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28 / 06 / 2024 | 551 vues
Olivier Sévéon / Membre
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La nouvelle Assemblée nationale, élue le 7 juillet, peut renforcer immédiatement la représentation du personnel, en rendant les représentants de proximité obligatoires

S’attaquer à la clé de voûte des ordonnances Macron


Dès l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, la plupart des organisations syndicales ont manifesté leur volonté commune d’investir activement le champ électoral, pour faire entendre les aspirations du monde du travail et enclencher « un sursaut démocratique et social ». 
La constitution d’un « nouveau Front populaire » ouvre effectivement des perspectives d’inversion de la phase régressive qui sévit depuis l’arrivée au pouvoir du Président Macron. Mais il s’agit de savoir quoi prioriser, car le chantier des mutations à opérer est immense. Il est de plus important de donner sans attendre un signe fort de rupture, pour favoriser une mobilisation sociale.


Ce signe fort peut être donné en frappant la clé de voûte des ordonnances Macron, à savoir l’affaiblissement des marges de manœuvre syndicales, via une chute du nombre de représentants du personnel. Rappelons que la fusion des IRP s’est accompagnée d’un recul de - 37,6 % en moyenne du nombre de titulaires, avec une fourchette de - 50,0 % à - 27,3 % selon la taille de l’entreprise.

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En réalité, les régressions sont encore plus fortes qu’indiqué dans le tableau ci-avant, pour trois raisons. 


Première raison : sauf absence du titulaire, les suppléants sont privés de réunion, ce qui les marginalise et réduit la délégation salariale de moitié. De piètres arguments ont été avancés pour justifier cette décision : « améliorer la qualité des échanges » et « faciliter l’organisation des réunions » ! Elle est d’autant moins légitime qu’elle se solde parfois par des réunions non conformes au cadre légal : faute de suppléants dans la salle, le titulaire dont l’absence n’était pas prévue (ex. : incident de transport) n’est pas toujours remplacé... 


Deuxième raison : depuis 2017, l’employeur peut décider unilatéralement du nombre d’établissements distincts, faculté qu’il peut utiliser pour peser sur la représentation du personnel. Illustration : le CSE d’une entreprise mono-établissement de 230 salariés compte 10 titulaires ; en revanche, avec deux établissements, l’un de 130 salariés et l’autre de 100, le nombre de titulaires est porté à 13 (7 + 6).


Troisième raison : la disparition des établissements DP et CHSCT entraine celle de tous leurs élus, avec en particulier des effets dommageables dans les grandes entreprises dont le maillage en DP était important.

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Les difficultés à recruter des candidats aux élections professionnelles
 

Il ne faut pas se méprendre : la chute du nombre d’élus du personnel n’a pas uniquement été décidée pour compliquer leurs tâches à un moment où la fusion des instances les rend polyvalents. Elle met en cause le devenir même de la représentation du personnel, en décourageant les candidatures aux élections professionnelles


Sur ce plan, plusieurs rapports officiels signalent une hausse des PV de carence et l’expliquent par un désengagement des élus, en raison de la surcharge de leur mandat et des difficultés à le concilier avec l'activité professionnelle : « Certains se mettent en retrait de leur mandat, d'autres démissionnent ».


Comment s’en étonner ? Du fait de leur nombre insuffisant, les membres du CSE sont dans une position intenable, car pris en tenaille. D’une part l’employeur les empêche de jouer leur rôle de préventeur, parfois en leur faisant croire abusivement que la CSSCT remplace le CHSCT. D’autre part les salariés sont en souffrance et ont en conséquence des exigences pressantes envers ceux qui sont chargés de défendre leurs intérêts. 


À un moment où le renouvellement des mandats est à l’ordre du jour dans de nombreuses entreprises, la situation est donc alarmante. Elle appelle en urgence des dispositions correctives, sans attendre une réécriture complète des articles du Code du travail qui, forcément, prendra du temps. Il importe en outre que les salariés perçoivent concrètement, dans leur entreprise, les premiers effets du changement de législature.
Un facteur particulier contribue à raréfier les candidats aux élections professionnelles : les suppléants ne peuvent plus se former en participant aux réunions, ce qui démotive leur candidature. Partant, une première mesure simple consiste à les restaurer dans leur droit à participer à toutes les réunions du CSE


Pourquoi prioriser l’instauration obligatoire des représentants de proximité ?


La disparition des DP explique, pour une large part, qu’il y ait moins de candidats aux élections professionnelles : elle prive d’un mandat qui suscitait des vocations, parce qu’il permettait de se mettre le pied à l’étrier, sur un terrain réputé moins complexe que celui du CE et du CHSCT. À cet égard, il est du plus grand intérêt de rendre les représentants de proximité obligatoires, en nombre identique à celui des anciens DP et, de surcroît, avec des règles de fonctionnement similaires. 


La portée d’une telle décision serait par ailleurs considérable en termes de prévention des risques professionnels. Outre le fait qu’elle permettrait d’élargir le nombre de « têtes pensantes » au service de la santé-sécurité, elle contribuerait à compenser la centralisation excessive de la représentation du personnel provoquée par les ordonnances. 


Acteurs de terrain, les représentants de proximité sont en effet une pièce maîtresse dans la remontée de l’information, qu’elle porte sur le respect des obligations légales, les risques professionnels ou les préconisations des salariés. De ce fait, ils peuvent – comme les anciens DP – jouer un rôle de vigies au service de la protection de la santé des travailleurs.


Avantage non négligeable, l’obligation de mettre en place des représentants de proximité  aura un effet immédiat dans les entreprises : ils sont en effet désignés par le CSE et n’impliquent donc pas d’élections professionnelles.


En outre, nul besoin de rédiger de nouveaux textes pour définir leurs modalités de fonctionnement : les actuels articles L2315-21 à L2315-22 du Code du travail, relatifs aux CSE de moins de 50 salariés, sont rigoureusement identiques à ceux prévus pour les DP.


Dernier point : l’instauration obligatoire des représentants de proximité permettrait d’alléger la durée des réunions du CSE, en reportant sur la hiérarchie locale les questions de leur ressort. 

 

 
A lire > « CSE et CSSCT : les bonnes pratiques en santé, sécurité et conditions de travail » (préface de Jean Auroux, ancien ministre du Travail).

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