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14 / 05 / 2025 | 17 vues
Alain ANDRE / Membre
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L’IA : Mirage Algorithmique ou Nouvelle Alchimie du Travail ?

L’Intelligence Artificielle (IA) transforme profondément le monde du travail, et le secteur des Industries Électriques et Gazières (IEG) n’échappe pas à cette mutation. L’IA promet des gains de performance et une optimisation des tâches, mais elle soulève aussi des inquiétudes majeures pour les salariés : automatisation des emplois, gestion algorithmique des salariés, protection des données personnelles, impact sur les salariés en situation de handicap ainsi que sur les conditions de travail des salariés. Il est impératif dès maintenant de regarder au-delà des promesses pour prévenir les dérives, assurer les droits des personnels et garantir une transition numérique pour tous.

 

Qu’est-ce que l’Intelligence Artificielle?

 

L’Intelligence Artificielle (IA) n’est ni dotée de conscience, ni réellement « intelligente». Il s’agit avant tout d’un ensemble de technologies capables de traiter des données et d’exécuter des tâches sur la base d’algorithmes, sans comprendre ce qu’elles font.

L’IA repose sur des modèles statistiques qui analysent des volumes massifs d’informations pour identifier des tendances, proposer des décisions automatisées ou exécuter des actions spécifiques. Son efficacité dépend de la qualité des données utilisées et des règles définies par ses concepteurs.

Contrairement à l’image souvent véhiculée, elle ne « réfléchit » pas, mais applique des modèles mathématiques conçus par des humains.

Cela signifie que l’IA peut reproduire des erreurs, des biais discriminatoires ou produire des résultats erronés.

Dans le monde du travail, son déploiement pose ainsi des enjeux majeurs en matière de transparence, de contrôle humain, de responsabilité et de sécurité.

 

Une IA au service de la performance… mais à quel prix?

 

L’IA peut avoir sa place dans le secteur énergétique. Les opérateurs des IEG y voient des opportunités pour optimiser la gestion des réseaux électriques et gaziers, anticiper les pannes et améliorer l’efficacité énergétique. En réduisant les coûts et en accélérant la prise de décision, elle pourrait apparaître comme une solution miracle. Mais les réalités sont plus contrastées.


Si l’IA améliore la productivité, elle induit aussi une transformation des métiers. Selon les études menées par le CNAM et l’IRES (1) , certaines tâches deviennent automatisables, entraînant un risque accru de suppression de postes, notamment parmi les agents d’exploitation, les techniciens de maintenance et les services administratifs.

 

Notre fédération  rappelle que, dans un secteur où l’expérience et le savoir-faire humain sont essentiels, l’IA ne doit pas devenir un prétexte à des suppressions d’emplois massives car cela pourrait engendrer de manière peut être irréversible une perte de compétences essentielles et donc mettre en danger sur le long terme certaines activités au sein de certaines entreprises des IEG.

 

Par ailleurs, les travaux de l’ETUI (2) montrent que l’IA a un impact différencié sur les salariés : elle peut renforcer les salariés moins qualifiés en leur fournissant un « filet de sécurité» via l’automatisation de certaines tâches, mais elle peut aussi accroître la pression sur les salariés les plus expérimentés, qui doivent contrôler et corriger les productions de l’IA. Le risque est donc une détérioration des conditions de travail, avec une augmentation des tâches de supervision chronophages et une charge cognitive accrue.

 

La gestion algorithmique : un modèle à encadrer

 

Un autre sujet de préoccupation majeur est l’émergence de la gestion algorithmique des salariés, un phénomène encore peu encadré par la réglementation actuelle. Les algorithmes de gestion du travail posent des défis en termes de transparence et de droits des salariés. Par exemple, les outils d’évaluation automatique des performances ou de sélection des candidats pour un poste peuvent intégrer des biais discriminatoires, notamment en matière d’âge ou de handicap.

 

Dans le cadre des IEG, la gestion algorithmique pourrait impacter fortement les plannings d’astreinte, les affectations de missions et les promotions internes.

 

Pour notre organisation syndicale , il est impératif de mettre en place une régulation stricte de ces outils pour éviter que les décisions stratégiques en matière d’emploi ne soient confiées uniquement à des algorithmes opaques et non contrôlés

 

L’IA et les salariés en situation de handicap : une opportunité menacée?

 

L’IA pourrait représenter un formidable levier d’inclusion pour les salariés en situation de handicap. Elle permet d’améliorer l’accessibilité, grâce à des outils de transcription vocale, de navigation adaptée ou encore d’exosquelettes intelligents.

Toutefois, son développement incontrôlé pourrait aussi creuser les inégalités.

 

L’un des principaux risques concerne la suppression d’emplois peu qualifiés, où sont surreprésentés les salariés en situation de handicap.Par ailleurs, la dépendance accrue à des outils numériques non adaptés pourrait exclure certains salariés du marché du travail.

 

Toute introduction de l’IA doit prendre en compte les besoins spécifiques des salariés en situation de handicap et que des formations adaptées soient mises en place.

 

Une régulation nécessaire pour garantir un déploiement éthique

 

Si les entreprises et les États se précipitent pour intégrer l’IA dans le monde du travail, la régulation peine à suivre. L’Europe a bien avancé avec l’IA Act (3), mais ce texte reste encore flou sur la mise en œuvre de mesures concrètes pour protéger les salariés.


FO, en lien avec d’autres organisations syndicales européennes comme la UIL en Italie, demande des garanties claires en matière de transparence des algorithmes, de protection des données et de formation des salariés.


L’intégration de l’IA dans le monde du travail ne doit pas se faire au détriment de l’emploi ni des conditions de travail.


Le projet Dial-IA (4), qui vise à décliner un accord-cadre européen sur l’IA, constitue une avancée intéressante. Il propose une méthodologie pour encadrer l’usage de l’IA dans l’entreprise, en assurant un dialogue entre employeurs et représentants des salariés afin de garantir une transition numérique équilibrée.

 

L’Intelligence Artificielle transforme en profondeur le monde du travail et la Branche des IEG n’échappe pas à cette révolution.

 

Si elle peut être un outil d’amélioration des conditions de travail et de performance, elle ne doit pas devenir un facteur d’exclusion, de surveillance abusive ou de précarisation des emplois.

 

Notre fédération  défend une approche équilibrée, où l’IA est mise au service des salariés et non l’inverse. Il est essentiel que les salariés puissent être formés aux nouvelles technologies, qu’ils bénéficient de garanties solides en matière de protection des données et que l’IA soit encadrée pour éviter toute forme de discrimination ou de suppression massive d’emplois.


L’accès à ces outils doit être inclusif et répondre aux besoins spécifiques de tous les salariés, notamment ceux en situation de handicap. Il est aussi impératif de préserver l’intervention humaine, en évitant une automatisation incontrôlée et opaque des décisions qui impactent l’emploi et les carrières.


Les salariés et leurs représentants doivent être pleinement associés aux décisions stratégiques concernant l’IA dans les entreprises des IEG. L’adoption de l’IA ne doit pas se faire sans concertation ni sans régulation adaptée.

 

Notre fédération  se mobilise pour garantir une transition numérique égalitaire, où le progrès technologique rime avec justice sociale et respect des droits des salariés.

L’IA ne doit pas être subie, mais maîtrisée collectivement pour en faire un levier d’amélioration des conditions de travail et non une menace pour l’avenir des salariés.

 

1) https://ires.fr/publications/cgt-fo/le-travail-et-lemploi-a-lepreuve-de-lia-etat-des-lieux-et-analyse-critique-de-la-litterature/

2) https://www.etui.org/fr/publications/ia-les-multiples-visages-dune-technologie-denuee-de-visage

3) https://artificialintelligenceact.eu/fr/

4) https://dial-ia.fr

 

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