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06 / 04 / 2021 | 170 vues
Michel Debout / Membre
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Mourir dans la dignité par temps de covid-19

L’annonce de la mort de Mme Paulette Guinchard-Kunstler a replacé dans notre actualité, si marquée par la pandémie du COVID 19, la question de la fin de vie. Elle a choisi de faire de sa mort un acte militant pour le droit à mourir dans la dignité en faisant savoir qu’elle était allée en Suisse pour y obtenir une injection létale, impossible en France du fait de la législation actuelle. 


Ce geste ultime de l’ancienne secrétaire d’Etat aux personnes âgées, doit être l’occasion de nous interroger sur la façon dont a été traitée la fin de vie et la  sépulture des personnes décédées depuis un peu plus d’un an. 


Je n’ai jamais été favorable à l’expression « mourir dans la dignité » parce qu’elle suppose qu’il y aurait des morts indignes alors que chaque personne, reste digne jusqu’à sa mort  comme détentrice d’une part de notre commune humanité. Je préfère parler de « vivre jusqu’à la mort dans des conditions de  dignité » Il ne s’agit pas d’un simple différend sémantique,  car cette approche nous permet de rattacher la mort au reste de la vie, dont elle est l’étape ultime. Bien plus nous pouvons, par notre action collective, modifier, en mieux et parfois en pire, les conditions dans lesquelles vivent et meurent nos concitoyens.
 

La première condition pour mourir dans des conditions dignes est de pouvoir mourir en présence de ses proches, ce qui répond a un besoin psychologique, affectif et émotionnel essentiel. Pendant toute la période du premier confinement, dans le Ehpad et dans l’ensemble des établissements hospitaliers, on a interdit cette présence. La raison, jamais avouée par les décideurs sanitaires, était l’impossibilité de fournir aux proches les masques, surblouses, gants…pour leur permettre de se protéger et de protéger les résidents ou soignants de ces établissements. Cet interdit qui perdure parfois, est totalement contraire au précepte déontologique et du Code de la santé qui organise le droit des familles à accompagner leur malade jusqu’à l’ultime moment. Cet interdit a généré un véritable traumatisme psychologique chez les proches.

Une perte de sérénité semblable au préjudice d’anxiété

Plus grave encore, la mise immédiate du corps en cercueil fermé les a empêchés de se recueillir, une dernière fois, près d’eux et d’être ainsi confronté à la réalité de leur mort. Tous ceux qui travaillent dans les services mortuaires ou de Médecine Légale savent combien cette confrontation répond à un besoin affectif, psychique et même anthropologique : il faut voir le corps du défunt pour se convaincre de la réalité de sa mort.  Ce ressenti est nécessaire au travail de deuil*, qui a été profondément altéré par la gestion sanitaire de la pandémie. 


Il faut craindre qu’un grand nombre d’ enfants, parents, amis présentent des états de deuil pathologiques qui viendront pour une longue période dégrader leur vie psychique relationnelle et sociale. Cette perte de sérénité est semblable au préjudice d’anxiété, ressenti par les victimes de l’amiante par exemple, c’est pourquoi il faut que soit mis en œuvre un fonds de solidarité pour indemniser tous les proches qui auront été interdits de rencontres avec leurs morts.


Cette reconnaissance sociale est essentielle car, au-delà du dédommagement financier des victimes (pour compenser les dépenses de soins et les pertes de gain liées à la fragilisation psychologique) elle leur permettra de se déculpabiliser : souvent et paradoxalement elles se sentent responsables de cette absence de la dernière rencontre vécu comme un véritable abandon de leur proche décédé. 


Pour permettre la rencontre avec les morts il aurait fallu se préoccuper aussi du devenir du virus après la mort, pour savoir sur quelle période le corps peut rester la source d’une contamination. Aucune recherche de ce type n’a été réalisée, en tout cas en France, elle ne suppose pourtant pas, une méthodologie particulièrement ardue. Je vois dans cette absence de recherche la marque du désintérêt qu’ont porté nos édiles sur cette question ; le Ministre de la Santé, et le Directeur général de la santé en tète ont égrainé, au quotidien, le nombre de décès liés à la pandémie, sans jamais évoquer les effets délétères provoqués, sur tous les parents et amis, par ces morts privés de sépulture.


Les services mortuaires doivent être considérés comme des services de soins qui ne s’arrêtent pas au décès de la personne, mais se prolongent jusqu’à l’inhumation ou la crémation. En ce sens les agents de ces services, publics ou privés, mais aussi les agents des Pompes funèbres sont bien les derniers maillons de la chaine de soins, et ils doivent être prioritaires au jourd’hui pour être vaccinés.



La France va connaître au moins 100 000 morts liés directement à l’infection virale, auxquels il faut ajouter tous les autres morts qui, pendant cette période, ont été soustraits à leurs familles. Malgré tous les efforts des soignants, et certains l’ont payé de leur vie, malgré la mobilisation des élus, des associations, de très nombreuses familles resteront marquées pour longtemps par ce drame collectif.

 

S’il est nécessaire, pour l’ensemble de la population, de retrouver la vie d’avant avec ses échanges familiaux, amicaux, sociaux, il est urgent que soit décidé, par les plus hautes instances de l‘Etat, un ensemble de mesures pour que ceux qui vont souffrir de la perte d’un être cher, puissent l’accompagner jusqu’à sa mort et sa dernière demeure.
 

*voire le Journal incorrect d’un médecin légiste. Michel Debout, Ed de l’atelier et Fondation Jean-Jaurès. Paris janvier 2021.

                        


 

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