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16 / 04 / 2025 | 19 vues
Alain Arnaud / Abonné
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Pour contribuer au développement juste et durable des territoires : conjuguer économie publique et ESS

Depuis très longtemps la notion d’économie d’intérêt collectif est ancrée dans l’ADN du CIRIEC. C’était la volonté de son fondateur, le professeur Edgard Milhaud, qui considérait que l’économie collective devait « tendre à aider une humanité plus consciente à devenir de plus en plus maîtresse de ses destinées, dans l’émancipation des masses de toutes les exploitations et de toutes les servitudes, dans le respect intégral des libertés et des droits de la personne humaine et dans la paix. »

 

Pour cela, Edgard Milhaud était convaincu de la nécessité d’une collaboration efficiente au sein des territoires entre régies directes, coopératives, et syndicats, pour promouvoir une forme d’économie non lucrative répondant aux besoins essentiels des populations et les protégeant des effets nuisibles de l’économie libérale.

 

Est-ce que cette volonté manifestée lors de la création du CIRIEC il y a près de 80 ans a aujourd’hui perdu de son sens ?

 

Assurément non tant les difficultés économiques, sociales, démocratiques et les risques de guerre s’amoncellent dans ce premier quart du XXIème siècle, alors que, l’histoire ne manquant pas de se répéter, les tensions géopolitiques se répandent dans le monde. Le parti pris du CIRIEC et notamment du CIRIEC-France de promouvoir le renforcement de l’économie publique et celui de l’ESS, et autant que possible des synergies entre ces deux formes d’économie, est encore plus vivace au regard d’un contexte mondial qui se détériore et d’une société qui se fracture.

 

Ces synergies doivent s’exercer dans les territoires car cette dimension territoriale est très importante : c’est le lieu des liens de proximité entre les organisations et les citoyens, c’est le lieu où la démocratie semble pouvoir le mieux s’exercer, et il y en a besoin, c’est le lieu où les convergences entre acteurs publics et acteurs de l’ESS peuvent s’organiser efficacement pour le bien de tous.

 

Pour le CIRIEC, le développement de coopérations entre l’économie publique et l’ESS est une voie d’avenir, pour plus d’efficacité sociale et pour mieux favoriser l’intérêt général, d’autant que les moyens publics ne peuvent plus suivre la croissance des besoins sociaux des populations dans la mesure où le consentement à l’impôt a atteint son plafond de verre.

 

« L’action publique locale, conjuguée avec celle de l’ESS permettrait une forte implication citoyenne dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques pour faciliter l’expression et la spécification participative des besoins sociaux dans la perspective d’une production élargie de biens publics et de communs.

Plutôt que d’organiser des partenariats public-privé lucratif, critiquables à maints égards, il serait sans doute plus efficient de construire avec l’ESS des partenariats public-privé non lucratifs permettant la production de biens publics et de communs et la mise en œuvre conjuguée de l’action publique au service de l’intérêt général, en innovant sur les territoires pour développer des écosystèmes territoriaux et en expérimentant la co-construction de l’action publique » (Cahiers du CIRIEC-France n°4).

 

Du reste, le contexte de crise et les enjeux de la transition économique, sociale et écologique créent des conditions favorables pour que de telles synergies se développent, encouragées par les recommandations de toutes les institutions internationales.

 

Pour cela, il est nécessaire de promouvoir le service public, mieux faire connaître l’ESS, vaincre les réticences, s’assurer que l’économie publique n’instrumentalise pas l’ESS, et que l’ESS ne veuille pas se substituer aux acteurs publics, et surtout, créer les conditions d’une réappropriation par les populations des structures collectives pour un renouveau de la démocratie économique et sociale. Cela est d’autant plus nécessaire alors que sont envisagées à l’Assemblée Nationale au nom de la simplification de la Vie économique des suppressions sidérantes de structures d’expertise et de concertation, pourtant bien nécessaires à la compréhension du terrain et la recherche de consensus dont on a tant besoin !

Je ne peux qu’approuver Eric Chenut, président de la Mutualité Française lorsqu’il déclare : « Supprimer des espaces de concertation et d’expertise, c’est renoncer à la cohésion et au consensus ». Notre pays serait-il gagné par le « syndrome de la tronçonneuse » qui se répand outre atlantique ? On ne peut qu’être très inquiets quand on voit qu’ont été adoptés en commission des amendements ahurissants portés par plusieurs groupes parlementaires pour supprimer les CESER et quelques autres instances consultatives utiles à la démocratie.

 

En tout état de cause, c’est bien dans cet esprit de transversalité et de collaboration entre acteurs publics et acteurs de l’ESS que sont menés les travaux du CIRIEC, comme en témoignent les ouvrages publiés dans la collection « Economie collective et territoires » engagée depuis plus de deux ans, ou encore les conférences comme celle qui vient de se tenir à Bordeaux sur le thème des « Coopératives de service public » coorganisée avec la Chaire TerrESS de Sciences Po Bordeaux et la Fondation Edgard Milhaud.

 

Toutes choses égales par ailleurs, comme disent les économistes, l’activité du CIRIEC entend se dérouler dans la continuité de la pensée d’Edgard Milhaud qui est particulièrement d’actualité. J’invite à consulter dans ce numéro de la Lettre l’étude élaborée en 2017 par Marine Dhermy-Mairal pour la Revue d’Histoire des Sciences Humaines, consacrée à ce grand militant de la paix, économiste français engagé, curieusement mal connu en France, alors qu’ayant refusé tout mandat politique, il a joué un rôle éminent auprès de la classe politique dans la première moitié du XXème siècle, notamment auprès de Léon Blum et Jean Jaurès.

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