Participatif
ACCÈS PUBLIC
20 / 09 / 2021 | 724 vues
Patrick Leynaud / Membre
Articles : 1
Inscrit(e) le 26 / 07 / 2019

Mort de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics : le métier de contrôle n’est plus celui de la vérification des comptes

Chronique d’une mort annoncée

En pleine période estivale et par arbitrage du Premier Ministre, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables qui fondait le contrôle juridictionnel des juridictions financières est désormais supprimée. Dès le 1er janvier 2023, lui sera substitué un régime de responsabilité pour faute unifié à l’encontre des agents publics, lesquels comprendront de fait les ordonnateurs et les comptables mais pas les élus et les ministres.

                                  

Avec le projet juridictions financières 2025 (JF 2025), initié par le premier président Pierre Moscovici, dont l’objectif affiché reste celui d’une modernisation de l’organisation de la Cour des comptes, pour une plus grande efficacité et transparence, ce dernier n’imaginait sans doute pas, une transposition aussi affirmée du rapport Bassères, entraînant les juridictions financières dans une réforme systémique de son organisation et de sa politique de contrôle.

 

Cette réforme historique télescope donc le projet « JF 2025 » dans sa phase de restitution et va de fait entraîner des réorientations dans la mise en œuvre dudit projet.

 

Lors de la présentation aux organisations syndicales de ce projet, le SNPC FO est intervenu pour exprimer sa réserve et ses craintes sur ledit projet. En effet, contrairement à l’approche semble-t-il plutôt favorable de la CFDT et de l’UNSA, nous considérons que cette réforme marque au contraire un changement historique qui mène à l’abandon pure et simple de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics remplacé par un régime de responsabilité pour faute unifié à l’encontre des agents publics, aux contours actuellement non définis.

 

La notion même de comptable public et de comptes publics se trouve fragilisé. Quant à la séparation ordonnateur-comptable si elle est maintenue, nul ne peut nier l’affaiblissement significatif de ce principe dans le nouveau dispositif.

 

Notre syndicat a rappelé l’inquiétude qu’il avait énoncée lors de la parution du rapport Bassères. En réponse, il nous avait alors été indiqué que nos craintes étaient infondées et qu’il s’agissait simplement d’un rapport de plus dans le paysage public. Le constat est aujourd’hui celui d’une réforme qui reprend les principaux axes de ce rapport, en contrepartie de quelques aménagements secondaires.

 

Reprenons pour mémoire, l'adage désormais obsolète selon lequel « la Cour des comptes juge les comptes et non les comptables ».

 

Pour asseoir la réforme, le gouvernement, le premier président et l’ensemble de sa direction s’appuient sur les chiffres médiocres de l’activité juridictionnelle, sur le niveau indigne de jugement de la CDBF ou sur une responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics sans véritable effet.

 

Ces arguments énoncent simplement la dégradation consentie de l’activité juridictionnelle dans les juridictions financières. Si la réforme juridictionnelle de 2011 méritait des adaptations, la fonction juridictionnelle ne méritait pas cet abandon. Les moyens humains existaient pour assurer l’ensemble de ses missions et cet abandon programmé traduit essentiellement les choix d’une organisation interne qui a progressivement affaibli le contrôle juridictionnel et l’ensemble des acteurs affectés à cette mission.

 

Pour notre organisation syndicale, le principe de la responsabilité personnelle et pécuniaire, dont nos instances dirigeantes se félicitent aujourd'hui de la disparition, reste pour notre organisation syndicale celui qui a prévalu depuis la Révolution française et à la création de la Cour des comptes, sous prétexte qu’il présentait une garantie dans toute organisation privée ou publique maniant des fonds et des valeurs et souhaitant en assurer la sécurité.

 

Il n’aura fallu que quelques réunions estivales et une poignée de sachants pour signer l’arrêt de mort de la responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des comptables publics. Quant au dialogue entre les acteurs directement concernés, il n’aura consisté qu’en une simple communication post-mortem.

 

Le nouveau dispositif de responsabilité pour faute unifié des agents publics ne présente aucune des garanties de la RPP. Loin d’un renforcement de la responsabilité des gestionnaires publics, elle préfigure d’un affaiblissement de celle-ci à travers la création d’une chaîne diffuse de responsabilités des agents publics, dont il appartiendra aux juridictions financières de démontrer la causalité et le degré d’implication de chacun. Le métier de contrôle n’est plus celui de la vérification des comptes mais bien celui de la recherche des fautes commises par des agents publics tout au long de la chaîne d’exécution.

 

Pour notre syndicat, le passage à un système répressif uniquement actionné pour les fautes graves laisse augurer de nombreuses difficultés d’interprétation et de nombreux contentieux. Quant aux relations avec les contrôlés, on change littéralement de paradigme. La pérennité d’un tel système est loin d’être acquise et il y aura bien un enjeu pour les juridictions financières d’obtenir des résultats probants justifiant de la capacité des structures à basculer dans un nouveau dispositif pour faute grave.  

       

Enfin, le SNPC-FO a également évoqué ses craintes sur les effectifs des structures et sur la refonte des métiers du contrôle, de l’appui et du soutien. Les archives ne seront plus alimentées par le dépôt des comptes, ce qui induit la fermeture à court terme des sites et la nécessité de réaffectation des agents. Les greffes étant eux-mêmes affectés par la réforme touchant la disparition de la RPP, il va falloir intégrer une refonte de son organisation et de ses missions. Quant à la mission de contrôle, c’est un changement de métier qui s’augure. Présenté comme la solution aux difficultés du contrôle juridictionnel, ce projet va constituer un sujet supplémentaire d’inquiétude pour le personnel, en sus du projet « JF 2025 ».

 

Le SNPC-FO va s’associer à toutes les démarches permettant de faire remonter le mécontentement et les interrogations que contient cette réforme sur ordonnance au Premier Ministre et aux parlementaires. Par ailleurs, notre syndicat s’est associé au syndicat  DGFIP-FO pour publier le communiqué de la fédération des finances FO afin d'exprimer ses inquiétudes et celles de l’ensemble du personnel sur une réforme décidée sans concertation et par ordonnance.

Pas encore de commentaires