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Partage de la valeur : s’inspirer du modèle Scop
Les superprofits ne cessent de faire couler l’encre et de renforcer la défiance des citoyens. Et pourtant, au cœur de la crise, tous les regards se tournent vers l’entreprise comme détenant l’une des solutions de sortie en évoquant une meilleure répartition de la valeur entre le salarié et l’entreprise.
Vivre dans une société plus juste, dans laquelle nous pouvons réduire les inégalités économiques et sociales grâce à des réponses visant à modifier les règles du monde du travail… nul ne peut s’opposer à une telle idée, alors allons-y !
Le rapport récent de mission d’information*, conduite par Louis Margueritte et Eva Sas, s’inscrit dans le contexte du futur projet de loi dit sur le dividende salarié ou le partage de la valeur dans l’entreprise. Les sociétés coopératives (Scop) ont été auditionnées.
Dans nos entreprises, 45 % des bénéfices en moyenne vont aux salariés sous forme de participation, 45 % partent en réserve de l’entreprise pour assurer sa pérennité et 10 % sont versés en dividende...salarié, les salariés étant les principaux actionnaires. Ne cachons pas qu’on nous fait remarquer régulièrement que notre modèle va « trop loin » en partage de la valeur. Pourtant, ce modèle est un gage de performance avec un taux de pérennité des Scop sur cinq ans de 76 %, soit 15 % supérieur à l’ensemble des entreprises (source : INSEE).
Le modèle est vertueux, cela ne fait pas de doute. Dans le contexte que nous traversons de crise sociale, économique et démocratique, il nous paraît indispensable de ne pas se contenter de mesurettes sur le partage de la valeur. Les travaux menés par la mission mettent en avant toutes les possibilités de partage de la valeur, celle de la participation et du dividende salarié sont des leviers extraordinaires.
Le calcul de la participation gagnerait à être simplifié. Le rapport indique d’ailleurs en évoquant le cas particulier des Scop que « la formule dérogatoire de participation utilisée par les Scop présente l’avantage d’être un pourcentage du bénéfice ; elle est jugée plus simple d’utilisation que la formule légale, décrite comme complexe. Elle présente aussi l’avantage d’être plus lisible pour les salariés ».
Quant au dividende salarié, il présente l’avantage d’impliquer plus les salariés, de favoriser le pouvoir d’achat et de répartir plus justement la richesse avec ceux qui la font, à savoir les salariés.
Mais attention, l’idée de dividende salarié ne doit pas être confondu avec l’intéressement, la participation, les primes de partage de la valeur, il doit bien être une part des bénéfices attribuée aux actionnaires. Et proposer sa mise en place pour les salariés doit bien revenir à leur conférer des attributs d’actionnaires qui détiennent le pouvoir.
L’intérêt est bien celui de faire coopérer le travail et le capital en favorisant l’accession des salariés au capital des entreprises, c’est ce qui permettra d’élaborer une loi juste.
Choisissons collectivement d’élaborer une loi qui mette les salariés en position de participer à la gouvernance de leurs entreprises et de bénéficier de leviers financiers motivants, d’inciter les dirigeants à repenser la structure de leurs sociétés pour en assurer la pérennité et la réussite.
S’appuyant sur les forces de notre modèle coopératif, nous avons soumis quatre propositions à la mission d’information, visant à développer l’actionnariat salarié et la participation des salariés à la gouvernance des entreprises :
- Simplifier la formule de calcul de la participation sous la forme d’un pourcentage du bénéfice
- Inciter à l’actionnariat salarié, pour aussi favoriser la transmission des entreprises à leurs salariés
- Augmenter le seuil de réserves affectées pour la pérennité de l’entreprise en passant de 5 % à 15 % dont la moitié en réserves impartageables
- Récompenser fiscalement les entreprises les plus vertueuses en matière de partage de la valeur
Les 4 400 Scop et Scic et leurs 81 000 salariés sont la preuve qu’il est possible de sortir de la spirale de défiance dans les relations entre salariés et entreprises. Réalisons ce pas de géant pour réinventer le modèle entrepreneurial de demain !
Tribune réalisée avec le concours de Fatima Bellaredj, déléguée générale de la Confédération générale des Scop & des Scic Laurence Ruffin, vice-présidente de la Confédération générale des Scop & des Scic
*le rapport sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le mercredi 12 avril 2023.