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17 / 08 / 2023 | 321 vues
Nicolas Faintrenie / Membre
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Les minima de branches...à la recherche du temps perdu !

Dans le contexte actuel d’inflation et de revalorisation régulière du salaire minimal interprofessionnel de croissance (SMIC), la négociation des salaires minimas hiérarchiques (SMH) de branche revêt une importance primordiale. Retour sur la période 2017-2023 des négociations de branche, enseignements et perspectives....

 

Les règles de revalorisation du SMIC ont été présentées dans un précédent article (1) . Nous rappellerons seulement que, sur la période étudiée, le pouvoir exécutif s’est contenté de revaloriser le SMIC au regard des règles mécaniques existantes, c’est-à-dire sans coup de pouce. Le SMIC a suivi par conséquent les règles de revalorisation en raison de l’évolution des prix à la consommation. Le SMIC donne le tempo des branches…
 

La période étudiée va du 1er janvier 2017 à ce jour, soit une période qui précède et constate la reprise et l’accélération de l’inflation. Les données sont exprimées en base 100 à compter du 1er janvier 2017, exprimant ainsi le rythme de revalorisation du SMIC et de chaque premier niveau de la grille des minimas salariaux de branche.

 

Evolution SMH de branches et SMIC

 

Premier constat
 

Le premier constat réside dans la référence que constitue le SMIC, son évolution dynamisant celle du premier niveau de chacune des branches professionnelles étudiées. Ce constat rend compte d’une réalité très concrète, les branches prenant acte de la revalorisation du SMIC pour rouvrir des négociations.

 

Dans nombre de ces branches, notre Organisation n’a pas procédé autrement. Bien que la négociation des minimas soit une négociation annuelle obligatoire (c’est- à-dire l’obligation d’ouvrir une fois l’an cette négociation), la reprise de l’inflation a été l’occasion de rouvrir une négociation même lorsque la négociation annuelle avait eu lieu.

 

Le fait que nombre de branches connaissent un premier niveau en deçà du SMIC explique pour partie le peu d’obstacles rencontrés pour rouvrir la négociation.


En revanche, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat  n’a pas facilité cet exercice, bien au contraire.

Second constat

Le second constat réside dans le retard global des branches professionnelles pour suivre le rythme de la revalorisation du SMIC. 


La raison principale est évidente : prenant acte de l’évolution du SMIC, les négociations de branche suivent mais ne précèdent pas le rythme. La prudence patronale, et l’utilisation de règles d’entrée en application favorables aux employeurs, expliquent également ce retard.


Le risque de cette logique est évident : dès lors que l’inflation marquera le pas, la négociation des SMH pourrait s’arrêter, sans rattraper le retard constaté. Ce risque est proche puisque le SMIC avait été revalorisé au 1er août 2022, ce qui ne devrait pas être le cas en 2023.


C’est pourquoi notre organisation syndicale dans ces branches a produit ces données et a adressé ses revendications afin que le premier minimum de branche ne demeure pas en deçà du niveau atteint par le SMIC au cours de ces six années. Elle a produit ses revendications dans le cadre de cette étude globale, avec des revalorisations élaborées branche par branche.

 

Ce que révèle la difficulté des branches à suivre le SMIC

 

La présente étude porte sur le premier niveau de salaire minimum hiérarchique pour chaque branche professionnelle étudiée. Le constat est une logique de rattrapage au regard des revalorisations du SMIC, dans un contexte d’inflation.


Cette logique n’est hélas pas compatible avec la revalorisation des métiers, ni avec le contexte pénurique rencontré par nombre de branches professionnelles s’agissant de la main-d’œuvre salariée. C’est le rôle même de la branche professionnelle qui se trouve minoré.


Le moment est pourtant crucial puisque, dans un tel contexte, le rôle des minimas est majoré : avec l’inflation, la revalorisation des minimas a vocation à bénéficier à une part plus grande des travailleurs.


Ainsi, au 1er janvier 2022, 14,5 % des salariés ont bénéficié de la revalorisation du SMIC, contre 12 % pour la revalorisation du 1er janvier 2021. En ne parvenant pas à suivre le rythme du SMIC, les négociations sur les SMH ( en particulier le premier niveau) manquent à leur obligation.


D’autant plus que, à la suite d’années sans négociation suffisante, nombre de branches ont présenté un ou plusieurs niveaux en deçà du minimum légal.

 

Redonner leur vigueur aux branches

Il convient de rappeler qu’il n’existe pas de lien automatique et construit entre les négociations de branche et les négociations d’entreprise. Nombre d’employeurs s’emploient à renvoyer à la branche et à son rôle de régulation économique et sociale la revalorisation des salaires minimas. Ce sont parfois les mêmes qui, lors des négociations de branche, renvoient la revalorisation des salaires au niveau de l’entreprise, niveau de négociation qu’ils jugent plus pertinent…


Au cours de la période étudiée, certaines branches professionnelles ont supprimé le premier niveau, recouvrant ainsi une marge de manœuvre tout en trompe-l’œil. C’est le cas dans la branche des bureaux d’études techniques (IDCC 1486), et la voie que tente d'emprunter les experts-comptables (IDCC 787).
 

Derrière le premier niveau SMH, c’est en réalité la grille entière des salaires minimas qui devrait être étudiée de près.


Ainsi, certaines branches professionnelles ont opéré une revalorisation en valeur absolue, écrasant ainsi la grille des salaires minimas. C’est le cas, par exemple, de la branche des permanents d’agences du travail temporaire (IDCC 1413), l’accord du 10 juin 2022 revalorisation des salaires bruts de 70 € pour chaque niveau.

 

Les branches professionnelles ont connu des années au cours desquelles l’idéologie patronale a minoré leur rôle, et dégradé leurs leviers. Très attendues dans ce contexte difficile, les branches professionnelles se trouvent à un carrefour : se réapproprier leur rôle et reconstruire les grilles au regard des enjeux actuels ; ou se borner à tenter de suivre le rythme légal, en actant leur obsolescence. C’est pourquoi notre Organisation a produit ces travaux pour asseoir ses revendications.

 

La typologie de branches, dans la course au rattrapage
 

Dans le constat global ainsi dressé, les branches présentent certaines particularités, qui permettent de dresser une typologie.
 

  • Les branches professionnelles qui présentent un niveau stable de revalorisation du SMH au regard du SMIC.

Les branches des organismes de formation (IDCC 1516), de l’immobilier (IDCC 1527) ou encore des agences de voyages (IDCC 1710) présentent un tel profil. Très régulièrement, ces branches professionnelles ont renégocié leur grille des minimas pour ne pas accumuler trop de retard au regard du SMIC.
 

Dans cette même catégorie, les branches des bureaux d’études techniques (IDCC 1486) et des prestataires de services (IDCC 2098) ont également, par des revalorisations plus espacées, cherché à ne pas décrocher irrémédiablement du SMIC. Il convient de rappeler que la branche des prestataires de services (IDCC 2098) a connu jusqu’à 6 niveaux au-delà du minimum légal. A l’occasion du passage de 2022 à 2023, cette branche a ainsi connu une revalorisation inédite, avec la forte implication de notre Organisation.
 

  • Les branches professionnelles qui présentent un dynamisme certain au regard du SMIC. Ces branches sont très rares.

Ainsi, la branche des bureaux d’études techniques (IDCC 1486) semble appartenir à cette catégorie mais elle doit ce sursaut à la suppression du premier niveau de minimas. La branche de la promotion immobilière (IDCC 1512) est la plus emblématique de cette stratégie de négociation ayant pour ambition de ne pas perdre de terrain face à la revalorisation du SMIC.

 

  • Les branches professionnelles qui peinent à suivre le rythme du SMIC.

La branche des gardiens concierges –laquelle devait être dynamisée au titre des travailleurs de la deuxième ligne3 –illustre cette catégorie, et la difficulté de branches professionnelles qui se retrouvent dans l’incapacité à faire face à la situation actuelle.


La branche des experts-comptables et commissaires aux comptes est également marquée par des difficultés structurelles de négociation de branche, le collège patronal ayant annulé la réunion de négociation du mois de juillet pour reporter la difficulté à septembre.


La branche du personnel non-avocat des cabinets d’avocats entre dans cette catégorie, la nouvelle donne de la représentativité patronale marquant un changement au sein de la commission de négociation. Fin juin, le collège patronal est ainsi intervenu pour annoncer qu’il mettait fin à la négociation de branche par une recommandation unilatérale.
 

  • Enfin, la branche du personnel permanent des agences de travail temporaire constitue un cas particulier.

Après des années pendant lesquelles l’organisation patronale a procédé par voie de recommandations unilatérales –au-delà de ce que les services de l’Etat autorisent –la branche a conclu des accords pour recoller au SMIC, sans y parvenir à ce jour.

 

1. Journal des Employés et Cadres n°147, octobre 2021.

Source: Dares, enquête Acemo: Enquêtes sur l'activité et les conditions d'emploi de la main-d'œuvre | Insee

 

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