Inégalité, non-conformité : la Cour d'appel de Paris tranchera le 25 septembre sur le barème des indemnités pour licenciement
Depuis plusieurs mois, plusieurs conseils de prud’hommes refusent d’appliquer le barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pourtant imposé par la réforme du Code du travail de 2017 (très exactement par la troisième des quatre ordonnances signées le 22 septembre 2017 par le Président de la République). Miroir social s'en est fait l'écho à plusieurs reprises, le dossier étant loin d'être clos...
Ainsi, ces dernières semaines, la Cour d'appel de Paris était amenée à se saisir du dossier. La journaliste Évelyne Salamero a couvert l'événement pour FO Hebdo...
Lors de la séance du 23 mai dernier, les portes de la salle d’audience de la Cour d’appel de Paris ont dû rester ouvertes tant l’assistance était nombreuse. Ce jour-là, les avocats de la confédération et de cinq autres organisations plaidaient devant l’avocat général pour démontrer la non-conformité du barème des indemnités prud’homales de licenciement, instauré avec la réforme du Code du travail de 2017, avec le droit international, pourtant d’application directe en France.
Remise en cause du principe d'égalité
Dans ce contexte, la Cour d’appel de Paris a été saisie par l’employeur d’un salarié licencié auquel le conseil des prud’hommes avait précisément accordé des indemnités supérieures au barème en première instance. Le 14 mars dernier, après la diffusion d’une circulaire de la Chancellerie enjoignant le ministère public d’intervenir dans le débat général soulevé par la fronde des conseils de prud’hommes, la Cour d’appel de Paris a sollicité l’avis de l’avocat général.
L’audience s'est déroulée devant une salle comble. Quatre organisations syndicales (dont FO mais aussi le syndicat des avocats de France et l’Union des syndicats anti-précarité) ont pu s’exprimer en tant qu'« intervenants volontaires » dans le cadre de ce litige parisien en tant.
Elles ont ainsi œuvré à démontrer que le plafonnement des indemnités prive les salariés injustement licenciés d’une indemnisation à la hauteur du préjudice subi, ôte à l’indemnité tout caractère dissuasif, limite les juges dans leur pouvoir d’appréciation et prive ainsi les salariés d’un procès équitable. Tous ces d’éléments font que l’existence d’un barème est contraire au principe d’égalité.
La non-conformité avec les conventions internationales ratifiées par la France
L’avocat de la confédération a notamment plaidé la non-conformité du barème (son « inconventionnalité » en langage juridique) avec les conventions internationales que la France a pourtant signées, qui sont donc d’application directe dans le pays. Il s’agit de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), ratifiée par la France en 1989 et de la Charte sociale européenne de 1996, ratifiée par la France en 1999.
D'après l'article 10 de la convention de l'OIT, les juges ayant conclu à un licenciement injustifié et n’ayant pas le pouvoir de l’annuler et/ou d’ordonner la réintégration du salarié doivent être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
L’article 24 de la Charte européenne prévoit aussi le droit des travailleurs licenciés à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. Le Comité européen des droits sociaux chargé de superviser le respect des engagements pris en vertu de cette charte a précisé le sens des qualificatifs « adéquate » et « appropriée » en ces termes : les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient le remboursement des pertes financières subies, la possibilité de réintégration, des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime.
Remettre en cause l'intention du législateur de favoriser l'emploi
Indemnités adéquates, réparations appropriées et réintégration possible dans l’entreprise : pour nous, aucun de ces trois points n’est réuni, a tranché l’avocat de la confédération, soulignant aussi que l’existence d’un barème porte atteinte à un procès équitable puisque cela sécurise la partie la plus puissante (le patron) contre des risques de dommages et intérêts.
Quant à la justification du barème par la nécessité de favoriser l’emploi, l’avocat a remis l’intention du législateur en cause : « de quels éléments dispose-t-on pour démontrer qu’en sécurisant les conséquences du licenciement illicite, on favorise l’emploi ? », a-t-il interrogé.
La Cour d'appel de Paris tranchera le 25 septembre
Sans surprise, l’avocat général (qui, rappelons le, représente le ministère public) a invité les juges à rejeter l’argument d’inconventionnalité plaidé par l’avocat du salarié. Il a notamment argué du fait que le barème étant applicable à l’ensemble des salariés, il assure ainsi une sécurité juridique accrue et une prévisibilité, toutes deux d’intérêt général, des conséquences d’un licenciement.
La Cour d’appel de Paris rendra son jugement le 25 septembre. Entre-temps, la Cour de cassation, saisie pour avis par les conseils des prud’hommes de Louviers (Eure) et de Toulouse (Haute-Garonne), doit aussi se prononcer le 8 juillet sur l’inconventionnalité du barème.
Par l’intermédiaire de son avocat à la Cour de cassation, notre organisation syndicale a également déposé des observations dans le cadre de cette affaire...