3 000 € de pénalités pour CPF par salarié : qui voudra payer des millions pour la formation ?
En 2014, puis en 2018, l'État avait décrété qu'en l'absence de gestion des parcours de formation, les entreprises devraient payer 3 000 € pour chacun de leurs salariés sans formation. Malheureusement, deux lois, plusieurs reports et d'innombrables décrets (le dernier datant du 30 décembre 2021) n'auront pu faire évoluer les pratiques éducatives des entreprises (on forme les plus qualifiés et on attend le départ en retraite ou au chômage des autres).
Le 30 décembre 2021, le Ministère du Travail a publié un décret relatif au recouvrement, à l’affectation et au contrôle des pénalités pour formation en cas d’absence de gestion des parcours professionnels des salariés (pour les entreprises de plus de 50 salariés). Ce décret n° 2021-1916 du 30 décembre 2021 nous fournit les indications suivantes : « Les 3 000 euros d’abondements correctifs doivent être versés, pour le 31 mars 2022, par virement, sur l’Espace d'employeurs et des financeurs (EDEF), disponible sur le site https://www.financeurs.moncompteformation.gouv.fr/espace-public ».
Des pénalités pour CPF de 3 000 € doivent donc être réglées, parfois pour des centaines de salariés, avant le 1er avril prochain. Pour cette première échéance, du 31 mars 2022, les salariés abondés seront très rares (peut-être 1 % de ceux n'ayant pas été formés).
Des questions existentielles vont vite se poser en entreprise face à cette « auto-pénalisation ».
- Combien d'employeurs vont effectivement se conformer à la loi et pour combien de leurs salariés ?
- Quels seront leurs critères pour abonder les salariés (ou pas) ? Avec quels risques de discrimination ?
- Quel rôle les représentants du personnel joueront-ils (ou pas) ?
- Dans quelles mesures les services de contrôle (URSSAF ou DREETS) pourront effectivement vérifier la bonne exécution de la loi et les parcours de centaines de milliers (millions) de salariés chaque trimestre ?
Rappel sur les entreprises concernées (de plus de 50 salariés)
En 2016, la France comptait :
- 18 600 entreprises ayant entre 50 et 99 salariés, soit 0,5 % (du total des entreprises),
- 10 800 entreprises entre 100 et 249 salariés,
- 6 300 entreprises de plus de 250 salariés.
Ces entreprises employaient environ 7 millions de salariés pour lesquels nos contacts, échanges et sondages nous font estimer le nombre des salariés non formés dans les conditions fixées par la loi à près de 50 % :
- absence des 3 entretiens professionnels entre 2014 2020,
- absence de traçage et d'organisation d'une formation autre qu’obligatoire,
- et absence de transmission d'un état des lieux à chaque salarié concerné de son parcours professionnel sur six années (communication qui devait être faite avant le 30 septembre 2021).
Environ 10 milliards d'euros de pénalités pour formation seraient donc dus ; seront-ils jamais payés ?
Si le parcours de 50 % des salariés des entreprises n'a pas été géré durant les six années écoulées, cela implique que le CPF de 3,5 millions de salariés doit être abondé de 3 000 €. Ainsi, 3,5 millions de salariés avec un abondement de 3 000 € chacun totaliseraient 10 milliards d’euros sur Moncompteformation (le montant exact d'une année de CPF pour 20 millions de salariés du privé). Dès le 1er avril 2022, les pouvoirs publics pourront communiquer les résultats de cette nouvelle obligation de formation mais la question reste posée : qui voudra payer des millions pour la formation ?