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01 / 04 / 2022 | 232 vues
Jean-Claude Delgenes / Abonné
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Agir en faveur de l’environnement au sein de l’entreprise : la vision actuelle des dirigeants et des salariés

« C’est en parvenant à nos fins par l’effort en étant prêt à faire le sacrifice de profits immédiats en faveur du bien-être d’autrui à long terme que nous parviendrons au bonheur caractérisé par la paix et le contentement authentique ». Cette sage adresse du Dalaï Lama ne se limite pas aux actionnaires si tant est qu’ils y soient réceptifs. Aujourd’hui bon nombre de salariés, de dirigeants, de consommateurs français pourraient la faire leur.

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L’étude de Technologia sur la prise en compte de la préservation de l’environnement au sein du monde du travail montre que dans leur grande majorité, au-delà des générations, des fonctions, des statuts et du sexe, ces citoyens au travail sont aujourd’hui à la recherche d’une cohérence entre leurs valeurs et leurs activités professionnelles. Comme souvent « le spontané précède le conscient » et en dépit d’une méconnaissance des grandes lois publiées au cours des dernières années (loi Climat etc.) voire de celles du processus de dégradation en cours, leurs aspirations, ce en quoi ils croient, les poussent à agir. Un souffle consensuel apparait pour s’engager dans des actions concrètes afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre résultant des activités professionnelles. 


L’étude a montré 14 actions et 9 moyens prioritairement mobilisés à des degrés divers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au sein du monde du travail. Ces actions (voir tableau ci-dessous sur les réponses des personnes et leur hiérarchisation que vous trouvez dans l’étude sur le site de Technologia ) 


Les actions mises en oeuvre

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Et ces moyens (voir tableau ci-dessous) relèvent encore trop d’une autodiscipline personnelle mais soulignent aussi des pistes intéressantes pour faire bouger les lignes. 


Les moyens mobilisés
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En bref à l’identique du niveau national, en dépit du foisonnement d’initiatives individuelles, il manque encore à l’intérieur de l’entreprise « un élan furieux en faveur de la préservation de la planète » qu’il revient aux dirigeantes et dirigeants d’impulser à leur échelle.


Pour illustrer la situation on peut la comparer à un train en gare qui connait sa destination, qui a du retard, trop de retard sans doute, les wagons sont bien huilés et prêts à se lancer mais la locomotive ne s’ébranle pas. Tout au moins pas encore. En bref les salariés sont prêts mais pour l’instant rien ne bouge vraiment, leur société n’est pas encore mise sous une réelle tension en raison de la crise écologique. 
Les dirigeants questionnés dans leur majorité sont bien sûr conscients des enjeux. Certains considèrent que les réseaux numériques sont susceptibles d’énoncer sur ces thématiques des sanctions économiques et réputationnelles très fortes.

 

  • « Les entreprises ne pourront pas rester à l’écart et prendre le risque d’une déviance comportementale sur ces sujets, ce d’autant, qu’il y a convergence entre les attentes des salariés, des clients et des pouvoirs publics ».  



En cela, plusieurs évoquent des « effets de mode » dont il faut se défier ou encore des « mesures gadget » mais tous évoquent la nécessité de suivre et d’amplifier le mouvement dynamique. Aucune tendance climato sceptique ne s’est manifestée au cours de l’étude. La plupart expriment « un désir de faire », tempéré néanmoins, par une volonté de ne pas réduire leur production « Affronter ce défi de la transition écologique sans détruire la valeur ajoutée créée par l’entreprise est un gageure ».  Un constat partagé, ces contraintes s’installent dans la durée longue et cette transition écologique peut s’avérer couteuse en emplois. 
 


La crainte d’une transition écologique destructrice d’emplois est un frein
 

Cette crainte rejoint celle des élus du personnel de voir fondre les emplois « Les emplois verts qui nous ont été promis c’est comme Mr Godot on ne les voit jamais arriver » Ainsi les salariés et leurs élus dans le secteur automobile savent parfaitement que la production d’une voiture électrique mobilise moins d’emplois qu’une voiture traditionnelle à moteur à explosion. La plus grande simplicité de ce type de moteur permet, qui plus est, le renforcement de l’automatisation. Les grandes structures acteurs dans ce secteur automobile qui procèdent à la bascule vers l’électrique à marche forcée, ont créé de nouveaux sites de production ou sont en cours de modernisation pour intégrer des normes environnementales plus drastiques. 


Les innovations concernent tous les segments de fabrication. Exemple les émissions de solvants et de peinture dans l’atmosphère sont capturées sur les chaînes en vue de leur réduction par des systèmes électro statiques. Ces évolutions vertueuses s’accompagnent d’une forte automatisation. Celle-ci se réalise sans toujours tenter de requalifier le personnel. Plusieurs acteurs dans l’industrie allemande optent ainsi en faveur d’une automatisation extrême. L’Allemagne comptait en 2020 environ 371 robots installés pour 10 000 employés dans l’industrie (La France qui reste à la traine 194) mais dans le secteur automobile fer de lance de l’économie allemande ce niveau était trois fois supérieur. Certains projets envisagent même des sites de production avec une présence humaine très réduite.


L’inertie encore trop souvent constatée ne signifie pas qu’une mutation d’ampleur ne se fera pas... Elle dit en creux, la complexité qui confine parfois à la procrastination. Agir pédagogiquement est un impératif pour ne pas tendre négativement les salariés et les conduire au rejet de ces évolutions. Il s’agit de montrer que les choix peuvent aussi déboucher sur des créations d’emplois, sur de nouvelles compétences et sans doute sur des besoins en requalifications. 


On ne peut pas négocier l’avenir en demandant aux salariés de sacrifier le leur. Si la transition écologique à marche forcée est vécue de manière dramatique par des ouvriers, des employés qui se sentiront laissés pour compte, alors elle s’enlisera.  


Différentes pistes de travail sont en cours de définition dans les entreprises et espérons-le, des plans ambitieux en résulteront. Certaines se sont imposées d’évidence en période de pandémie telle que le télétravail, la dématérialisation, et la réduction de la consommation de papier. D’autres se sont prolongées à partir souvent de la sphère personnelle comme celle du tri et du recyclage. Plusieurs besoins urgents apparaissent. Il s’agit de favoriser par la formation, une mise à niveau de l’ensemble de l’encadrement et du personnel. Actions spécialisées et apports de connaissances mais aussi ateliers en faveur de bonnes pratiques ou pour généraliser d’heureuses expériences. Ces formations compléteront un vaste programme de communication interne et en sensibilisation pour inciter au respect de ces bonnes pratiques et pour rappeler les engagements pris par le haut management si ce n’est les valeurs partagées par toutes les équipes. 


Pour animer l’ensemble de ces dispositifs il serait sans doute utile d’avoir des équipes dédiées ou une structure adhoc au sein des entreprises avec de vrais moyens et pouvoirs. 


Des idées émergent par exemple « favoriser à partir des accords d’intéressement » des comportements vertueux. Ou encore caler au sein des entreprises la mise en place de « règlements intérieurs très contraignants » pour accélérer l’adoption de ces bonnes pratiques et inciter aux investissements indispensables. 


Au-delà de ces actions, d’autres moyens sont, de manières très inégales, il est vrai, d’ores et déjà mobilisés pour assurer les évolutions des systèmes de production. Citons outre des investissements en faveur de l’isolation des bâtiments industriels qui sont jugés très positifs par les élus du personnel car participant à la fois au bien-être des personnes et à la création d’emplois, l’installation dans les lieux professionnels d’équipements solaires pour produire de l’électricité ou encore l’installation de pompes à chaleur pour équiper des lignes de production (voir le précédent papier publié par les auteurs sur Miroir Social). Certaines entreprises ont beaucoup investi pour favoriser la récupération et le traitement des eaux usées dans leur processus de fabrication.  La mutation des systèmes de production est donc en cours. Certaines idées vont sans doute se généraliser comme la mise en place pour chaque gros engin ou machine, voire canalisation d’un compteur électrique afin d’inciter à l’économie par la mesure et la régulation. Mais le parc machines dépend aussi de ses sources d’énergie pour assurer une réduction de ses émissions de gaz. En cela les entreprises sont dépendantes des choix énergétiques de la Nation au niveau macroéconomique.

 

En guise de conclusion
 

Les élus du personnel sont néanmoins déterminés à faire jouer leurs nouvelles prérogatives issues de la loi climat en faveur de cette transition énergétique. Certains élus envisagent déjà de questionner avec leur expert-comptable au niveau des CSE le bilan carbone de leur société ou le bilan des émissions de gaz à effet de serre ou encore d’auditer les moyens techniques mobilisés pour assurer par exemple la captation des rejets dans l’atmosphère des poussières d’origine industrielle.


Dans un avenir proche un dialogue social exigeant et dialectique sera le levain de réelles avancées. Ces dynamiques sont attendues, l’engagement et la passion de certains acteurs entrainant les autres à l’action. Ces avancées sont aussi impératives car les consommateurs se préoccupent de plus en plus, dans leur achat des modalités de fabrication dans le respect des grands équilibres sociaux, humains et environnementaux. 


Ces réalisations en devenir sont incontournables car la réglementation est devenue très contraignante pour les sociétés. A l’issue de la loi Pacte adoptée en avril 2019 par l’Assemblée nationale les grands groupes et quelques entreprises significatives ont d’ores et déjà inscrit dans leurs statuts, leur raison d’être. Par cette inscription les entreprises s’engagent à créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes et pas simplement pour leurs actionnaires. Mieux considérer les enjeux liés à la préservation de l’environnement est au cœur de cette raison d’être. 


La stratégie est donc définie mais les approches tactiques ne le sont pas encore. Les débats au sein des entreprises vont se focaliser sur les moyens engagés pour être au rendez vous que les terriens se sont donnés avec leur planète nourricière. Réduire de 55% les gaz à effet de serre d’ici 2030 suppose une mobilisation déterminée si ce n’est pour reprendre une expression apparue dans les échanges « Furieuse ». 

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