Niches fiscales et aides publiques aux entreprises : quelles justifications économiques ?
L’objectif du gouvernement de ramener le déficit sous la barre de 3% en 2027 serait atteignable selon la Cour des Comptes en mettant en œuvre, au préalable, une véritable revue des dépenses publiques afin de financer notamment de nouveaux défis liés au changement climatique.
A l’appui de son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour a établi une note « Piloter et évaluer les dépenses fiscales » afin de chiffrer les 465 dispositifs fiscaux appelés communément « niches fiscales » dont bénéficient à la fois les entreprises et le ménages et dont le coût total représente plus de 94 Mds par an pour le budget de l’Etat.
Si certains dispositifs à vocation sociale doivent être maintenus (Ex : garde d’enfants, abattement sur les pensions et salaires, dons, dépenses liées aux personnes âgées ou handicap, quotient familial, etc.), un examen et évaluation des principales dépenses fiscales bénéficiant aux ménages les plus aisés ou aux entreprises s’avère indispensable afin d’améliorer la redistribution, préserver la progressivité de l’impôt et le
principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.
Le gouvernement dispose aussi d’autres choix afin de rétablir l’équilibre budgétaire, par exemple augmenter les impôts sur les plus grandes entreprises, rétablir l’impôt sur la fortune sur les revenus financiers ou conditionner ces niches fiscales à des créations d’emplois ou respect de critères sociaux ou environnementaux.
Au contraire, l’exécutif semble s’orienter pour les prochains budgets vers une nouvelle cure d’austérité affectant à nouveau le fonctionnement des services publics ou en resserrant les budgets sociaux sur les ménages les plus fragiles afin de remplir les objectifs budgétaires de l’Union Européenne ou pour satisfaire les agences de notation.
Quel est véritablement le coût pour l’Etat de ces principales dépenses fiscales ou socio-fiscales, aides publiques consenties aux entreprises?
Décryptage des rares évaluations disponibles mesurant leur efficacité économique au regard des objectifs affichés ou leur inscription dans les annexes budgétaires....
Définition, répartition, coût budgétaire des niches fiscales
Les dépenses fiscales se définissent comme des dispositions législatives ou règlementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’Etat une perte de recettes et pour le contribuable un allègement de l’impôt par rapport à la norme. Elles sont, en partie, recensées depuis 1980 à travers un document budgétaire « Voies et moyens Tome II » en annexe du projet de loi de finances.
Ces dépenses fiscales dites « niches fiscales » sont souvent présentées comme des dispositifs dérogatoires à la législation fiscale ou d’incitations se traduisant par des allègements d’impôts (crédit ou réduction d’impôts, taux réduit de TVA, exonérations, etc.) afin d’orienter le comportement des particuliers ou des entreprises dans le cadre des politiques économiques mises en œuvre.
Le ministère des Finances et la Cour des Comptes dénombre dans ce document budgétaire 465 niches fiscales dont le coût est estimé à 94,2 Mds (1) en 2022 (88 Md hors CICE), soit 21 % des dépenses au budget général.
Elles peuvent prendre des formes très diverses : abattement fiscal, franchises, taux réduits ou se traduire soit par une « réduction d’impôt » (déduction de l’impôt après application du barème progressif sans possibilité d’excéder l’impôt dû) soit par un « crédit d’impôt » pouvant être supérieur à l’impôt dû et faire l’objet d’un remboursement par le Trésor Public (dénommé « crédit d’impôt restituable » en comptabilité nationale).
Le coût de ces niches fiscales a fortement augmenté depuis 2013 mais est resté stable par rapport au PIB en proportion des recettes fiscales nettes (entre 3,4 et 3,6% du PIB)
Cette stabilité relative provient notamment de la transformation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et
l’emploi (CICE) mis en place en 2013 en allègement de cotisations sociales depuis 2019 alors que les autres dépenses fiscales ont progressé de 16 Mds depuis 2013 selon la Cour des Comptes.
Selon ces documents budgétaires, la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés concentraient plus de 90% de ces dépenses fiscales en 2022 affectant ainsi le rendement de ces impôts et provoquant l’érosion des bases fiscales. Ces dépenses contribuent également à complexifier les règles fiscales notamment² en matière d’impôt sur le revenu pour les particuliers qui ne disposent pas d’un expert-comptable ou conseil fiscal pour effectuer leur déclaration.
Une distinction importante de ces dépenses est également opérée entre les dépenses fiscales classées et déclassées. En effet, selon la Direction de la Législation Fiscale, les dépenses fiscales dites « déclassées » ne figurent pas comme des dépenses fiscales proprement dites car elles visent surtout à éliminer les doubles impositions.
Or, depuis 2006, des dépenses importantes sont qualifiées de « dépenses déclassées » alors qu’elles grèvent également le budget de l’Etat. L’exemple le plus flagrant est celui du régime d’intégration fiscale et de groupe dit « mère/fille » permettant de réduire l’impôt sur les sociétés (IS) des firmes multinationales.
Une mission d’information de l’Assemblée nationale rappelle que ces deux régimes dérogatoires utilisés par les grands groupes permettent une exonération d’IS sur les dividendes reçus par leurs filiales et ont réduit les recettes de l’IS de plus de 36 Mds d’Euros (2) en 2021.
La Cour des comptes confirme également que plusieurs dispositifs fiscaux ne sont pas comptabilisés officiellement dans l’annexe des dépenses fiscales au PLF comme les taux réduits de TVA sur les vols domestiques (taux de 0% pour l’international). L’ensemble des taux réduits de TVA représenterait un manque à gagner de plus de 47 Mds en 2022 selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires).
Ce classement des dépenses fiscales ne reflète donc pas la réalité officielle de ces niches fiscales, notamment sur les entreprises et revêt un caractère arbitraire si l’on se livrait à une évaluation exhaustive de la totalité des dépenses fiscales. En effet, ce sont bien des aides publiques directes en termes de soutien financier aux acteurs économiques et de coût budgétaire pour les finances publiques.
Qui plus est, ces niches fiscales alourdissent chaque année le poids de la dette tant décriée par l’exécutif ou la Cour des comptes vis-à-vis de l’opinion publique et souvent utilisé pour réduire les moyens des services publics et les budgets sociaux.
Des dépenses élevées.... pour quels bénéficiaires et quels véritables impacts économiques ?
Après la réduction d’impôt sur le revenu pour les emplois à domicile, le Crédit Impôt Recherche (CIR) constitue toujours la deuxième dépense (plus de 7 Mds /an) mais plusieurs autres niches interpellent comme le régime spécial des transporteurs maritimes (3) (3,8 Mds d’euros) bénéficiant seulement à quarante entreprises !
Le CIR est souvent détourné par les grands groupes à des fins d’optimisation fiscale alors que les retombées économiques en matière d’emplois ou d’investissements dans la recherche sont très faibles par rapport à son coût budgétaire.
Selon France Stratégie, 26 000 entreprises utilisent ce dispositif afin de réduire sensiblement le taux effectif de l’impôt sur les sociétés (30 % de l’assiette des dépenses éligibles de recherche et développement) mais le CIR n’a pas vraiment d’impact sur la valeur ajoutée ou sur l’investissement.
De l’aveu même de France stratégie (4) , le CIR n’a nullement empêché les délocalisations hors de France alors qu’elle est considérée comme le pays où les aides publiques aux entreprises sont les plus fortes au sein des pays de l’OCDE. Le CIR représente les 3/5ème des soutiens publics à l’innovation mais l’étude d’impact n’a pas permis d’identifier des performances économiques notables depuis la réforme du CIR de 2008 ou en termes d’attractivité de la France. Il ne constitue pas non plus un facteur de localisation prépondérant dans les décisions des firmes multinationales.
Selon ce rapport, les dépenses de recherche et développement des entreprises françaises ont bien augmenté de 1,27 % à 1,44 % du PIB entre 2007 et 2019 mais elles demeurent inférieures à la moyenne des pays de l’OCDE.
En outre, elles ne bénéficient que pour 34% aux PME, les cinquante plus grandes entreprises concentrant la moitié de ces dépenses.
A l’examen des documents budgétaires, même pour les dépenses classées les plus coûteuses, le nombre de bénéficiaires est souvent inconnu et les données disponibles pour mesurer leur impact économique souvent inexistantes : ainsi, le nombre de bénéficiaires concernant l’exonération des heures supplémentaires à l’impôt sur le revenu n’est pas détaillé dans les documents budgétaires, (1,7 Md en 2022), il en est de même pour le taux de TVA réduit de la restauration (4 Mds d’Euros) et selon la Cour des comptes 73 niches fiscales concernent moins de 100 bénéficiaires !
Pour nous, ces dispositifs ne sont pas suffisamment ciblés, contribuent à baisser le rendement de l’impôt sur revenu ou de l’impôt sur les sociétés et renforcent le sentiment d’inégalité devant l’impôt. Concernant le CICE, encore deuxième plus grosse dépense, selon l’annexe des dépenses fiscales de 2022, le Conseil d’Analyse Economique (CAE) a déjà souligné que les baisses de cotisations n’ont d’effet positif sur l’emploi que jusqu’à 1,6 SMIC alors que le dispositif peut aller jusqu’à 2,5 SMIC sans pouvoir tirer de conclusions sur la mesure de l’emploi ou sur la valeur ajoutée.
Le lien entre les baisses massives d’impôts sur les entreprises ces dernières années et le niveau d’imposition des entreprises en France (baisse de l’impôt sur les sociétés de 33,33% à 25 % en 2022, baisse des impôts de production avec la suppression totale programmée de la CVAE (5) ou l’allègement des cotisations patronales) n’apparaît donc pas comme le seul déterminant de la compétitivité d’après les travaux récents menés par l’OCDE. Notre Confédération rappelle que le taux d’impôt sur les sociétés était de plus de 50% dans les années 80 et a été réduit de moitié fin 2022 !
Contrairement au discours véhiculé par le MEDEF , une étude récente (6 ) vient également de confirmer que les ménages supportent en réalité l’essentiel des prélèvements fiscaux depuis l’après-guerre !
En 2021, les impôts payés par les ménages représentaient 23,8% du PIB pour 5,9% du PIB pour ceux acquittés par les entreprises, ils ont augmenté particulièrement entre 1993 et 2009 puis de 2010 à 2021 et l’écart s’est creusé au détriment des ménages ces dernières années !
Pour notre organisation syndicale , il est important, dans cette analyse, de prendre en compte non seulement les bases d’imposition et les taux établis par les normes fiscales mais également toutes ces niches fiscales qui mitent le calcul de l’impôt rendant à la fois peu lisibles les rentrées budgétaires, le poids effectif de l’impôt ou l’utilisation des deniers publics dans la solidarité nationale.
A ce propos, la dernière communication de l’exécutif aux accents très populistes « en avoir pour mes impôts » relève plutôt de l’hypocrisie et de la démagogie. C’est d’autant plus sensible qu’il ne cesse de dénigrer le niveau des prélèvements obligatoires trop élevé en France et qu’une grande partie de ces niches fiscales est ciblée vers les ménages les plus aisés ou vers les aides publiques aux entreprises.
Elles ne sont, en outre, ni évaluées, ni contrôlées et accordées sans conditions ni contreparties.
Aides publiques aux entreprises : Un maquis d’aides socio-fiscales difficiles à identifier pour des coûts budgétaires exorbitants chaque année
Un rapport de France stratégie (7) paru, en décembre 2020, a évalué entre 139 Mds et 223 Mds le périmètre des interventions économiques de l’Etat et régions dédiées aux entreprises.
A partir des documents budgétaires, ce rapport a recensé 600 dispositifs (hors collectivités territoriales) dont 468 niches fiscales (CICE, CIR, JIE (Jeunes Entreprises Innovantes)), 45 régimes dérogatoires de TVA à taux réduit, 29 exonérations de TCIPE (8), 34 taxes affectées et 24 dépenses déclassées (9). Toutefois, il existe des aides non recensées et exemptées de notification à la Commission Européenne, notamment des dépenses fiscales des collectivités territoriales non compensées par l’Etat.
Par ailleurs, une étude récente de l’IRES (10) de 2022 a répertorié les diverses aides publiques aux entreprises fiscales, socio- fiscales ou subventions dont le total est estimé à 157 Mds soit 6,44 % du PIB et 31% du budget de l’Etat décomposées comme suit :
- 61 Mds de dépenses fiscales classées et déclassées (niches fiscales) ;
- 64 Mds de dépenses socio-fiscales (exonération de cotisations patronales)
- 32 Mds de subventions ETAT/collectivités locales ;
Selon la Gazette des communes, les aides publiques locales aux entreprises (11) dans le cadre du développement économique se montent à 8,5 Mds avec l’extension des compétences de la loi NOTRe et les schémas régionaux de développement.
Des évaluations imprécises souvent insuffisantes
La dernière évaluation des niches fiscales remonte à 2011 et portait sur 315 dispositifs inscrits au projet de loi de finances de 2011, le Comité du ministère des finances avait déjà conclu que 24 dispositifs ne figuraient pas dans la liste des dépenses fiscales pour un montant de 4,5 Mds.
Selon la Cour, par exemple les taux réduits de TVA (5,5% ou 10%) concernant les travaux d’amélioration des logements achevés depuis plus de 2 ans ont de faibles retombées économiques (32 000 emplois créés, 1,6 Md de chiffre d’affaires d’augmentation) mais un coût budgétaire exorbitant de 50 000 à 90 000 € par emploi créé !
Avec ces dépenses fiscales de taux réduit de TVA, la France est un des pays dont le taux de TVA effectif est un des plus bas (9,6% contre 12% en moyenne au sein de l’UE). Le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) a aussi conclu en 2015 que les taux réduits de TVA dans la restauration et les travaux d’entretien des logements étaient peu incitatifs en matière de développement économique et de créations d’emplois.
Selon certains économistes ou la Cour des comptes, la réduction des taux de TVA est un mauvais outil de redistribution car ils ne sont pas ciblés sur les produits de première nécessité ou sur les ménages à faible revenu.
Concernant l’impôt sur le revenu (ex : Niche Copé, mécénat d’entreprise, réductions d’impôts pour investissements immobiliers locatifs, monuments historiques, emplois à domicile ...), les dépenses fiscales bénéficient, avant tout, aux contribuables les plus aisés malgré le plafonnement de certaines dépenses et porte atteinte à la progressivité de l’impôt sur le revenu. Ces dispositifs vont donc à l’encontre de la redistribution, ne participent pas à la solidarité nationale sur les ménages les plus modestes souvent exonérés d’impôt sur le revenu mais payant de plus en plus de taxes indirectes et de CSG.
A cet effet, l’Institut des Politiques Publiques (12) (IPP) a démontré que l’impôt sur le revenu devient dégressif au sommet de la distribution portant ainsi atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt. En effet, si le taux d’imposition des ménages français atteint 46% pour les foyers les plus aisés, il devient régressif avec un taux de 26 % pour les milliardaires au sommet de la distribution. En cause, des procédés d’optimisation fiscale ou de niches fiscales comme la détention de dividendes dans des holdings qui donnent lieu à cette dégressivité de l’impôt sur revenu pour les ménages les plus aisés.
Selon la Cour des comptes, les évaluations et mécanismes de plafonnement des niches fiscales sont inefficaces et n’ont pas freiné leur augmentation depuis 2014. Ces plafonnements inscrits pourtant dans les dernières lois de programmation des finances publiques (LPFP) exprimés en pourcentage des recettes fiscales n’ont pas freiné l’augmentation de ces dépenses et ont même été dépassés (hors CICE). Par ailleurs, le dynamisme des recettes fiscales en 2021 et 2022, lié en partie à la reprise économique après la crise sanitaire et surtout à l’inflation, a même fait baisser ce ratio.
Enfin, les documents annexés au PLF, chaque année, présente bien une liste des dispositifs considérés comme des dépenses fiscales avec la référence au Code Général des Impôts mais sans préciser toutefois les objectifs ou l’impact économique attendu. Près de la moitié de celles-ci ne disposent, en effet, d’aucun indicateur par rapport aux missions et programmes de rattachement dans la Loi de Finances.
Des niches fiscales défavorables au climat
Selon une note de l’i4CE (13)(Institut for Climate Economics), il existe des approximations dans les documents budgétaires communiqués par l’Etat dans le cadre du budget vert concernant les niches fiscales défavorables au climat. Celles-ci figurent pour un montant de 7,6 Mds dans le PLF 2023 alors qu’un périmètre beaucoup plus large aurait conduit à une évaluation plus haute de ces dépenses à hauteur de 19 Mds d’Euros comme le mentionne également la Cour des comptes dans sa note sur le total des dépenses fiscales dites déclassées depuis 2009 portant atteinte à l’environnement (Ex : exonérations de la TICPE pour le secteur maritime, l’aviation ou encore les taux réduits de TVA sur billets d’avion ou carburants) en totale contradiction avec les objectifs climatiques à atteindre.
L’Etat a en effet déclassé ces mesures en se fondant sur le droit international alors que l’UE permet d’appliquer une taxe au transport aérien ou maritime à l’intérieur de l’Union dans le cadre d’accords bilatéraux.
NB : Le différentiel de TICPE sur le gazole et l’essence n’a pas non plus été intégré dans l’annexe du PLF comme dépense défavorable, cet alignement ayant été interrompu depuis la crise des gilets jaunes en 2019 alors que l’IGF et la Cour des comptes avaient évalué ce manque à gagner pour le budget.
Cette liste des niches fiscales défavorables au climat est donc incomplète mais comme notre organisation syndicale l’a déjà souligné , la fiscalité environnementale est une fiscalité régressive comme la TVA et a des répercussions immédiates sur la consommation des ménages les plus modestes et leur pouvoir d’achat.
En effet, plus elle augmente, plus les entreprises ont tendance à répercuter ces hausses dans leurs prix de vente, y compris dans les produits de première nécessité ou dans les dépenses contraintes et ce, quel que soit le niveau de revenus des ménages.
Pour nous, la question environnementale est d’abord une question sociale qui rejoint la problématique générale de la finalité de l’activité productrice. Face à l’urgence climatique, les politiques publiques devraient plutôt être financées par une fiscalité directe, notamment par un impôt sur le revenu plus progressif sur les plus hautes tranches ou par un impôt sur les sociétés majoré sur les plus grandes entreprises et multinationales souvent les plus polluantes ou sur une agriculture intensive énergivore peu respectueuse de l’environnement.
Il est donc souhaitable et nécessaire de responsabiliser, avant tout, les entreprises aux conséquences de leurs activités sur l’environnement, sur la santé des salariés en conditionnant également les aides publiques dont elles bénéficient à des critère environnementaux et sociaux.
Enfin, il est à noter que les principales mesures incitatives liées aux mesures d’économie d’énergie ou véhicules propres sont peu efficaces (Ex : primes à l’achat de véhicules neufs électriques, rénovation thermique ou énergétique, maprimerénov,etc.).
Selon les chiffres du ministère de la transition écologique, la France se situe dans la moyenne des pays européens pour la protection de l’environnement, mais ne se trouve qu’au 11ème rang (14) en matière de dépenses de protection de l’environnement rapporté au PIB (2%), loin derrière l’Autriche ou la Belgique.
N’oublions pas toutefois que l’augmentation de toute dépense fiscale peut entraîner parallèlement une augmentation des impôts ou taxes et donc relève toujours d’un choix budgétaire et politique.
En tout état de cause, pour nous, le périmètre de ces dépenses fiscales dommageables à l’environnement doit être révisé avec au préalable une étude d’impact sur l’activité économique et sur l’emploi.
Rappel des revendication Force ouvrière en matière de fiscalité
Pour la Confédération, les niches fiscales et sociales sont souvent peu évaluées, coûteuses et inefficaces en termes économiques et très inégalitaires car elles allègent l’impôt sur le revenu des classes sociales les plus favorisées ou l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises.
La progressivité de l’impôt a été remise en question au fil du temps, elle est même devenue dégressive car les plus aisés payent souvent des taux effectifs inférieurs à la classe moyenne tandis que les grandes entreprises ou multinationales ont recours à l’optimisation fiscale contrairement aux PME ou petites entreprises qui constituent pourtant l’essentiel du tissu économique en France.
Pourtant, l’histoire récente montre que, depuis l’après-guerre jusqu’aux années 80, la progressivité de l’impôt sur le revenu, de l’ISF ou droits de succession permettait de réduire les inégalités entre générations.
Même dans des pays les plus libéraux comme les Etats Unis, les taux d’imposition très élevés à l’impôt sur le revenu (jusqu’à 80% au sommet de la distribution) évitaient la concentration des revenus du capital et patrimoine mais aussi sur les revenus du travail des dirigeants et jouaient un rôle essentiel dans la fixation des rémunérations y compris pour les salaires les plus faibles dans les négociations d’entreprise.
De plus, contrairement aux discours véhiculés du « moins-disant d’impôts », la généralisation de l’impôt
progressif dans la plupart des démocraties n’a nullement entravé l’innovation, la recherche ou l’augmentation de la productivité.
Pour notre organisation syndicale , le principal écueil des politiques fiscales, c’est bien le rôle décroissant de l’impôt sur le revenu dans le total des prélèvements obligatoires et le rôle croissant de la fiscalité proportionnelle non progressive, directe et indirecte. Aujourd’hui, la majeure partie des recettes fiscales supportée par les ménages provient bien d’une fiscalité non progressive. Si l’on ajoute la fiscalité sur la consommation (TVA + taxes sur les produits) et la fiscalité proportionnelle (la CSG, la CRDS) ce sont presque plus de 3/4 des recettes fiscales, depuis plus de dix ans, qui sont acquittées par les ménages, sans prise en compte de leur niveau de revenu (15).
Il faut donc s’interroger sur la progressivité d’ensemble du système fiscal en procédant à une évaluation précise des principales dépenses fiscales et mieux contrôler les aides aux entreprises. Il faut, toutefois, veiller à ne pas instaurer à nouveau une fiscalité punitive, notamment environnementale en direction des classes moyennes et populaires comme cela a été le cas en 2019 avec la taxe carbone.
Il appartient à l’Etat grâce à des leviers comme l’impôt progressif Républicain de mettre en œuvre à nouveau des politiques publiques ambitieuses pour réguler le capitalisme afin de financer les biens communs, les services publics, renforcer les droits sociaux des travailleurs ou mieux planifier et cibler la transition énergétique plutôt que par l’augmentation de nouvelles niches fiscales.
Enfin, afin de réhabiliter l’impôt, il faut mettre un terme aux politiques systématiques de baisse d’impôts directs progressifs (suppression de l’ISF, instauration de la flat taxe, suppression de l’exit taxe depuis 2018) concentrés sur les plus aisés, ou sur les grandes entreprises (baisse conséquente de l’Impôt, sur les sociétés, suppression de la CVAE) qui accentuent la concentration des patrimoines et renforcent les inégalités sociales.
1) https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-07/20230707-note-thematique-Depenses-fiscales.pdf
2) https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/impots-des-entreprises-ces-regimes-fiscaux-dans-le-viseur-des-deputes-
1963434
3) https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/impots-un-manque-a-gagner-de-pres-de-4-milliards-sur-les-armateurs-en-
2022-1866649
4) https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-cnepi-cir-juin.pdf
5) Pour mémoire, la suppression totale de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) impôt de production a été acté lors du PLF 2023 pour un montant total de 8,9 Mds d’Euros dont 4,1 Mds en 2023.
6) https://sciencespo.hal.science/hal-04020073v1/file/WP-142-Abdelsalam-Delatte.pdf
7) https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-rapport-politique_industrielle-chapitre-4_1.pdf
8) Taxe sur les produits pétroliers et produits énergétiques https://www.economie.gouv.fr/entreprises/taxe-interieure-consommation-sur-produits-energetiques-ticpe
9) https://www.budget.gouv.fr/index.php/documentation/file-download/18984
10) http://www.ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations syndicales/item/6572-un-capitalisme-sous-perfusion-mesure-theories-et-effets-macroeconomiques-des-aides-publiques-aux-entreprises-francaises
11) https://www.lagazettedescommunes.com/863727/data-flambee-des-aides-aux-entreprises/
12) https://www.ipp.eu/actualites/quels-impots-les-milliardaires-paient-ils/
13 )https://www.citepa.org/fr/2022_06_b04/
14) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/depenses-de-protection-de-lenvironnement-en-france-en-2020-synthese-des-connaissances
15) Cela représentait déjà plus de 322 Mds sur 410 milliards payés par les ménages sur un total de 570 Mds de recettes fiscales en 2012 et analyses de Force Ouvrière de 2008 à 2017 sur le glissement de la fiscalité des entreprises vers les ménages « guide FO fiscalité paru fin2020 » https://www.force-ouvriere.fr/IMG/pdf/fo_livret_fiscalite_.pdf
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Justice fiscale et justice sociale: un lien évident
Les politiques économiques et fiscales se caractérisent notamment par un allégement des cotisations patronales, mais aussi par des baisses massives d’impôts dirigées en priorité sur les entreprises ou par la baisse des impôts progressifs en direction des ménages les plus aisés.
Leur mise en œuvre s’apparente à une remise en cause rampante de notre modèle social.
En effet, notre système de solidarité repose avant tout sur une forte intervention publique pour maintenir un service public de qualité et des missions d’intérêt général permettant de répondre aux besoins essentiels de la population et de réduire les inégalités.
Une note récente de l’Insee montre que la redistribution opérée par le système socio-fiscal avec l’ensemble des impôts, cotisations et services publics améliore le niveau de vie d’une majorité des ménages français. Le quart du revenu national est ainsi redistribué vers 57% de personnes bénéficiaires, réduisant ainsi fortement les inégalités initiales.
Pourtant, en matière de fiscalité, le gouvernement reprend le diagnostic patronal selon lequel le poids des prélèvements obligatoires serait à l’origine de la désindustrialisation et donc d’une partie du chômage.
Or, il n’existe aucune étude permettant d’affirmer que les baisses d’impôts et de cotisations engagées ces dernières années (allégements généraux de cotisations, réforme de la taxe professionnelle, ISF, CICE, PFU, impôt sur les sociétés, impôts de production…) aient eu le moindre impact sur la réindustrialisation du pays. En revanche, cette baisse de la fiscalité permet de justifier de futures baisses de dépenses publiques en prenant prétexte des déficits créés.
Elle est donc un moyen de parvenir à l’objectif de remise en cause du modèle social.
C’est pourquoi, il devient urgent de mettre un terme aux politiques systématiques de baisse d’impôts directs progressifs, concentrées sur les plus aisés ou sur les grandes entreprises, qui accentuent la concentration des patrimoines et renforcent les inégalités sociales.
Pour FO, c’est en rendant ses prérogatives à l’impôt sur le revenu progressif, en créant de nouvelles tranches et en atténuant la progressivité sur les tranches les plus basses pour les salariés les plus modestes, que l’on rétablira le consentement à l’impôt.
C’est aussi en encadrant mieux la fiscalité dérogatoire, avec une évaluation précise de l’impact économique des niches fiscales, et en limitant les plafonds pour éviter l’optimisation fiscale des ménages les plus aisés, qui rend l’impôt sur le revenu dégressif sur les plus hautes tranches.
Moins d’impôt c’est moins de service public dont nous savons qu’il est essentiel pour réduire les inégalités.
e.Un effort contributif mal réparti parce que pas assez progressif c’est moins de justice sociale. Qu’importe, le gouvernement continue dans cette logiqu
Vers une réduction drastique des dépenses
« Maîtriser la dépense pour investir dans l’avenir », tel est l’intitulé du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 présenté par le gouvernement le 27 septembre.
C’est le choix d’un axe d’économies renforcées. Le gouvernement propose d’abaisser la dépense publique de 16 milliards d’euros (voire 17 si possible), dont 5,2 milliards d’euros de baisse de dépenses pour l’État. L’objectif est donc de réduire à marche forcée le déficit public à 2,7% du PIB en 2027, cela pour être dans les clous du pacte européen de stabilité, qui devrait refaire son entrée dès l’an prochain.
En 2024, le gouvernement entend ramener le déficit public à 4,4%, contre 4,9% cette année. De 5,3% à 4,6% en ce qui concerne le déficit de l’État.
Pour remplir l’objectif de 2027, le gouvernement compte adopter « une méthode nouvelle, les revues des dépenses publiques, qui seront reprises chaque année ». Sont visées pour l’État des économies à hauteur de six milliards d’euros en 2025 et six autres en 2026.
Autre technique pour le recul des dépenses, « la mise en place de réformes structurelles ». Et de citer la réforme du RSA, la création de France Travail, la réforme des lycées professionnels... Après d’autres réformes, dont celles sur les retraites et l’Assurance chômage.
Des secteurs publics toujours au régime sec Le gouvernement, qui vante la « résistance » de l’économie du pays permettant d’aller vers le plein emploi (un taux de chômage à 5%), fait le pari optimiste d’une croissance à 1,4% l’an prochain.
Le PLF est placé sous le signe de la transition écologique (40 milliards de crédits), ce qui comprend, entre autres, de nouveaux soutiens aux entreprises, dont des crédits d’impôts, et la réduction des mesures fiscales sur les énergies fossiles.
Le projet de loi traduit aussi, comme désormais chaque année, la poursuite paradoxale de la baisse des impôts, lesquels ont déjà reculé de 50 milliards en près de six ans, avec des mesures et réformes qui profitent aux entreprises et aux ménages les plus aisés. Or, cette politique qui accepte un manque à gagner en termes de recettes pour les comptes publics a tout à voir avec le régime sec infligé d’année en année aux services publics.
Ainsi, hormis quelques secteurs (armées, ministère de l’Intérieur, justice, etc.) dont les crédits croîtraient en 2024, la grande majorité des autres secteurs verraient stagner leurs moyens quand ils n’accuseraient pas une baisse.
Du côté des emplois publics, l’annonce de 8273 ETP supplémentaires dans le versant État masque des traitements très différents.
Si certains secteurs (justice, armées, intérieur) emportent la majorité des créations, dans l’ensemble, les gains en effectifs sont moindres qu’en 2023. Et c’est sans évoquer le cas des ministères économiques et financiers qui, comme chaque année, perdent des emplois.
LaFrance Championne du monde des Niches Fiscales ?
Projet de loi de Finances 2024 : la France Championne du monde des Niches Fiscales ?
Après deux nouveaux 49-.3 en moins de 15 jours l’exécutif s’enferme dans ses contradictions avec une revue des dépenses publiques à géométrie variable alors qu’il prétend chercher encore un milliard d’économies.
Ainsi, les amendements retenus par le gouvernement dans le PLF 2024 ne vont toujours pas vers ceux qui en ont le plus besoin
De nouveaux dispositifs fiscaux sont venus s’ajouter aux 465 niches fiscales en vigueur, notamment une nouvelle exonération d’impôt dans le cadre de l’organisation des JO 2024 pour toutes les fédérations sportives internationales et une exonération d’impôt sur le revenu pendant cinq ans pour tous leurs salariés…
Paradoxalement, dans ce même PLF 2024 figure la transposition de la Directive Européenne issue des travaux de l’OCDE/G20 (Pilier 2) qui vise à assurer un taux d’imposition d’impôt sur les sociétés minimum de 15% pour les grands groupes nationaux et multinationales !
Pour résumer, ce PLF promet l’austérité budgétaire pour les services publics et la fin des aides publiques pour les ménages mais la poursuite des dépenses fiscales pour une minorité d’acteurs économiques avec en ligne de mire toujours la politique de l’offre.
Pour Force Ouvrière, l’obstination de l’exécutif à maintenir chaque année un montant important de dépenses fiscales notamment en direction des entreprises et dont l’efficacité n’est pas avérée comme le Crédit Impôt Recherche (7 Mds d’euros par an) constitue un non-sens économique et accentue les inégalités devant l’impôt.