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16 / 03 / 2021 | 303 vues
Fabien Brisard / Abonné
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Les mutuelles, les syndicats et l’État dans la protection sociale complémentaire des agents de l’État

Les mutuelles, les syndicats et l’État dans la protection sociale complémentaire des agents de l’État est le thème développé dans la dernière publication du Cercle de recherche et d'analyse sur la protection sociale (CRAPS), qui ne manquera pas de retenir l'attention au moment où les discussions vont s'engager sur la mise en œuvre des réformes annoncées par le gouvernement sur le sujet pour l'ensemble des agents de la fonction publique.

 

L’essai a été réalisé par des membres du CRAPS et par des membres de la Mutuelle des affaires étrangères et européennes (MAEE). Le groupe de travail et de rédaction ainsi constitué a été présidé par l’ambassadeur ministre plénipotentiaire honoraire Louis Dominici, président de la MAEE.

 

Les mutuelles historiques de la fonction publique d’État, chacune entièrement dédiée aux agents du ministère où elles agissent, portent l’essence même de la Mutualité depuis la Libération.

 

Leur valeur est si grande et si éminente dans la société française que, au début de ce siècle, elles ont été les premières à être attaquées par les idéologies de la concurrence et du marché. Une nouvelle procédure inventée en 2007 les a ainsi soumises à un « référencement » par appel d’offres. Mais un danger plus grave menace. Il résulte d’une ordonnance publiée mi-février dernier, dans laquelle figure une disposition qui rendrait l’imposition d’un contrat collectif à adhésion obligatoire possible dans chaque ministère, à la seule condition que les syndicats le demandent par accord majoritaire.

 

Cela reviendrait à soumettre la mutuelle historique aux aléas multiples d’un appel d’offres : dans le cas où le contrat collectif ne serait pas attribué à la mutuelle historique, les agents du ministère, pour la plupart membres de cette mutuelle historique, seraient obligés de la quitter pour être enrôlés de force dans les rangs de l’organisme extérieur que l’administration aurait retenu.

 

Les organisations syndicales, dont le gouvernement a fait ses interlocuteurs principaux dans la préparation de cette ordonnance, ont encore la possibilité d’agir dans le cadre de sa mise en œuvre, avec et pour les mutuelles historiques. La bonne réforme consisterait pour l’employeur public à directement verser une aide à la complémentaire de santé à ses agents actifs et retraités et à respecter leur liberté de choisir l’organisme complémentaire qui leur convient.

 

Le contexte et les questionnements

 

En matière de protection sociale complémentaire (PSC), quel est le rôle actuel et à venir des mutuelles de santé et de prévoyance de la fonction publique d’État et celui des syndicats ? Quelles peuvent être les relations entre ces mutuelles, ces syndicats et l’État dans ce domaine ?


La question se pose en termes nouveaux, en raison des évolutions combinées de la construction européenne et des approches nationales. L’avenir humaniste de la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique d’État en dépend.
 

Les syndicats et les mutuelles ont longtemps avancé sur des voies parallèles, chacun se concentrant sur son métier particulier, régi par des codes spécifiques.


Mais ces vingt dernières années, l’histoire s’est compliquée. Les relations privilégiées des mutuelles avec l’État ont été mises en cause au nom du principe européen de l’égalité devant la concurrence. Les changements ont porté sur plusieurs points essentiels :

  • abolition progressive des exonérations de taxes sur les cotisations mutualistes ;
  • entrée en fiscalité des éventuels excédents annuels désormais qualifiés de bénéfices ;
  • fin des mises à disposition de personnel ;
  • arrêt de la communication administrative aux organismes complémentaires des changements d’affectation des agents ;
  • complication puis arrêt en conséquence du précompte administratif des cotisations sur le salaire des agents ;
  • obligations de gestion et de « reporting » des mutuelles, progressivement alignées sur celles des compagnies d’assurances par transcription abusive du droit européen.

 

C’est précisément au nom du principe européen de la concurrence, abusivement transposé en France, que la procédure de référencement a été instituée en 2007, par laquelle l’État sélectionnait désormais par appels d’offres et le ou les organismes complémentaires auxquels il accordait une aide financière pour la couverture de ses agents. On disait ainsi aux agents, qui s’assuraient eux-mêmes réciproquement, à travers la mutuelle historique constituée et gérée par eux et pour eux, qu’on n’aiderait pas leur mutuelle si les offres d’un autre organisme correspondaient mieux aux attentes de l’employeur public, même si l’aide de celui-ci était minime.

 

Heureusement, le non-référencement n’empêchant pas les agents de rester membres de leur mutuelle historique, ni le référencement de 2007 ni celui de 2016 n’a provoqué de transferts significatifs d’adhérents. Les mutuelles historiques sont encore là et leur présence dominante s’est continuée par la volonté des agents, dans le dispositif de référencement qui va jusqu’au 31 décembre 2023 dans certains ministères et jusqu’à mi 2024 dans d’autres.

 

Mais, le nouveau projet de réforme de l’aide de l’employeur public, qui pourrait s’appliquer à compter de 2024, est beaucoup plus dangereux pour la mutualité et pour la fraternité qu’elle porte. C’est ce qui ressort du texte de l'ordonnance :

  •  il y est prévu (ce qui est heureux) que les aides soient significativement augmentées et soient attribuées aux agents directement ;
  • mais il y est aussi prévu (ce qui est déplorable) que chaque ministère puisse imposer un contrat collectif à adhésion obligatoire à ses agents, si les syndicats le demandaient par accord majoritaire.  
     

Cette procédure permettrait de priver la mutuelle historique d’un ministère de tous ses adhérents d'un seul coup, alors qu’elle n’existe que par eux et pour eux, donc de la faire disparaître. Il importe que les syndicats conviés à s’y prêter s’y refusent catégoriquement, en communauté d’esprit avec les mutualistes. Ils ne l’ont pas suffisamment fait lors du conseil commun de la fonction publique du 18 janvier 2021. Il est encore temps de le faire.

 

Comment en est-on venu à la situation actuelle et que faut-il faire ?

 

C’est pour réfléchir sur ces sujets que, depuis plus d'un an, la Mutuelle des affaires étrangères et européennes anime des groupes de travail. Réuni d’octobre à décembre 2019, le premier a produit un rapport à usage interne sur les relations entre mutuelles et syndicats.

Le second, au premier trimestre 2020, a contribué à la rédaction de l’ouvrage intitulé Qui veut tuer les mutuelles ?, publié fin mai 2020 par le Cercle de recherche et d’analyse sur la Protection sociale.

Le troisième groupe de travail a réalisé la présente étude, finalisée en février 2021. Celle-ci comprend :

  • une première partie historique ;
  • une seconde partie relative au problème du référencement dans la Fonction publique d’État ;
  • une troisième partie qui traite de la nécessité d’écarter la possibilité d’un contrat collectif à adhésion obligatoire ;
  • et une quatrième partie qui propose des réponses à la question « que faire ? ». Il s’accompagne de plusieurs
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