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Comment réduire les tensions sur le marché du travail ?
Au nom de la commission Travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental, Pierre-Olivier Ruchenstain (Groupe des entreprises) a présenté , le 12 janvier son projet d’avis sur les « Métiers en tension », qui faisait suite à une saisine du Premier Ministre en septembre dernier afin d'identifier les leviers d’actions nécessaires..
Rappel du contexte :
Ces derniers mois, la forte reprise de l’activité et le « rattrapage économique » après les confinements liés à la pandémie ont jeté un coup de projecteur nouveau sur une problématique pourtant structurelle et récurrente : les tensions de recrutement.
Depuis plusieurs années, ces difficultés n’ont fait que s’accroître : en 2019, selon la Dares et Pôle emploi, 6 métiers sur 10 étaient en forte tension, alors que seuls 1 sur 4 l’étaient en 2015.
Cadres en informatique, aides à domicile et aides ménagères, conducteurs routiers, ingénieurs dans l’industrie… : les tensions de recrutement représentent une diversité de situations selon les secteurs d’activité, les niveaux de qualification et les caractéristiques territoriales.
Parmi les causes identifiées, l’attractivité de l’emploi, avec la question des salaires et des conditions de travail, mais aussi la représentation des professions, l’efficacité du système d’orientation, de formation et de certification tiennent une place majeure. Le changement climatique et les transformations numériques ont également des impacts majeurs sur la qualité du travail et sur le marché de l’emploi. Ces facteurs de tension se trouvent enfin renforcés, dans un contexte marqué par la crise sanitaire et la réalité du dérèglement climatique, par les interrogations d’une partie des actifs et actives sur le sens et la finalité de leur travail.
Le projet d’avis adopté par le CESE formule une vingtaine de propositions pour :
- améliorer l’attractivité des conditions de travail et d’emploi, de formation et de reconnaissance des compétences,
- mieux prendre en compte les enjeux territoriaux,
- et anticiper les besoins en recrutement liés aux grandes transformations.
Les principales préconisations du CESE (*)
1 / Négocier des avantages mutualisés (chèques déjeuner, chèques mobilité, chèques logement…) au sein des branches professionnelles pour renforcer l’attractivité des métiers
Alors que beaucoup d’entreprises n’ont aujourd’hui pas la taille ou le modèle économique nécessaire pour développer l’attractivité des postes proposés, le CESE recommande de négocier et mutualiser, au niveau des branches, des avantages en faveur du pouvoir d’achat des salariés, tels que les chèques déjeuners, les chèques mobilité, les chèques logement et les chèques garde d’enfants. Il propose que ces avantages collectifs bénéficient d’une exonération fiscale et sociale, sous réserve que la rémunération conventionnelle soit au moins égale au Smic.
2 / Favoriser la conciliation vie professionnelle / vie personnelle en développant les offres d’accueil des jeunes enfants et en réduisant les dépenses engagées par les parents
Le CESE recommande de soutenir le développement de l’offre d’accueil du jeune enfant (crèches ou mode d’accueil individuel) pour répondre aux besoins des parents travaillant sur des horaires atypiques.
Il appelle par ailleurs les pouvoirs publics à renforcer les dispositifs permettant de réduire les dépenses engagées par les parents pour la garde d’enfants :
- En diminuant les écarts de reste à charge pour les familles selon qu’elles ont recours à un mode d’accueil collectif ou individuel, de manière à rendre l’accueil par une assistante maternelle aussi accessible que les autres modes d’accueil ;
- En soutenant les incitations fiscales telles que le crédit d’impôt immédiat pour l’emploi à domicile (entrée en vigueur au 1er janvier 2022) ou le crédit d’impôt famille.
3 /Agir sur les viviers de recrutement, en favorisant le recrutement des jeunes sur les filières en tension et des femmes dans les filières où les statistiques genrées sont déséquilibrées
Sur ce point, le CESE invite :
- à mieux éclairer les choix d’orientation et à guider les jeunes vers des filières professionnelles qui offrent de bonnes perspectives d’emploi ainsi que des opportunités de carrière. Pour cela, il recommande de rendre effectif le « Parcours Avenir », qui vise à donner une information plus complète et objective sur les métiers et filières de formation dès le collège.
- à mieux intégrer les immigrés primo-arrivants dans l’emploi par la reconnaissance des qualifications acquises et par une offre de formation professionnelle adaptée dans les branches.
- et préconise d’inciter les filières dont les statistiques genrées sont déséquilibrées à développer des plans d’actions pour y remédier, dans le cadre d’engagements de développement des compétences (EDEC).
4 / Créer des groupements d’employeurs pour soutenir l’activité économique de certains secteurs
Pour le CESE, les groupements d’employeurs peuvent représenter une solution concrète aux tensions de recrutement pour les petites structures qui ne bénéficient pas de moyens financiers importants ou services de ressources humaines Le CESE recommande ainsi de soutenir financièrement les groupements d’employeurs dans leur phase de création.
5 / Mieux planifier les besoins de recrutement pour les anticiper
Pour mieux anticiper les besoins en recrutement liés à la transition écologique, à la transformation numérique et aux évolutions démographiques, le CESE appelle à un « Etat-stratège », capable de :
- Renforcer la prospective des métiers et des qualifications, en associant tous les acteurs concernés au niveau national et territorial ;
- Affiner l’appareil statistique pour davantage identifier les besoins des secteurs dont les difficultés de recrutement sont insuffisamment documentées, en particulier les secteurs du grand-âge, du travail social et de l’éducation spécialisée.
(*) pour en savoir plus: https://www.lecese.fr/travaux-du-cese/travaux-publies