La mise en place des CSE a eu pour effet de concentrer les moyens des représentants du personnel (missions et crédits d'heures) sur un plus petit nombre d'élus. On estime ainsi la baisse du nombre d'élus à un tiers. Face à cette intensification du travail des élus, nous avons assisté à un renouvellement massif de la population des représentants du personnel ces dernières années, les plus confirmés étant souvent dégoûtés de tout ce temps passé à lutter pour maintenir des acquis et découragés par la perspective de devoir traiter les réclamations individuelles, les questions de santé au travail et les questions économiques et stratégiques dans une même instance.
 

Il n'y a pas si longtemps, dans les colloques, on se posait encore la question de savoir si être représentant du personnel était un métier. On voyait bien la tendance à la professionnalisation des représentants du personnel. Avec les CSE, c'est devenu une réalité. C'est probablement le principal changement des ordonnances de 2017. Pourtant, ce n'était pas le but premier. Nous en reparlerons dans un prochain article.
 

Malheureusement, tous ces nouveaux élus ne pourront pas bénéficier de ce compagnonnage au long cours dont leurs aînés ont bénéficié : au contact des plus expérimentés, on faisait ses armes en tant que DP, puis au CHSCT, puis au CE avant de devenir (pour les plus aguerris) délégué syndical. Par ailleurs, alors que le monde de la formation professionnelle est en pleine reconfiguration depuis septembre 2018, suite à la promulgation de la loi sur l'« avenir professionnel », la formation des représentants du personnel n'a quasiment pas évolué : une fois qu'on a fait valoir ses droits à la formation en début de mandat (3 jours pour la formation en CSE et 3 à 5 jours pour la formation en santé au travail), il faut se débrouiller. Impossible de proposer des formations au long cours ni de s'appuyer sur des formations en ligne permettant d'accompagner la montée en compétence des jeunes élus plus efficacement. Quant à l'action de formation en situation de travail (AFEST), elle est complètement absente de la réflexion sur la formation des représentants du personnel...

Certes, le Ministère du Travail a créé une nouvelle certification permettant aux représentants du personnel de faire reconnaître leurs compétences mais ce dispositif est encore très peu connu et utilisé. Certes, plusieurs entreprises ont entamé la mise en place de politiques de développement des compétences de leurs élus mais cela reste encore l'apanage des grands groupes les plus socialement responsables. 
 

Il est étonnant de constater à quel point le dialogue social est une matière peu réceptive à l'innovation. Clairement, les moyens dont disposent les représentants du personnel ne sont aujourd'hui plus adaptés à leurs besoins réels.
 

Forts de ces constats et avec trois amis, nous avons décidé de proposer une réponse en créant Guildeur, la première coopérative d'entraide, animée et gouvernée par les représentants du personnel.
 

Exerçant notre métier depuis plusieurs années dans le milieu du dialogue social, nous souhaitions proposer un bien commun numérique à tous ceux qui participent quotidiennement au progrès social, qui cherchent à échanger, à se former et à s'outiller pour rendre le monde du travail plus humain.
 

Guildeur (www.guildeur.fr) vise à répondre à trois objectifs :
 

1) proposer aux représentants du personnel une communauté sécurisée qui ne soit ni un syndicat ni un cabinet de conseil mais une communauté où l’on s’entraide et où on trouve des réponses ensemble, en s’inspirant de l’expérience des autres ;
 

2) aider les élus à bien poser leurs questions pour obtenir des réponses précises et concrètes, en apprenant à maîtriser « l’art du questionnement » ;

3) collectivement décrire la pratique de terrain, « le code du travail réel » tel qu'il se vit, pour que chacun puisse trouver son propre chemin, grâce à l'expérience des autres.

Guildeur est le village des représentants du personnel, avec la place du village où l'on échange, l’école où on se forme et le marché où l’on s’équipe. Tout le monde y est le bienvenu : nouveaux élus et plus expérimentés, experts et syndicats, avocats et formateurs.

Ce n'est encore que le début de l'aventure. Concrètement aujourd'hui, Guildeur, c’est deux choses :

• un réseau d’échange accessible ici : https://echange.guildeur.fr/ ;
• une trilogie de webinaires sur le thème « après avoir affronté la crise sanitaire, les représentants du personnel participent à la construction d’un nouveau monde ».

Jeudi 30 avril à 11h00, retrouvez la communauté de Guildeur pour partager conseils, expériences et outils et trouver son chemin pour ne pas subir les effets de la négociation de crise mais l'utiliser comme un levier en vue d'inventer un nouveau dialogue social au sein de l’entreprise.

• Inscriptions ici.
   

Après avoir consacré une part importante de leur énergie à sauvegarder les acquis ces dernières années, il est temps pour les représentants du personnel de retrouver le chemin du progrès social au sein de l’entreprise.