Participatif
ACCÈS PUBLIC
21 / 03 / 2025 | 39 vues
Valentin Rodriguez / Membre
Articles : 28
Inscrit(e) le 25 / 11 / 2020

Batteries automobiles : La grande casse !

Faillite chez Northvolt, ruptures conventionnelles chez ACC : les fabricants de batteries en Europe font face à un sérieux coup de chaud. Mais à y regarder de plus près, le problème est plus structurel que conjoncturel et sans actions décisives rapides, l’Europe et la France risquent de perdre sous peu un combat industriel crucial. 

 

Après s'être placé sous la protection de la loi américaine sur les faillites en novembre, le suédois Northvolt, spécialiste des batteries électriques, vient de déposer le 12 mars le bilan dans son pays d'origine, plombé par une dette de 8 milliards de dollars.


En parallèle, ACC vient de négocier une rupture conventionnelle collective (RCC) concernant une cinquantaine de salariés. But de l’opération : ralentir l’activité sur les batteries LFP (lithium-fer-phosphate) et se renforcer sur le NMC (nickel-manganèse-cobalt) pour préparer la montée en puissance du site ACC de Billy-Berclau, dans les Hauts-de-France, afin d’être plus performant, tant sur le plan opérationnel que financier. « Numéro 1 chez ACC, nous avons voulu anticiper pour conférer à l’entreprise toute l’agilité dont elle a besoin pour se remodeler et garantir pour demain activités et emplois », résume le secrétaire fédéral Olivier Lefebvre.


Alors que nous sommes à un tournant crucial pour l’industrie des batteries et des véhicules électriques, le moment où l’ensemble de l’écosystème industriel se met en place et où il ne faut pas rater le coche, que nous disent ces mouvements ? 

 

Ils révèlent des problématiques structurelles inquiétantes. Les fameuses gigafactories de batteries peinent à sortir de terre en Europe, en particulier face à la double concurrence chinoise et nord-américaine. Les deux géants n’ont pas d’état d’âme à soutenir fortement leur industrie. Entre les aides d’État à l’investissement et à la production, le soutien à l’achat de véhicules dotés de batteries produites sur le sol national, un accès facilité et protégé aux matières, et même un soutien sur le foncier pour la Chine, la concurrence ne se fait pas à armes égales.


Le cas de l’entreprise de batteries Freyr illustre bien le problème. Elle avait abandonné fin 2023 le Luxembourg au profit d’une domiciliation dans le Delaware, attiré par les milliards du plan Biden. Freyr avait ensuite stoppé net, fin 2024 son projet d’usine en Norvège – dont la construction avait pourtant déjà débuté – pour tout reporter sur l’Etat américain de la Géorgie afin de bénéficier des aides gouvernementales américaines.  

 

Des leçons à tirer 

 

Derrière ces très offensives politiques de soutien à l’industrie, la Chine et les États-Unis savent aussi mettre en avant leur électricité bon marché dans un secteur qui en nécessite beaucoup et où prix et disponibilité sont devenus des critères importants pour le choix d’implantation des usines. Il ne faut pas oublier non plus qu’un prix de l’électricité élevé ne dissuade pas seulement d’ouvrir des usines de batteries en Europe. C’est aussi un facteur qui décourage les ménages lorsqu’il s’agit de s’équiper de véhicules thermiques, ce qui sape d’autant le marché des batteries. Ici, une politique de l’énergie volontariste et qui s’émancipe enfin du carcan européen manque cruellement. 

 

La faillite de Northvolt livre également un enseignement de taille. L’Europe et la France, avec leur vision de court terme, agissent davantage en incubateurs de start-up qu’en acteurs capables de financer des entreprises qui ont démontré leur potentiel. Être présents dès les premiers tours de roue est essentiel mais suffit pas quand les entreprises ont besoin d’un financement sur la durée. Le soutien à l’implantation d’usines de batteries devait permettre de combler le retard pris par le vieux continent, mais à quoi bon avoir dépensé de l’argent les cinq premières années si l’aide s’arrête au moment de consolider leur rattrapage ? 

 

L’heure des choix 

 

« On voit que l’impulsion étatique est nécessaire pour financer la filière véhicule électrique que nous appelons de nos vœux, analyse le secrétaire fédéral Olivier Lefebvre, car il ne faut pas se contenter d’attendre que le marché des batteries décolle en Europe. Mais cela ne suffit pas si une fois de plus on oublie une dimension essentielle d’une vraie politique industrielle : le soutien de long terme. » Pour cela, il faut aussi une réelle prise de conscience autour d’une réalité : un monde sépare le thermique et l’électrique, et les acteurs du second ont besoin d’être structurés comme l’ont été ceux du premier pour garantir demain leur succès industriel.


En ce sens, le sauvetage de Northvolt et une aide renforcée à ACC sont incontournables. Les laisser sombrer reviendrait à envoyer aux entreprises un message terrible : personne ne viendra vous aider. De quoi, en somme, décourager complètement la prise de risques et l’investissement dans un secteur qui en a pourtant un immense besoin pour exister et être compétitif.

 

Pour autant, il ne faudra pas se contenter d’un soutien en trompe l’œil, à l’image du plan d’urgence de l’Union européenne pour l’automobile, qui n’en est pas un puisqu’il ne s’agit que de mesures pour accompagner et non soutenir ou revitaliser la filière auto, menacée par la concurrence chinoise et américaine. De plus, la faiblesse des moyens engagés se révèle nettement insuffisante pour favoriser l’émergence d’un vrai champion européen de la batterie.

 

Il faudra aussi que nos constructeurs et nos industriels considèrent la batterie comme un intérêt commun et non un terrain de concurrence, car à ce jeu-là, il ne restera en Europe que des perdants. L’heure des choix a sonné. Notre organisation a déjà clairement fait le sien.  

Pas encore de commentaires