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06 / 06 / 2016 | 1389 vues
A Messaoud / Membre
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Inscrit(e) le 06 / 09 / 2010

Paris Habitat : une longue suite de scandales

L'éviction du directeur général de Paris Habitat OPH a finalement été décidée par Anne Hidalgo et Ian Brossat. Il aura fallu une accumulation d'articles de presse, dont la plupart ne révélait pourtant rien qui ne soit forcément connu ou connaissable par les élus contrôlant, de fait, le premier bailleur social de la ville. 

Pour les locataires et les demandeurs de logement, le départ de Stéphane Dambrine n'efface rien et personnaliser l'analyse des dérives de Paris Habitat n'est pas une solution suffisante pour y remédier et n'offre aucune garantie pour l'avenir.

Les scandales auxquels la presse s'est brusquement intéressée ne sont certes pas le fait d'un seul homme ou d'une seule équipe mais procèdent bien de choix stratégiques sur la politique du logement. Chacun d'entre eux reflète aussi l'abandon progressif du  rôle premier d'un bailleur social, le relogement des demandeurs et l'adaptation de l'offre à la demande. Depuis des années, notre collectif dénonce chaque dérive : mal-logés en lutte, nous n'avons eu accès à aucun document confidentiel, il n'en était nul besoin, tant les orientations catastrophiques étaient visibles dans leur résultat, l'aggravation du mal-logement.
 

Dès 2009, le gouffre financier du nouveau siège de la rue Claude Bernard

 

En 2004, la direction de Paris Habitat a annoncé la vente de son siège, rue du Cardinal Lemoine et l'a présentée comme une opération financière qui lui a permis de construire 1 500 nouveaux logements sociaux. Mais en 2009, le bailleur a opté pour l'achat d'un nouveau siège qui est  finalement revenu à un coût exorbitant de 143 millions d'euros, alors que la vente de l'ancien en avait rapporté moins de 40. En 2011, un rapport accablant de la Cour des Comptes a validé l'analyse des syndicats de Paris Habitat : l'opération a été un gouffre financier énorme et non justifié. Ainsi,  Paris Habitat OPH a pris à sa charge les travaux de désamiantage qui incombaient au constructeur. Les travaux ont eu des années de retard et des investissements luxueux et totalement décalés par rapport à la vocation du lieu ont encore augmenté la facture.

En 2010, les raisons d'une chute massive de la production

En 2010, la production de logements du premier bailleur parisien a subi une chute brutale : seuls 580 logements ont été produits et sur ce chiffre, deux tiers (380 unités) étaient des logements acquis occupés * (soit une chute de 78 %).

Comment s'explique cette chute ?
 
Ces dernières années, la majeure partie de la production a consisté à acheter des immeubles au privé et à les re-conventionner. Souvent, les appartements étaient majoritairement occupés, en partie par des locataires aux revenus bien supérieurs à la limite pour pouvoir prétendre à un logement social. Souvent situés dans des quartiers chers, ces logements ont nécessité un immense investissement financier, au détriment des programmes neufs.

La production s'est effondrée, en raison de la chute de l'achat de logements acquis occupés : les investisseurs privés n'ont pas mis autant de biens sur le marché ou ont choisi de les vendre à d'autres que Paris Habitat OPH. De plus, la montée des prix de l'immobilier a mené à ce que le prix d'achat d'un logement soit de plus en plus élevé et les finances du bailleur social ne suivent pas.

Voilà comment on en est arrivé, en 2010 à cette réduction dramatique de la production : 2 606 logements en 2009, 560 en 2010 (dont seulement 58 constructions neuves)*.

Mêmes causes, mêmes effets ? En comité d'entreprise, au mois de décembre, en contradiction avec la communication publique d'Anne Hidalgo et d'Ian Brossat, le directeur général annonçait qu'« un problème de plan de charge au niveau de Paris sur la construction de logements » et un risque de « chute de la production ».


Un exemple des rachats hasardeux d'immeubles occupés, le marché avec la Caisse des mines

En 2009, Paris Habitat OPH a conclu une transaction d'ensemble avec la Caisse de retraite des mines , transaction concernant plusieurs immeubles pour un coût global de 93 millions d'euros. Ces immeubles sont pour beaucoup en mauvais état et leur réhabilitation est à la charge de Paris Habitat qui, deux ans après le rachat, ne l'a toujours pas effectuée et continue de surcroît à facturer un loyer aux prix du marché à des locataires pouvant prétendre à un logement social. Or, l'ensemble de ces logements est comptabilisé en tant que nouveaux logements sociaux dès leur rachat.

Pour avoir soutenu les locataires de ces immeubles, notre collectif a été menacé d'une plainte en diffamation par la direction de Paris Habitat OPH, renonçant finalement à ce motif pour choisir plutôt l'« entrave à la liberté du travail » à propos d'une manifestation sur ce sujet.
 

Quand Paris Habitat fiche ses locataires...

Il a fallu un rapport de la CNIL rendu public pour que les locataires du principal bailleur de la Ville de Paris apprennent qu'ils étaient potentiellement fichés de manière illégale et que des informations sur leur vie privée, leur santé ou des appréciations insultantes et diffamatoires étaient soigneusement consignées et accessibles au moins à une partie des salariés du bailleur.

Du côté de Paris Habitat OPH, de son président Jean Yves Mano et de Bertrand Delanoë, la réaction a été sans commune mesure avec la gravité des faits : aucune excuse aux locataires, aucune réelle garantie pour l'avenir non plus, aucune vraie précision sur l'utilisation du fichier, notamment dans les commissions d'attribution concernant les demandes de changement de logement.

L'usufruit locatif social, des logements sociaux à durée déterminée

Paris Habitat a quelques filiales peu connues, dont Aximo utilisée depuis quelques années pour le lancement de programmes n'ayant rien à voir avec le vrai logement social et qui coûtent pourtant cher en argent public. 

Le dispositif de l'usufruit locatif social consiste à démembrer la nu-propriété et l'usufruit d'un logement pour une période de quinze ans : l'acheteur du logement bénéficie d'une ristourne allant jusqu'à la moitié de la valeur actuelle du bien et en cède l'usufruit à un bailleur social qui loue ces logements en PLS (les loyers les plus chers du logement social) ou en logement intermédiaire. Pendant quinze ans, le propriétaire ne perçoit pas de loyers mais il ne paye aucun impôt sur le bien (ni ISF, ni taxe foncière) et à l'issue des quinze ans, il ne paye pas d'impôt sur la plus-value s'il revend le logement. Le bailleur social a l'obligation de remettre le logement à neuf et de reloger les locataires dans son parc, à moins de racheter le logement.

Toutes ces opérations immobilières n'ont rien à voir avec les mécanismes du logement social. Pourtant, ces logements privés de fait, avec des loyers élevés, sont bien considérés comme du logement social au titre de la loi SRU. C'est un dévoiement inacceptable. Aximo a ainsi réalisé un programme d'ULS au Perreux, une ville ayant moins de 10 % de logements sociaux et dont le maire est un opposant de toujours à la loi SRU. Désormais, Aximo réalise aussi des programmes à Paris, dont le carré des Buttes-Chaumont, une résidence en PLS dans la partie la plus chère du XIXème arrondissement, où 80 % des demandeurs de logement social ne peuvent pas accéder à un PLS.

En septembre 2015, notre collectif a manifesté au siège social d'Aximo pour demander des explications sur ces programmes. La réponse de la direction de la filiale de Paris Habitat OPH a été claire. Les comptes devaient être demandés à la direction de Paris Habitat OPH qui pilotait directement ces opérations.

La rénovation sélective, une pratique courante chez Paris Habitat

Du plomb dans un « nouveau » logement social ? Impensable à première vue mais chez Paris Habitat OPH, tout est possible. À force de racheter des immeubles occupés et de vouloir rentabiliser à tout prix des achats très coûteux, le bailleur social a loué des appartements confectionnés à la hâte, en utilisant des locaux de rez-de-chaussée dont ce n'était pas l'usage initial ou en rattachant entre elles des chambres de bonne mal isolées. 

À l'heure où les médias révèlent que de l'argent destiné à la réhabilitation et à la rénovation a été utilisé pour embellir des appartements réservés à des collaborateurs de la direction de Paris Habitat OPH, nous nous souvenons qu'il a fallu plusieurs années de combat à un locataire relogé en urgence dans un « appartement » contaminé au plomb et dévasté par l'humidité pour être relogé. 

De manière plus large, faire reconnaître l'insalubrité d'un logement social ou la présence de dangers sanitaires est un parcours du combattant qui, bien souvent, n'aboutit pas pour les locataires concernés. 

En effet, pour obtenir quoi que ce soit en termes de travaux, il faut d'abord un rapport établi par le service technique de l'habitat qui dépend de la Ville de Paris, comme Paris Habitat. Juge et partie, la ville n'a que peu d'intérêt à reconnaître que certains de ses logements sont insalubres et les procédures n'aboutissent donc que très rarement. 

Ces dernières années, les mal-logés et les locataires en lutte ont souvent été les seuls à dénoncer la dérive du premier bailleur social de la ville et une politique bien différente de la vitrine entretenue à coups  d'inaugurations très médiatisées. Anne Hidalgo qui déclare dans son communiqué de presse concernant les récentes révélations sur les pratiques de la régie Paris Habitat, être « stupéfaite », le serait peut-être moins si elle et son équipe avaient été davantage attentives aux analyses et aux protestations des locataires et des demandeurs de logement inquiets du devenir du principal outil parisien pour la politique du logement.
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