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13 / 10 / 2021 | 412 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Participatif

Quelle implication des salariés dans les réorganisations ? Risques et opportunités

L’appel à la participation directe des salariés dans le cadre d’une réorganisation, sous-tendue par une information-consultation en CSE et une négociation avec les syndicats, ne s’improvise pas, comme l’illustrent les deux retours d’expérience syndicaux de la MAIF et de Michelin lors du plateau du 17 septembre parrainé par Oasys Mobilisation, IAPR et Sextant expertise.

 
 

Au sortir de la crise sanitaire et de ses périodes de confinement, il est risqué pour une direction d’annoncer une réorganisation sans au moins prendre le pouls du collectif de travail. « La capacité des employeurs à évaluer les conséquences des réorganisations sur les conditions de travail est regardée d’encore plus près par les DREETS », souligne Aude d’Argenlieu, directrice de l’IAPR (groupe Oasys & Cie), cabinet qui intervient pour prévenir et traiter les risques psychosociaux. Il s’agit pour les directions d’aller au contact des salariés avec une démarche qui contribue à l’élaboration de l’acceptation d’un plan de transformation. Impliquer les salariés dans le diagnostic de la situation pour les amener à identifier des solutions est en revanche une option. « Le participatif peut être une source de réduction du stress à la condition que la direction se montre transparente sur ses objectifs et sur la marge de manœuvre qu’elle accorde aux salariés. Ce n’est pas à eux de décider du nombre d’emplois qu’il faut supprimer », prévient Aude d’Argenlieu. La démarche prend du temps. Elle n’est donc absolument pas compatible avec les situations d’urgence, pas plus qu’avec les restructurations guidées selon une stricte logique financière dans laquelle il s’agit d’aller vite, quitte à passer en force. 
 

Cadrer le participatif


Pour Éric Lhomme, directeur associé chez Oasys Mobilisation en charge des activités de conseil en stratégie et développement de RH (group Oasys & Cie), «Il est essentiel de cadrer le participatif en expliquant le but poursuivi, les sujets sur lesquels on attend des retours, ceux qui sont ouverts au débat et ceux qui ne le sont pas . Puis engager un vrai dialogue sur les propositions faites, même si l’on ne retient pas tout. Faire semblant d’écouter peut-être une source de conflits interservices et interpersonnel. Ainsi un de nos un client a communiqué sur le besoin de réorganisation qu’il identifie et engagé une démarche participative pour en affiner les contours. La direction impliquant les partenaires sociaux via d’expérience réguliers.»
 

Il faut dire que nombreux sont les projets qui sont loin d’être finalisés quand ils sont présentés en information-consultation, constate-t-on du côté de Sextant Expertise. « S’il s’agit d’une volonté clairement affichée de ne pas transmettre des informations- c’est alors la voie du contentieux qui s’impose mais, dans la majorité des cas, il y a matière à trouver un compromis par rapport au cadre légal en sachant que le projet se fera quoi qu’il arrive. Rien n’interdit de lancer l’information-consultation en prévoyant des phases d’ajustement en fonction des retours des salariés à partir du moment où la place des élus n’est pas remise en cause. Un accord de méthode est l’outil le plus adapté », explique Isabelle Nicolas, directrice RH-SSCT chez Sextant Expertise
 

Retours syndicaux gagnants 
 

Ainsi, sur un récent dossier dans lequel les projets de transformation s’enchaînent, la dernière information-consultation est loin d’être complète. Aussi la direction a-t-elle accepté que le cabinet mène une enquête auprès des salariés sur leur bilan de la précédente réorganisation. De quoi nourrir l’avis des élus sur la nouvelle réorganisation. Chez Michelin, c’est tout bonnement le socle d’une RCC tablant sur 2 300 départs volontaires entre 2021 et 2023, que la direction a mis dans la balance de la co-construction et en demandant aux salariés de contribuer aux diagnostics pour simplifier en ensuite proposer des scénarios. La direction se chargeant finalement de comptabiliser le nombre de départs nécessaires. « Nous n’aurions jamais accepté cette co-construction si nous avions considéré que tout était écrit d’avance. Avec plus de 9 000 contributions, l’engagement a été fort au sein des groupes de travail de salariés. Cela s’est même traduit par un sur-investissement. De nombreuses questions sur l’avenir des métiers se posent quand la direction annonce que 30 % du chiffre d’affaires se fera en dehors du pneu d’ici 2030, contre 6 % aujourd’hui. Ce contexte est une source d’adhésion syndicale pour les équipes au contact avec le terrain », témoigne Laure Trincal, déléguée syndicale CFE-CGC Michelin, qui note toutefois qu’il n’a pas été simple de simultanément suivre ce qui émergeait de la co-construction et de la négociation sur les mesures d’accompagnement, tout aussi attentives aux partants qu’à ceux qui restent. À noter que ce sont les salariés de la production qui se sont le plus impliqués dans cette recherche de simplification. « Il faut faire attention à ne pas épuiser les salariés auxquels on demande sans cesse de rationaliser leur travail », prévient Isabelle Nicolas.


Il y a trois ans, la MAIF a lancé son chantier « Osez » pour passer à un temps de travail annualisé. Pour nourrir la négociation, 8 % de l’effectif se retrouvent dans 60 groupes de travail. « Nous avons obtenu de pouvoir désigner des correspondants dans chaque groupe de travail avec un temps déterminé pour nous permettre de faire le point. Sur certains sujets, sans les travaux des groupes, nous nous serions montrés plus réticents sur la flexibilité de certaines mesures », considère Adel Rachedi, délégué syndical central CAT MAIF, dont le syndicat a pris la première place lors des élections de 2019, qui ont suivi le projet « Osez ». Et celui-ci de prévenir : « les salariés qui participent volontairement à ces groupes de travail doivent être sensibilisés à la résonance de ce qu’ils peuvent rapporter à l’extérieur et à la pression à laquelle ils peuvent être confrontés. C’est une source de stress qu’il faut prévenir ». D’autant qu’une promesse de l’accord n’a pas été tenue pour des raisons techniques. Celle-ci prévoyait un outil d’auto-planification du temps de travail... En 2021, ce sont les classifications et les rémunérations qui se sont négociées dans un accord baptisé « reconnaissance mutuelle » où il n’y a pas eu la même volonté d’embarquer les salariés, indépendamment des contraintes strictement sanitaires. Pour Éric Lhomme, « il y a des sujets comme les salaires qui se prêtent moins à du participatif au risque de totalement perdre le contrôle ».