature de plus en plus variable ; ils ont besoin de faire appel à des technologies nouvelles pour la reconnaissance des déchets. Mais la typologie des métiers change et devrait continuer d'évoluer, notamment du fait d’un besoin de montée en compétences et en niveau de qualification des salariés. Pourquoi un tel développement ? Parce que le volume de déchets à collecter et à traiter atteint des niveaux stratosphériques et parce que le développement de l’économie circulaire ne pourra pas se faire sans celui du recyclage.
L'activité verte
D’après un rapport de la Banque Mondiale, le monde produit 2,01 milliards de tonnes de déchets par an, dont 33 % ne seraient pas traités correctement. L'Europe génère de grandes quantités de déchets : nourriture et déchets de jardinage, déchets de construction et de démolition, déchets miniers, déchets industriels, boues, vieux téléviseurs, vieilles voitures, batteries, sacs en plastique, papiers, déchets sanitaires, vieux vêtements, vieux meubles etc. La liste est longue et reflète les modes de consommation de notre société. En France, le volume de déchets collectés s’est stabilisé autour des 100 millions de tonnes annuels. Les métaux représentent 4 % du total mais il ne faut pas s’y limiter : 10 % des déchets plastiques concernent l'automobile et 6 % des plastiques sont utilisés pour les appareils électriques et électroniques.
La place du déchet dans la société a fortement changé et cette évolution va se poursuivre à travers un changement de modèle dont le recyclage sera l'un des moteurs. Depuis longtemps, l’économie est basée sur le modèle linéaire qui se résume à « extraire, fabriquer, consommer et jeter », qui utilise des ressources naturelles et de l’énergie pour fabriquer des produits qui deviendront, en fin de compte, des déchets. Le modèle de demain sera l’économie circulaire, au sein duquel le déchet qui n’a pu être évité n’est plus éliminé mais devient une ressource à valoriser (matière ou énergie) et une alternative économe aux matières premières, dont la demande a explosé en un siècle. Chaque Français consomme 14 tonnes de matières premières par an (c’est 25 t par an et par habitant en Amérique du Nord). Au tobal, la demande en matières premières est passée de 7 milliards de tonnes par an en 1900 à 70 milliards en 2014. Elle s’est également compliquée : il ne fallait que six éléments chimiques de la classification de Mendeleïev pour fabriquer un moulin à vent, il en faut aujourd’hui soixante pour fabriquer une éolienne !
Changement de modèle
Si, dès les années 1970, les premiers experts ont souligné le caractère non soutenable du modèle de croissance occidental, aujourd’hui mis en œuvre à l’échelle planétaire, la prise de conscience généralisée n’est que trop récente. Le XXe siècle a été celui des gains de productivité sur le travail. Le XXIe siècle devra être celui des gains de productivité sur les ressources sans quoi la quatirème révolution industrielle restera lettre morte puisqu’il ne sera pas possible de bénéficier de tout le potentiel de la révolution numérique et de l’intelligence artificielle. En 2018, le rapport Villani pointait ainsi les tensions à moyen terme sur la disponibilité du silicium pour faire face aux besoins de puissance de calcul d’une économie numérique.
Le numérique constitue également une occasion pour la transition vers une économie circulaire, en permettant notamment la mise en réseau, l’accès à l’information et à la donnée pour le citoyen, l’aide à la décision et la production de nouveaux services. L’un ne se fera pas sans l’autre. Sinon, la boucle ne sera pas bouclée.
Le constat s’impose : la France a de larges marges de progrès en matière d’économie circulaire. En 2014, le taux de valorisation des déchets ménagers et assimilés était de 39 %, un taux très inférieur à celui de nos voisins allemands (65 %) ou belges (50 %). Face aux impératifs écologiques, l’enjeu est également économique et attise la concurrence : le Bureau International du Recyclage estime qu’il s’agit d’une activité à hauteur de 175 milliards d’euros dans le monde. À ce niveau, la question des déchets commence à devenir un véritable casse-tête : non seulement au niveau environnemental, avec un volume de déchets à traiter toujours croissant, mais également en termes de commerce et de géopolitique. Auparavant « poubelle du monde », la Chine refuse l’importation de nombreux types de déchets sur son territoire depuis un an. La géopolitique du recyclage change et la concurrence s’intensifie. Dans ce contexte, l’importance de développer des capacités sur le territoire national est d’autant plus grande.
Le poids de la recherche et du développement
Sans compter que l’usage de matières premières de recyclage en substitution des matières premières fossiles ou primaires permet de contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France (diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050). En 2014, les filières de recyclage ont permis d’éviter environ 22,5 millions de tonnes équivalent CO2 et 123 500 GWh d’énergie primaire. À titre d’exemple, cela représente 4,9 % des émissions totales du territoire français qui s’élèvent à 461 millions de tonnes équivalent CO2 en 2014 (source : Ministère de l’Écologie).
Selon une étude de la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC), le recyclage d'une tonne de ferraille permet d'éviter l'équivalent de 57 % des émissions de CO2 nécessaires à la production d'une tonne d'acier primaire. Ce pourcentage monte à 89 % pour le recyclage du PEHD, 93 % pour le recyclage de l’aluminium et 98 % pour le recyclage des textiles. Concernant la consommation d’énergie, le recyclage d’une tonne de ferraille permet d’éviter 40 % de la consommation énergétique primaire d’une tonne d’acier primaire, 89 % pour le recyclage du PEHD, 94 % pour le recyclage de l’aluminium et 99 % pour le recyclage des textiles. Pour poursuivre sur cette lancée, il faut que le gisement de déchets triés entrant dans la voie du recyclage continue de croître, d’une part, et que les matières premières de recyclage soient utilisées par l’industrie française afin que les réductions d’émission et les économies d’énergie réalisées puissent bénéficier à la France, d’autre part. La filière se heurte ici à plusieurs défis techniques qu’il lui faudra relever par un effort conséquent en recherche et développement (R&D), lequel nécessitera un soutien des pouvoirs publics. Un seul exemple : aujourd’hui, les entreprises de recyclage ne sont pas informées de la présence éventuelle de nano-objets dans les déchets qu’elles traitent, alors que cela peut perturber les filières existantes en modifiant les propriétés de la matière.
Les déchets de demain seront plus techniques et plus fragmentés, donc plus difficiles à recycler, comme c’est déjà le cas pour les objets de haute technologie, tels que les smartphones. Outre le développement du recyclage, une solution fait lentement son chemin : l’éco-conception, pour rendre plus de produits réellement recyclables. De manière générale, la R&D des industriels n’inclut quasiment jamais la gestion de la fin de vie dans les analyses de cycle de vie. Elle permet pourtant de réduire les déchets à la source en recourant à de nouveaux matériaux (issus du recyclage ou plus simples à recycler) et en prévoyant la déconstruction du produit en plus de l’existence de procédés internes de recyclage, à l’image de l’automobile avec sa filière de recyclage des batteries. Le travail accompli au sein du Conseil national de l’industrie (CNI), auquel participe notre organisation, en particulier dans le comité stratégique de filière (CSF) « transformation et valorisation des déchets », explore des pistes intéressantes pour développer cette éco-industrie à la pointe de la révolution verte. La réflexion est en cours. L’action est urgente.
Lire tout le dossier consacré au recyclage dans le journal FO métaux.