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Amiante : l'utilité des rapports d'expertise CHSCT
La contamination par l'amiante paraît comme un drame sanitaire majeur dont les conséquences sociales se prolongeront pendant plusieurs dizaines d'années en France comme à l'étranger. L'Organisation internationale du travail (OIT) estime ainsi que 100 000 personnes mourront chaque année dans le monde en raison de l'usage massif qui a été fait ou qui est encore fait de ce matériau.
D’après le rapport du Sénat 35 000 personnes sont mortes en France d'une maladie de l'amiante entre 1965 et 1995 mais entre 50 000 et 100 000 décès sont encore attendus d'ici 2025. L’INVS avance 68 000 et 100 000 morts d’ici 2050. Plus de 3 000 produits contenant de l'amiante ont été recensés dans notre pays et 20 millions de tonnes d’amiante sont encore présentes dans les usines, bâtiments, équipement de productions en France. Le Haut Conseil de la santé publique (HSCP) redoute entre 50 000 et 75 000 cas de cancer du poumon dus à l'amiante et entre 18 000 et 25 000 cas de mésothéliome, un cancer de la plèvre qui, dans 80 % des cas, peut être attribué à l'exposition à l'amiante. L'INVS évoque également des cas de cancers du larynx ou des ovaires liés à l'exposition à la substance toxique, sans toutefois donner de prévisions chiffrées. Très récemment, le Professeur Jean-Claude Pairon a fait l’association entre l’exposition aux poussières d’amiante et la déclaration de cancer du colo-rectum. Selon les autorités sanitaires, l'amiante est responsable d'environ 3 000 décès par cancer chaque année.
Compte tenu de ses remarquables propriétés et de son faible coût, l'amiante a été massivement utilisée, notamment dans les filatures, dans la sidérurgie, la réparation et la construction navale ; pour calorifuger les fours, les chaudières, les chauffe-eaux, les équipements frigorifiques, les navires et les matériels ferroviaires ; pour protéger contre l'incendie les structures métalliques utilisées dans la construction ; pour étanchéifier et coller les revêtements de sol et les cloisons intérieures ; pour thermiquement isoler les cheminées et les appareils de chauffage ; pour fabriquer des faux plafonds, des portes coupe-feu, des appareils électroménagers d'usage courant...
- Les effectifs concernés sont considérables puisque l'Institut de veille sanitaire a récemment évalué à 27,6 % le pourcentage actuel des retraités masculins ayant été exposés à l'amiante au cours de leur vie professionnelle.
Le risque d'exposition ou de contamination n'est pas derrière nous.
Le risque d'exposition ou de contamination n'est pas derrière nous puisque le personnel d'entretien et de maintenance, les salariés des entreprises de désamiantage, les salariés du BTP etc., dont les trois quarts ne respecteraient pas les obligations de sécurité, sont aujourd'hui encore exposés à l'amiante.
Un durcissement graduel de la réglementation sur l'amiante s’opère depuis maintenant plus de dix ans. En 2012, le nouveau décret a renforcé le corpus règlementaire tant au niveau de la santé publique qu’au niveau du Code du travail.
L’amiante est une substance minérale cancérogène confirmé pour l’homme, donc les dispositions applicables aux agents cancérogènes (décret CMR) s’appliquent pour tous les produits contenant de l'amiante. Nous constatons désormais les dégâts occasionnés dans la réparation pour préjudice subi par l’utilisation massive de cette fibre, dans l’établissement des responsabilités mais aussi dans la prise en charge médicale des salariés pour une intervention précoce des pathologies émergeantes chez les salariés exposés ou pouvant être encore exposés.
Il est donc impératif que toutes les sources anciennes et encore présentes soient identifiées et répertoriées et que l’évaluation de l’exposition soit réalisée. Ainsi, face aux sources d’amiante trouvées, des activités et des gens seront identifiés comme ayant été potentiellement exposés. Ces salariés se verront alors médicalement suivis pendant leur vie professionnelle mais aussi pris en charge par la CPAM lors de leur départ en retraite.
Le rôle de l'expert pour suivre, tracer et aider à reconnaître
Dans ce cadre, l’expert auprès du CHSCT/CSE est une aide précieuse. En effet, son rôle consiste de façon la plus exhaustive possible à repérer les sources d’amiante passées et présentes dans l’entreprise pour ensuite effectuer une analyse des conditions d’exposition grâce notamment à la mémoire collective, à des banques de données mises à sa disposition, aux documents internes de production de l’entreprise etc. mais aussi face à l’analyse des conditions de travail existantes encore dans les lieux répertoriés.
L’expert analyse de façon critique et constructive toutes les pièces réclamées par le législateur dans ce domaine, comme par exemple le dossier technique de l'amiante, l’évaluation du risque chimique et CMR, les rapports de repérage des matériaux amiantés dans les bâtiments et sur les organes de production, les stratégies d’échantillonnage à la base de toute mise en place de modes opératoires, les plans de retrait, les plans de prévention associés, le suivi médical instauré, la traçabilité des expositions etc., les mesures de prévention, de protection prises (ou pas) par la direction de l’entreprise ces dernières années tant du point de vue organisationnel et technique, qu’individuel, médical et le respect de la législation.
Suite au recueil des pratiques et à l’analyse des conditions de travail des actifs et retraités, des matrices d'« expositions » propres à l’entreprise, sont élaborées, basées sur la littérature de l’entreprise, enrichies par la consultation des banques de données, de la bibliographie internationale, sur les méthodologies utilisées pour l’évaluation du risque chimique et sur l’analyse des paramètres principaux et aggravants. Toutes les données recueillies sont croisées pour aboutir à des résultats au plus près de la réalité de l’exposition des salariés et anciens salariés. Ainsi, un suivi médical adapté sera proposé. Le rapport établi par un expert agréé par le Ministère du Travail sera une pièce maîtresse dans l’évaluation du risque lié à l'amiante juridique dans la reconnaissance en maladie professionnelle mais aussi dans un processus de réparation.
Beaucoup de nos rapports ont permis d’instaurer un suivi médical adapté, d’établir une traçabilité des expositions, de reconnaître en maladie professionnelle liées à l’amiante de certains salariés contestée par l’employeur au niveau du TASS, parfois de qualifier la faute inexcusable de l’employeur, mais ont aussi aidé au classement d’entreprises dans la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs exposés à l’amiante, comme par exemple le récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy n° 17NC00166…
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