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Décrypter, mieux agir pour restaurer le lien social
Banalisation de la violence verbale : le CESE alerte sur ses effets concrets sur les individus et la société, et plaide pour des politiques publiques qui la préviennent et la sanctionnent
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté à l’unanimité le 12 février en séance plénière un avis sur la banalisation de la violence verbale et ses conséquences, notamment en matière de cohésion sociale.
Cet avis, rapporté par Souâd Belhaddad (Groupe des associations), et Marie-Claude Picardat (Groupe Familles) au nom de la commission permanente « Éducation, culture et communication », identifie l’ensemble des effets et en évalue les conséquences sur notre société. Il propose également plusieurs leviers concrets pour lutter contre la banalisation de la violence verbale et les discours de haine, à travers toutes leurs formes et leurs principaux canaux.
Si la violence verbale a toujours existé, nous observons depuis plusieurs années leur banalisation croissante et inédite dans la société.
Porteuse de préjugés, de xénophobie ou de rejet de l’autre elle est de plus en plus visible au quotidien : transports en commun, établissements scolaires, monde du travail, services publics, réseaux sociaux, médias et même au sein de la classe politique. Ces insultes, dénigrements, menaces, mépris… désormais banalisés, se muent en de véritables discours de haine, constituant une dégradation préoccupante du respect de l’égale dignité de chaque personne. Celle-ci est un premier pas dans une deshumanisation des relations allant alors jusqu’à une rupture profonde du lien social.
Ces violences verbales nous concernent toutes et tous. Elles affaiblissent la cohésion sociale et altèrent la capacité de notre société à relever ses défis, qu’ils soient d’ordre économiques, sociaux ou environnementaux. Les temps les plus tragiques et les plus violents de notre histoire ont presque tous débutés par des mots violents et stigmatisants, qui se sont transformés en discours haineux et discriminatoires. Ces derniers sont les prémices de passages à l’acte encore plus violents et dramatiques.
Dans ce contexte, le CESE, représentant de la société civile, a décidé de s’emparer de ce sujet qui doit faire l’objet de politiques publiques.
Après un long travail, nourri de consultations et d’auditions, l’avis démontre, en premier lieu, combien le constat d’une banalisation de la violence verbale traverse désormais tout milieu (professionnel, privé, public, médiatique, politique), et toute génération.
Plus largement, le CESE fait un constat clair : cette banalisation a des répercussions délétères sur la santé des victimes, est menace directe pour la cohésion sociale, la démocratie et l'économie. Le CESE constate, en outre, que les moyens juridiques et institutionnels sont limités dans la lutte contre la violence verbale.
Les recommandations du CESE permettent de lever plusieurs leviers concrets afin de rompre avec le sentiment d’impuissance que peut susciter cette banalisation.
Pour contrer la banalisation de la haine dans l'espace public et restaurer la cohésion sociale tout en protégeant notre modèle démocratique, le CESE propose 14 préconisations concrètes, réparties en trois axes principaux :
1- Savoir identifier et comprendre le phénomène de banalisation de la violence verbale :
- Le CESE appelle le Service Statistique Public (SSP) à produire davantage de données sur les violences verbales et les discours de haine, et à mobiliser un organisme public de recherche sur un programme de recherche sur les violences verbale sur l’ensemble des territoires, tant dans l’Hexagone que dans les Outre-mer, afin de décrypter et d’évaluer leurs effets sur la société et d’en mesurer l’ampleur.
- Le CESE préconise que le gouvernement élabore et fasse connaître, à l’instar du « violentomètre », un outil simple, « le verbomètre », permettant aux personnes de prendre conscience qu’elles sont victimes de violences verbales, d’en mesurer le niveau et d’être aidées.
2- Prévenir la banalisation
- Le CESE indique la nécessité de sensibiliser l’ensemble de la population à l’existence du phénomène et encourager la responsabilisation de chacun. Le CESE préconise de mettre en œuvre des campagnes de communication et de prévention sur les violences verbales et les discours de haine.
- Il préconise que, dans les milieux professionnels, l’employeur s’inscrive dans une démarche de prévention, notamment des risques psychosociaux, en assurant la protection des travailleurs et en sécurisant les espaces de travail et d’accueil du public.
- Il préconise également de faire évoluer et renforcer le plan national de lutte contre le harcèlement scolaire afin qu'il devienne le « Plan de lutte contre le harcèlement et les violences à l'École ».
3- Répondre par la sanction et l’accompagnement
- Le CESE suggère de créer un organisme indépendant placé sous l’égide de l’Arcom et dédié à la lutte contre la haine en ligne. Cet organisme dédié et indépendant permettrait de veiller au respect des obligations des plateformes numériques sur la modération des violences verbales et de prononcer des sanctions financières en cas de manquement à ces obligations.
- Il recommande que:
- les responsables politiques et les citoyens aspirant à des fonctions électives respectent les valeurs républicaines et fassent preuve d'exemplarité. Il préconise que le garde des Sceaux donne pour instruction générale aux magistrats du ministère public de requérir le prononcé de la peine complémentaire d’inéligibilité à l’encontre de toute personne
politique ou publique partie prenante du débat public qui se rendrait coupable d’infractions d’incitation à la haine ou de discours de haine.
- Iles fédérations sportives et ligues professionnelles, notamment de football, prononcent systématiquement une interruption immédiate de la compétition pour une durée de 15 minutes, et un arrêt total en cas de récidive, en cas d’insulte raciste proférée par un sportif, un arbitre, une spectatrice ou un spectateur.