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04 / 07 / 2024 | 13 vues
Dominique Dorgueil / Membre
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Quand les salarié(e)s protégé(e)s font face aux sanctions

Certains salariés bénéficient d’une protection particulière en entreprise. C’est notamment le cas des délégués syndicaux, des femmes enceintes et des salariés victimes de maladies ou d’accidents vasculaires, mais également des membres du comité social et économique (CSE), sur lesquels portera prioritairement ce focus....

 

L’expression « dialogue social de qualité » n’est hélas qu’une façade pour certains employeurs.

 

L es articles L. 2411-1 et 2 du Code du travail précisent que bénéficient de la protection contre le licenciement, y compris lors d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, les salariés investis de l’un des mandats suivants :

•délégué syndical,

•membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique,

•représentant syndical au comité social et économique,

•représentant de proximité ;

•membre de la délégation du personnel du comité social et économique interentreprises.

 

Cette liste est non exhaustive.

 

Si ce statut protecteur doit les sécuriser afin qu’ils puissent exercer pleinement leur mandat, les salarié(e)s protégé(e)s restent pour autant soumis(es) au pouvoir disciplinaire de l’employeur et peuvent être sanctionné(e)s, sous réserve naturellement que la sanction soit justifiée, proportionnée, et inscrite dans le règlement intérieur de l’entreprise.

 

Hors cas de licenciement disciplinaire, l’employeur n’a d’ailleurs pas obligation de solliciter de l’inspection du travail une autorisation pour décider des sanctions qu’il souhaite mettre en œuvre.

 

Le mandat protège le mandataire

 

Sanctionner un salarié protégé pour une irrégularité commise dans le cadre de l’exercice de son mandat représentatif est complexe (pour ne pas dire risqué  !) puisque, lorsqu’il exerce son mandat, le membre du CSE n’est pas sous la subordination de son employeur.

Cependant, si le salarié élu abuse de ses prérogatives de représentant du personnel, l’employeur peut prononcer une sanction disciplinaire pour ce motif, si et seulement si la faute commise et la gravité de cet abus sont établies (utilisation du crédit d’heures de délégation d’un collègue, répercussions sur la santé et sécurité des salariés, etc.).

 

Reste que, à la différence des salarié(e)s n’exerçant pas de mandat, une sanction qui aurait pour effet d’entraîner même un simple changement de ses conditions de travail ne peut être imposée au représentant du personnel.

 

Le potentiel licenciement

 

Le licenciement des salariés protégés ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail.

Cette procédure d’autorisation s’impose quel que soit le motif de licenciement invoqué par l’employeur, qu’il soit personnel ou économique, disciplinaire ou non.

 

En tout premier lieu, l’employeur doit convoquer le ou la salarié(e) à un entretien préalable à son éventuel licenciement. L’article R. 2421-3 du Code du travail précise : « L’entretien préalable au licenciement a lieu avant la présentation de la demande d’autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail ».

Dans les entreprises comptant 50 salariés et plus, le licenciement de certains salariés protégés impose également à l’employeur de consulter le CSE à l’issue de l’entretien préalable, et ce, avant la présentation de la demande d’autorisation.

Cette consultation est requise pour les salariés suivants :

•membre élu à la délégation du personnel au CSE (titulaire ou suppléant),

•représentant syndical au CSE,

•représentant de proximité

 

Enquête contradictoire

 

Enfin, lorsqu’il n’existe pas de CSE dans l’établissement, quelle qu’en soit la raison, l’article L. 2421-3 du Code du travail prévoit que l’inspecteur du travail doit être saisi directement. Une fois saisi, l’inspecteur du travail concerné doit procéder à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut se faire assister d’un représentant de son syndicat.

Le respect du contradictoire impose à l’inspecteur de procéder à l’audition des deux parties concernées, employeur et salarié(e).

 

Comme dans la plupart des échanges administratifs de cette nature, l’inspecteur du travail doit prendre sa décision dans un délai de deux mois, ce délai courant à compter de la réception de la demande d’autorisation de licenciement.

 

Le silence gardé par l’inspecteur du travail pendant plus de deux mois vaut décision de rejet.

 

Le contrat de travail

 

Si des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement peuvent être encourues, il n’est en revanche pas possible d’imposer à un(e) salarié(e) protégé(e) la modification de son contrat de travail. Ni la rémunération, ni la durée de travail, ni le lieu de travail (géographiquement déterminé) ne peuvent être modifiés sans son autorisation. Il en est de même pour sa qualification et ses fonctions, tout comme pour les éléments préalablement insérés dans son contrat afin de les figer (primes, clauses diverses, etc.).

Par ailleurs, toujours cet esprit, la Cour de cassation a listé et a précisé d’autres cas constituant une ou des modifications du contrat de travail du ou de la salarié(e) concerné(e).

En revanche, le licenciement d’un(e) salarié(e) protégé(e) peut être autorisé en raison du refus d’une proposition de changement de poste n’entraînant aucune modification du niveau de qualification, du positionnement hiérarchique, et de la rémunération. Il en est de même lorsque intervient une modification du lieu de travail à l’intérieur d’un même secteur géographique.

Ce refus est donc susceptible de caractériser une faute de nature à justifier le licenciement.

 

Quelle durée ?
 

Les salarié(e)s protégé(e)s le sont pendant toute la durée de leur mandat.

Cette protection perdure encore après la fin du mandat, pendant une durée variant de six  mois à un  an (selon le type de mandat exercé).

Les salarié(e)s sans mandat mais ayant demandé la tenue d’une élection, ou ayant été candidat(e)s à une élection, ainsi que les salarié(e)s pouvant prouver que leur employeur connaissait l’imminence de leur candidature, bénéficient t également d’une protection d’une durée de six mois.

 

En synthèse
 

Ne nous leurrons pas ; si un certain formalisme subsiste dans le but de protéger les détenteurs de mandats d’attaques trop expéditives ou trop violentes, le rapide tableau que nous venons de brosser reflète cependant le sort de plus en plus d’élu(e)s. L’expression « dialogue social de qualité  » n’est hélas qu’une façade pour certains employeurs.

Quand les pressions, la fatigue liée à la surcharge de travail inhérente au mandat CSE, ou la perspective d’une évolution professionnelle altérée ne suffisent pas ou plus à décourager les élus, certains employeurs n’hésitent pas à passer à la vitesse supérieure !

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