Comment mieux se préparer aux crises majeures ?
La crise du covid-19 est probablement l’une des pires que la France ait connu depuis le début du XXe siècle. Bien qu’une telle crise pandémique ait été anticipée voire préparée, les structures de l’État n’étaient pas réellement prêtes à en endurer une d’une telle ampleur et d’une telle longueur. Il faut donc aujourd’hui repenser le pilotage des crises sur une base plus ouverte. Il doit être structuré autour de trois éléments clefs :
- la coordination,
- l’innovation,
- et l’anticipation.
Les organisations de gestion de crise doivent se reposer sur un vivier formé et diversifié, être capables d’apprendre via des retours d’expérience transparents et se mettre à l’épreuve via des exercices ambitieux.
Robin Noyelle et Léo Quentin, ingénieurs des mines, se sont penchés sur ce sujet et livrent leurs réflexions dans le dernier numéro de la publication des Annales des Mines, réalisée avec le concours du Conseil général de l’économie et de l’École de Paris du management, La Gazette de la société et des techniques.
- Lire le détail de cette étude sur : Gazette_115_01_22.pdf (annales.org)
Pour eux, les récentes crises majeures excluent une gestion sectorielle ou locale des crises au profit d’une réponse globale de l’État reposant sur une coordination interministérielle accrue.
La création de la cellule interministérielle de crise (CIC) en 2010 avait pour objectif de répondre à cet impératif de coordination face à la multiplication des crises majeures et protéiformes. Outil placé sous l’autorité du Premier Ministre, qui peut l’activer lorsqu’il le juge nécessaire, la CIC assure la centralisation et l’analyse de l’information, la préparation des décisions et la coordination interministérielle au cours d’une crise.
À ce titre, elle se compose de représentants des ministères et organisations parties prenantes de la crise et d’équipes plus pérennes, principalement issues du Ministère de l’Intérieur.
Même si cette cellule a démontré sa capacité à efficacement répondre aux crises à cinétique rapide marquées par une forte dimension de sécurité civile ou de sécurité intérieure, l’ampleur et la durée de la crise sanitaire du covid-19 ont souligné certaines limites structurelles d’une CIC initialement conçue pour faire face à des crises temporellement et territorialement circonscrites.
Les propositions qu'ils font se situent au niveau de celui de la CIC, c’est-à-dire à l’intersection entre le politico-stratégique (préparation de la décision politique) et l’opérationnel (acteurs de terrains, en général sous l’égide du préfet de département).
Pour les crises à cinétique rapide et à menace concentrée, on peut ainsi parler de réponse « fermée », c’est-à-dire d’une réponse forte, rapide, centralisée et typiquement menée par les forces de l’ordre, la sécurité civile et les services d’urgence. Les gestionnaires de crise (au premier rang desquels figurent les préfectures) et les services concourant à la gestion de crise (police, gendarmerie, pompiers, SAMU etc.) sont déjà entraînés et savent efficacement les maîtriser dans le cadre de dispositifs rodés (plans ORSEC ou Vigipirate, par exemple).
Si une amélioration continue est toujours nécessaire, il ne nous semble pas que ces crises, bien qu’elles soient potentiellement très dangereuses, concentrent aujourd’hui l’essentiel des problématiques de préparation et d’anticipation sur lequel nous souhaitons attirer l’attention.
C’est en revanche le cas des crises à cinétique lente et à menace diffuse, qui constituent l’enjeu majeur des prochaines années. Nous soutenons ainsi que les dispositifs actuels de type réponse « régalienne » n’y sont pas adaptés. En contrepoint, les auteurs de cette étude proposent ce que l’on pourrait appeler une réponse « ouverte », c’est-à-dire un pilotage collégial des crises.
Pour résoudre les profondes incertitudes sur la réponse même à apporter à ces crises, nous estimons qu’il faut en effet largement ouvrir le cercle des gestionnaires de crise habituels. Il faut imaginer une organisation davantage inclusive, tant à l’intérieur de la sphère publique (en incluant d’autres ministères que le Ministère de l’Intérieur et les élus nationaux et locaux) qu’à l’extérieur de cette sphère (en incluant, par exemple, des entreprises (typiquement les opérateurs d’importance vitale), des associations, des citoyens etc.).
Le point clef est que ces crises nouvelles, qui touchent de nombreux secteurs sociaux très différents et d’ordinaire relativement séparés, imposent une gestion beaucoup plus ouverte à des fins à la fois d’efficacité et de réalisme dans la prise en compte des conséquenes multiples et du besoin de légitimité démocratique des solutions proposées.
Dans ce cadre, la mission principale des gestionnaires de crise au plus haut niveau de l’État n’est, pour eux, pas tant de trouver la bonne réponse que d’assurer une nécessaire coordination entre acteurs sectoriels et acteurs locaux pour que des solutions communes puissent émerger dans une atmosphère maintenant la confiance et la transparence des processus.