La mutualité existe-t-elle toujours en 2025 ?
La question pourrait être considérée comme iconoclaste pour celles et ceux chez qui sont fortement ancrés l’esprit et les valeurs de la mutualité, hérités de la culture et de l’histoire des institutions mutualistes, mais aussi de notre pacte social républicain.
Et pourtant, ne faut-il pas se poser cette question, tant les organismes mutualistes, les vrais, sont tirés sur le terrain de la banalisation.
Malgré une loi protectrice, le terme de mutuelle est lui-même devenu le vocable utilisé couramment pour l’ensemble des familles d’assureurs santé.
Conséquence du développement du marché concurrentiel et du consumérisme, mais aussi des exigences réglementaires qui régulent l’activité d’assurance pour tous les acteurs, les mutuelles non lucratives peinent à faire valoir leur identité distinctive et leur vocation historique tournée vers un accès à la santé solidaire pour tous.
Pire, elles font souvent l’objet de critiques sur leurs réserves, pourtant indispensables pour garantir leurs engagements vis-à-vis des bénéficiaires, mais aussi de ponctions fiscales sans discernement, sans qu’il soit tenu compte de leur spécificité et de l’utilité sociale qu’elles développent dans les territoires.
Ces taxations inappropriées et injustes mises à la charge des mutuelles et par voie de conséquence des adhérents et des sociétaires, ne feront qu’accroître les inégalités par l'augmentation des cotisations qu'elles vont générer, situation encore aggravée par l’augmentation des coûts de santé et les transferts de charges.
Par ailleurs, solidarité et concurrence se conjuguent difficilement, car la concurrence est destructrice des constructions solidaires, ne serait-ce que par le nomadisme et le consumérisme qu’elle génère.
En matière de protection santé, s’il est devenu illusoire que la Sécurité Sociale puisse tout prendre en charge, qu’au moins la mutualité, mouvement solidaire et non lucratif, reconnu comme tel, puisse être considérée comme servant l’intérêt collectif, aux côtés et en harmonie avec l’assurance-maladie obligatoire, tant pour les questions de prise en charge que celles de politiques de prévention et de gestion du risque santé.
Il paraît donc nécessaire de militer collectivement pour retrouver les sources du mutualisme, pour revenir aux fondamentaux de la mutualité, non pas seulement parce que nous sommes en temps de crise, et que ce serait utile pour les plus démunis, mais parce que fondamentalement, la mutualité est un mouvement social qui puise ses racines dans son champs naturel, celui de la solidarité et de l’accompagnement des personnes, et non pas celui du commerce de garanties et de services, fussent-ils élaborés avec la générosité qui caractérisent ses composantes.
Retrouver les sources du mutualisme, c’est bien entendu favoriser en permanence la mutualisation plutôt que l’individualisation.
C’est aussi tout faire pour sortir du piège de la banalisation, et la mutualité a des atouts pour défendre sa spécificité et sortir de ce piège infernal :
- en mettant en exergue toutes les activités qu’elle peut exercer au-delà de l’assurance-santé
- en étant sans ambigüité aux côtés de la Sécurité sociale, non pas comme supplétif vassalisé, mais comme partenaire choisi, en capacité de relever ensemble le défi de l’accès aux soins et de l’amélioration de notre système de santé, et ce faisant, de défendre, probablement mieux que quiconque, l’avenir de l’assurance-maladie obligatoire
- en étant engagée au sein de l’économie sociale et solidaire dont elle est une composante importante, basée sur des principes, des valeurs, et des pratiques éthiques. L’ESS, apparaît bien aujourd’hui dans toute sa pertinence, et plus que jamais, reconnue et promue par toutes les instances internationales, elle constitue une alternative crédible pour gérer l’économie autrement
- en étant au rendez-vous des grandes mutations en cours et en relevant les défis des Objectifs de développement durable de l’ONU sur la base de ses valeurs fondamentales et de ce qu’elle peut apporter de mieux pour la société et les populations.
Malgré un contexte difficile et disons-le hostile, les militants du mouvement mutualiste doivent continuer à s’engager avec détermination et fierté, celle de démontrer l’efficacité des actions de la mutualité, celle de porter les valeurs et les principes que leur ont transmis leurs prédécesseurs, pour que demain, la mutualité puisse contribuer à la réalisation de l’idéal d’une société plus solidaire, plus égalitaire et plus fraternelle.