Organisations
Pour une évolution des modalités de désignation des conseillers du salarié
Le nouvel exécutif veut réformer le monde du travail par ordonnances. Les institutions représentatives du personnel n’échappent pas à ce tourbillon législatif. Les délégués du personnel et les membres du comité d’entreprise fusionneront avec le CHSCT dans une instance unique, le comité social et économique.
Parfois incluse à tort dans les IRP, la discrète mission de conseiller du salarié va sur sa vingt-septième année d’existence. Échappera-t-elle à une réforme de son mode de désignation et de sa mission ? Les 10 000 conseillers du salarié et les syndicats qui alimentent la fonction à 98 % doivent-ils se remettre en question ?
Conseillers du salarié : la notion et le régime
Le conseiller du salarié a été pensé dès le départ comme un moyen d’écarter la présence syndicale. L’expert neutre, négociateur tiers, a très rapidement abandonné une place qui n’était pas la sienne. La nature ayant horreur de vide, ce sont les syndicalistes qui se sont emparés de la mission et l’ont réorientée.
Définition et rôle des conseillers du salarié
L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque à un entretien préalable, avant toute décision. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 du Code du travail indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur [1]. Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise [2], par un conseiller du salarié [3].
La Cour de cassation a jugé qu’en présence d’un seul représentant du personnel dans l’entreprise et quand ce dernier est convoqué, il peut se faire assister d’une personne extérieure à l’entreprise. Si la lettre de convocation n'indique pas que le salarié peut se faire accompagner par un conseiller du salarié, c'est soit que l'employeur a commis une erreur, soit qu'il y a un ou des représentants du personnel dans l'entreprise ou dans l'unité économique et sociale [4].
Il se peut que l'établissement dans lequel travaille le salarié n'ait pas de représentant mais qu'il en existe un ou plusieurs dans d'autres établissements de l'entreprise. Dans ce cas, l'employeur n'est pas obligé de fournir au salarié les coordonnées de ce représentant du personnel [5]. Même si ce représentant du personnel est à l'autre bout de la France et que le salarié convoqué à un entretien préalable au licenciement ignore son nom et ses coordonnées, la Cour de cassation a considéré qu’il n’y avait pas défaut de possibilité d’assistance.
Rôle des conseillers du salarié
Le conseiller du salarié ne peut être assimilé à un délégué du personnel itinérant. Il y a certes une mission commune (celle de pouvoir assister un salarié lors d’un entretien préalable au licenciement) mais tout le reste diffère [6]. La proximité ou ressemblance de certaines missions n’entraîne pas l’identité des fonctions.
Rappelons que la mission du délégué du personnel est de représenter le personnel auprès de l’employeur et de lui faire part de toute réclamation individuelle ou collective en matière d’application de la réglementation du travail (Code du travail, convention collective, salaires, durée du travail, hygiène et sécurité…). Il n’en est rien pour le conseiller du salarié, qui ne peut qu’assister un salarié et non le représenter, n’est aucunement porteur de réclamation et il n’appartient pas à un conseiller qui constate, à l’occasion de sa mission dans l’entreprise, des situations non conformes aux dispositions relatives à la réglementation du travail ou aux règles concernant l’hygiène et la sécurité d’en référer à l’inspection du travail compétente [7]. Il convient d’ailleurs de se demander si les conseillers pourraient être à même de pouvoir informer le CODAF [8] en cas de situation de travail dissimulé. Le délégué du personnel peut effectuer un mandat entier sans assister un salarié lors d’un entretien. Sa mission première est d’ordre collectif et sa présence est attendue lors des réunions mensuelles. Pour un délégué du personnel, l’assistance d’un salarié n’est qu’une mission accessoire, alors qu’elle représente l’unique activité du conseiller du salarié, inscrit sur une liste extérieure.
Pas d’assimilation du conseiller du salarié aux IRP
Les IRP sont internes, le conseiller du salarié est externe, comme le défenseur syndical.Le conseiller ne représente pas, il assiste. Son champ d’action n’est pas le personnel, au sens collectif, mais juste un salarié. Il entre dans la catégorie des institutions d’assistance du salarié (IAS), dont le champ est l’individu et le moyen l’assistance.
L’employeur informe les IRP de sa structure et leur remet des renseignements par voie écrite sur divers sujets [9]. Il n’en est rien pour les conseillers qui ne sont destinataires d’aucun document.
Les IRP sont internes, le conseiller du salarié est externe, comme le défenseur syndical, dont le statut a été modifié en 2016. Ces deux dernières institutions présentent plusieurs points communs :
- elles sont externes à l’entreprise ;
- la contestation de leur désignation se fait auprès du tribunal administratif, alors que celle des IRP se déroule auprès du tribunal d’instance ;
- elles n’ont pas l’initiative de chaque mission, alors que les IRP peuvent agir sans qu’un salarié ne le leur demande ;
- les IRP ont une fonction et un mandat pérennes et ininterrompus ;
- les IAS ont une mission [10], non pérenne et discontinue.
Les conseillers du salarié agissent sans mandat écrit du salarié. De cette oralité découle un engagement qui n’est pas un mandat. Le conseiller ne dispose d’ailleurs d’aucun mandat ou pouvoir, ni du salarié, ni du syndicat, ni de la DIRECCTE, ni du préfet de région qui le nomme [11].
Les défenseurs syndicaux, eux, disposent d’un mandat écrit de leur syndicat et peuvent opérer grâce au pouvoir que leur remet le salarié. Tant le défenseur syndical que le conseiller du salarié entrent donc dans la catégorie des IAS.
IAS et IRP sont les deux branches des institutions de représentation et d’assistance des salariés (IRAS).
Leur définition et leur rôle étant définis, les conseillers du salarié peuvent désormais agir une fois leur désignation effectuée.
Désignation du conseiller du salarié
C’est l’article D1232-4 du Code du travail qui détermine l’élaboration de la liste départementale des conseillers. Les conseillers du salarié sont choisis en fonction de leur expérience des relations professionnelles et de leurs connaissances du droit social.
Loin de l’idée que l’on s’en fait, la mission de conseiller du salarié n’est pas un mandat syndical formel. Si les organisations patronales et syndicales sont consultées, du moins sur le papier, les syndicats n’ont pas le monopole de la présentation des candidats. Lors de la création de l’assistance extérieure des salariés dépourvus de représentant du personnel en 1989, l’idée était même d’écarter les syndicats [12], dont le rôle est de défendre les salariés. Jean Pierre Soisson, alors ministre du Travail, a déclaré devant le Sénat que, loin d’être une brigade de négociateurs, la personne qui assisterait un salarié pourrait être un fonctionnaire en retraite ou un cadre retiré des affaires, qui accepte bénévolement d'apporter son assistance [13]. Le fait d’écarter les syndicats comme naturels pourvoyeurs de défenseurs des salariés a embarrassé les sénateurs radicaux [14] et les centristes[15] et a même fait s’étonner l’opposition de droite [16] [17].
Peu de volontaires non syndiqués
Les volontaires, anciens conseillers prud’hommes, anciens magistrats et anciens fonctionnaires du travail, ont été en nombre assez faible [18] [19]. Il en ressortit des défaillances de présentation. Pour masquer l’échec, les directions départementales ont demandé aux syndicats de présenter des volontaires [20]. Certains syndicats ont saisi cette occasion inespérée d’entrer dans les PME et les ont inondé [les listes de conseillers] de candidatures (permanents et délégués syndicaux essentiellement) [21].
Loin d’être de paisibles retraités, les personnes désignées par les directeurs du travail étaient le plus souvent des syndicalistes en activité, en majorité, des cégétistes. L’opposition parlementaire s’est émue de cette situation [22]. Leurs pires craintes s’avéraient dépassées par la réalité. Le Sénat, à majorité de droite, s'est demandé s’il était raisonnable que les préfets aient systématiquement désigné sur les listes [des personnes habilitées] des salariés en activité, présentés par les organisations syndicales. Selon lui, il aurait mieux valu suivre « l’exemple des quelques départements dans lesquels ont été désignés, sans que cela pose de problème particulier, une majorité de retraités, compétents et disponibles [23] ». Le rapporteur, Thierry Mandon, a reconnu que les syndicats étaient à même de présenter des gens, car les DDTE [24] éprouvaient de grandes difficultés à élaborer les listes. Ce qui fait qu’en 2017, les candidats à la mission de conseillers du salarié sont présentés par des organisations syndicales à près de 98 %. Dans quelques régions, quelques conseillers se présentent de manière individuelle. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, ils représentent 1,5 % des conseillers [25].
Constitution des listes
C’est le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi qui prépare les listes, après consultation des organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national siégeant à la commission nationale de la négociation collective, dont les observations sont présentées dans le délai d'un mois. Le préfet signe ensuite la liste. La simple signature du préfet suffit à écarter encore plus la qualification d’IRP pour les conseillers. Ce n’est pas le rôle du préfet que de valider ou désigner la représentation collective des salariés. Dès le début, le syndicat CGT tentera d’empêcher que les services du travail ne demandent l’avis des employeurs lors de l’élaboration de la liste des conseillers [26]. Il n’existe pas la même réciprocité pour les assistants des employeurs lors d’une rupture conventionnelle : un employeur peut se faire assister par un membre de son syndicat, sans que les syndicats de salariés aient eu leur mot à dire sur la personne, ce qui crée une rupture d’égalité entre employeurs et salariés.
En 2017, les syndicats se contentent d’envoyer les listes de candidats aux DIRECCTE, qui effectuent parfois un tri. Il est certain que les organisations patronales ne participent pas, par désintérêt, à l’élaboration de la liste, si tant est qu’ils y aient participé au moins une seule fois. L’article D1232-4 du Code du travail doit être adapté à la réalité du terrain pratiquée depuis ses débuts, il y a près de 30 ans, du fait de sa désuétude.
Cumul interdit
En application de l'article L 1232-7 du Code du travail, les conseillers prud'homaux en activité ne peuvent pas figurer sur les listes des conseillers du salarié. Cependant, dès 1992, la CGT et FO n'ont trouvé justifiée cette interdiction que dans l’hypothèse où le conseiller prud’homal siège dans la section où est jugée l’affaire qu'il a eu à connaître en qualité de conseiller du salarié [27]. L’article 339 du Code de procédure civile permet à tout juge de se déporter s’il suppose en sa personne une cause de récusation. Même si certains le désirent, il n’est pas souhaitable qu’une seule personne cumule un nombre considérable de fonctions au détriment d’autres. Il faudrait quand même laisser l’opportunité de pouvoir effectuer une transition en douceur entre deux fonctions [28].
La mission de conseiller du salarié voulu comme une tierce partie n’a pu être effectuée que par les syndicats, écartés tant de la préparation de cette loi, que de son contenu. C’est le fait qui crée le droit et l’engagement syndical a été le moteur de ce retournement de situation.
Valeur de l'engagement collectif
Dès le départ, les organisations syndicales ont été capables de proposer en nombre, des conseillers du salarié et ce de manière durable. Quels sont les éléments structurants qui ont motivé les syndicats à s’engager de façon proactive ?
Mission syndicale sans mandat
La définition succincte du syndicalisme en France est donnée par la Constitution. L’article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame que : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Ce préambule est cité par celui de la Constitution de 1958. Il fait partie du bloc de constitutionnalité. L’article 34 de la Constitution précise qu’il revient à la loi de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical.
L’article L2131-1 du Code du travail définit précisément la mission des syndicats : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ». Cette restriction d’action, dans le monde associatif, est propre aux syndicats.
Des valeurs internes….
Le syndicalisme est né de la reconnaissance des intérêts antagonistes et des rapports asymétriques entre salariés et employeurs. Les sentiments d’injustice, de déséquilibre et de disharmonie ne sont pas étrangers à ce constat. Partant de ce bilan, le syndicat a pour but de transformer les rapports sociaux, d’inverser le rapport de force défavorable aux plus nombreux. Les syndicats agissent au nom de l’intérêt général (les plus nombreux) et ont pour vocation de prendre en charge le mouvement social [29]. Le syndicat est un outil de régulation du travail collectif (faire du bon travail) et du collectif de travail (agir sur les conduites au travail) [30]. Indépendamment de leur force, les syndicats exercent une fonction sociale fondamentale d’expression de l’opinion. Le travail syndical des militants syndicaux s’articule autour d’un projet commun. Le syndicalisme a opté pour la stratégie collective, en dépassant l’individualisme, par le groupement des individus. L’engagement gratuit, le don de temps, le dévouement altruiste, voire le sacrifice [31] en sont les liens et les moyens d’action [32].
Les valeurs fondamentales du syndicalisme résultent de l’engagement collectif, dans un but de rééquilibrage des rapports salariaux, suite au constat d’inégalité entre salariés et employeurs. Tout groupement qui ne respecte pas ce triptyque ne saurait être qualifié de syndicat. L’action syndicale se démarque de la vie associative car cette dernière est plus tournée vers l’intérêt individuel des membres-consommateurs que vers la défense d’intérêts communs [33].
Et des critères externes
La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, audience établie selon les niveaux de négociation, influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, effectifs d'adhérents et cotisations.
Selon la Constitution et la loi, la mission de représentation et d’assistance aux salariés est donc dévolue aux syndicats, avec une mission bien cadrée. L’assistance des salariés lors d’un entretien préalable au licenciement entre bien dans le champ d’action des syndicats [34].
Les non-syndiqués…
Il est donc permis de s’interroger sur la présence de non-syndiqués dans les listes de conseillers du salarié. Une QPC [35] n’est pas à exclure [36]. Quelle peut être la motivation de gens refusant de partager les valeurs syndicales [37] ? Le bénéfice du statut de « salarié protégé » répond à cette interrogation [38] [39]. Il est aussi possible que certains conseillers non syndiqués aient précédemment été exclus de leur syndicat, non pour des raisons idéologiques, mais pour des motifs de droit commun.
Et des syndicats qui n’en ont que le nom
Quant à la présence de conseillers du salarié issus de syndicats non représentatifs, on peut s’apercevoir qu’elle prend sa source dans une stratégie d’entrisme [40] ou financière [41]. Tant d’ailleurs pour les non-syndiqués que pour les micro-syndicats se pose la question de l’effectivité de la formation fournie au futur conseiller, du suivi et de la formation continue. Ce qui peut expliquer le niveau parfois très bas de connaissances d’un certain nombre de conseillers [42]. Enfin, les micro-syndicats peuvent être un moyen d’approche pour des organisations éloignées des valeurs syndicales [43].
La question de la légitimité de la qualité de l’intervenant externe se pose [44]. Quel crédit accorder à un conseiller du salarié dont le syndicat n’est présent que sporadiquement, dans de rares établissements, dans une région donnée ? La présence d’un syndicaliste sera d’autant plus légitime à se présenter dans une entreprise dépourvue d’institution représentative du personnel que son syndicat est présent nationalement depuis de nombreuses décennies dans beaucoup d’entreprises de tous secteurs d’activité. Le syndicat n’a de légitimité que s’il repose sur une implantation sur le lieu de travail [45]. Il n’en a plus lorsqu’il ne repose que sur des statuts et non sur la masse de ses adhérents et la volonté de ses dirigeants de saisir l’opportunité de pouvoir faire bénéficier ses rares militants du statut de « salarié protégé ».
Protection
Les conseillers du salarié entrent dans la catégorie des « salariés protégés », qui n’immunise en rien du licenciement [46], ces derniers étant autorisés à 75 % par l’administration du travail. Cette protection est destinée à empêcher l’arbitraire, les représailles, toutes choses issues des antagonismes et intérêts divergents des protagonistes du monde du travail.
La Constitution indique que le fait de défendre ses droits et ses intérêts en tant que salarié s’effectue par l'action syndicale. Assister et défendre les droits et les intérêts d’un salarié lors d’un entretien préalable est donc une action syndicale. Le Conseil constitutionnel valide d’ailleurs la mission de conseiller du salarié comme étant dans l'intérêt des travailleurs employés dans les entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel [47]. Le Conseil confirme par ailleurs le lien entre la mission de conseiller du salarié et l’activité syndicale, en validant le statut de salarié au licenciement soumis à autorisation, en subordonnant le licenciement par l'employeur d'un conseiller du salarié aux mêmes exigences que celles prévues pour le licenciement d'un délégué syndical [48]. La mission de contrôle des salariés investis de fonctions d’assistance et de représentation a pour but de s’assurer que le salarié, œuvrant pour l’intérêt général, n’est pas victime de l’arbitraire et de représailles d’un patronat au comportement peu citoyen.
Actuellement, les conseillers du salarié sont des syndiqués à 98 %. Ceci est normal car défendre l’intérêt collectif des salariés est le cœur d’action des syndicats et la motivation est tangible. Le conseiller du salarié doit recevoir du législateur la reconnaissance de son appartenance au monde syndical, en n’accordant la mission qu’à des conseillers porteurs des valeurs syndicales [49]. Les syndicats pouvant présenter des conseillers en quantité, la carence n’est pas envisageable.
L’examen des conditions de désignation des conseillers du salarié s’impose. Cela s’inscrit dans un renouvellement des conditions d’exercice des missions des protagonistes sociaux.
Évolution des acteurs d’assistance et de représentation
Depuis près de 15 ans, les institutions de représentation et d’assistance ont évolué.
Au sein de l’entreprise, la durée des mandats de délégués du personnel et membre du comité d’entreprise sont passés de 4 ans à une durée négociable, allant de 2 à 4 ans [50]. Le délégué syndical doit désormais, pour être désigné, être présent sur les listes de candidats aux élections professionnelles et obtenir au moins 10 % des voix [51] et prouver, en cas de contestation par l’employeur, qu’il existe au moins deux syndiqués dans l’entreprise [52].
Les listes des candidats aux élections professionnelles devront respecter la parité [53], avec la certitude que toute non-application se traduirait par l’invalidation de l’élection de certains candidats [54].
En dehors de l’entreprise, les syndicats devront atteindre 8 % pour être représentatifs dans une branche [55]. La transparence financière est un nouveau critère de représentativité. Il est vrai que l’opacité a favorisé l’apparition de soupçons de corruption de certaines structures syndicales par le patronat [56]. Les conseillers prud’homaux seront désignés pour la prochaine mandature de 2018 [57] et plus élus. La mission de défenseur ouvrier ou défenseur syndical, apparue en 1958 [58], a obtenu en 2016 [59] un statut qui lui a ouvert le monopole partagé avec les avocats, de pouvoir défendre des salariés devant la Cour d’appel. La Cour de cassation ne lui est plus accessible depuis 2005 [60]. Le défenseur syndical doit maintenant être assuré pour sa mission [61]. Celle-ci est reconnue pour sa valeur [62] mais tend à perdre de son importance [63]. Les avocats récupèrent quasiment tous les autres dossiers avec assistance, dont ceux obtenus avec l’aide juridictionnelle. Cette dernière n’est octroyée qu’aux dossiers défendus par des avocats, excluant les défenseurs syndicaux. Moins de 1 % des affaires avec assistance sont défendues par le conjoint, un salarié de la même branche ou un représentant du personnel. Il est vraisemblable que ces derniers seront exclus dans les années à venir de la défense des affaires en premier ressort.
Le statut du conseiller du salarié doit évoluer, lui aussi, d’autant que la circulaire ministérielle DRT 91-16, qui encadre l’activité des conseillers devrait, elle, être revue entièrement. Elle est aujourd’hui totalement obsolète. La recodification de 2008 la rend peu intelligible, les jurisprudences sont dépassées, elle renvoie à certaines circulaires [64] et lois abrogées depuis des années [65] et ignore les changements qu’ont pu apporter les nouvelles technologies. En 1991, il n’existait ni internet ni téléphone portable. Aujourd’hui, la lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement précise que la liste des conseillers n’est disponible qu’en mairie ou auprès de l’Inspection du travail [66]. Or les DIRECCTE publient cette liste sur leur site internet. La lettre de convocation devrait l’indiquer. Il ne reste plus qu’aux protagonistes sociaux de s’emparer du sujet pour en débattre.
[1] Article R1232-1 du Code du travail.
[2] Les instances représentatives du personnel sont l'ensemble des fonctions de représentation du personnel définies dans le droit français. En droit privé, elles sont de deux types : d’une part les représentants indirects : délégués syndicaux (DS) , agissant au nom des organisations syndicales représentatives présentes dans l’entreprise qui les ont désignés et d’autre part les représentants directs, élus directement par les salariés : délégués du personnel (DP), membres élus au comité d’entreprise et/ou d’établissement (CE).
[3] Article L1232-4 du Code du travail.
[4] Cass. soc., 21 septembre 2005, 03-44810.
[5] Cass. soc., 14 juin 2016, n° 15-12522.
[6] « La fonction d’assistant (appellation provisoire du conseiller du salarié pendant les travaux parlementaires) n’[est] en rien comparable à celle de représentant du personnel, tant en ce qui concerne le mode de désignation que l’importance des activités exercées », rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, n° 481, 27 août 1990.
[7] Circulaire DRT 91-16, article 2.2.4.
[8] CODAF : comités opérationnels départementaux anti-fraude, https://www.economie.gouv.fr/dnlf/codaf-comites-operationnels-departementaux-anti-fraude.
[9] Article L1233-10 du Code du travail.
[10] Réponse du ministre du Travail, Journal Officiel, 1990, page 1 429.
[11] Sa légitimité est sui generis mais reconnue et validée par la DIRECCTE via l’article D1232-4 du Code du travail.
[12] « Si le conseil est un syndicaliste extérieur, le responsable de l'union locale ou départementale d'un syndicat, il risque d’y avoir un blocage », Michel Coffineau, rapporteur de la loi n° 89-549 du 2 août 1989, relatif à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion. JOAN, 25 mai 1989, page 1 274.
[13] Le Ministre voulait des « médiateurs », des « experts » ou des « conciliateurs », des personnes consensuelles, avec une approche paritariste dans leur désignation. JOAN, 25 mai 1989, page 1 275.
[14] Georges Mouly, sénateur radical : « Faut-il supprimer l'article 19 ? Je vous avoue mon embarras. S'il est bon, s'il est heureux qu'un salarié puisse se faire assister, il serait préjudiciable que la mesure proposée contribue (mais le fait-elle ?) à amoindrir un tant soit peu la place et le rôle éminent et irremplaçable des syndicats », Journal Officiel, 1989, page 1 474.
[15] Xavier de Villepin, sénateur centriste : « Ce dispositif est contesté à la fois par les responsables des PME et par les organisations syndicales les plus représentatives. En fait, il apporte une mauvaise réponse à une vraie question, celle de la représentation des salariés dans les petites entreprises », Journal Officiel, 1989, page 1 509.
[16] Louis Souvet, sénateur RPR : « Cette construction juridique est rejetée par les grandes centrales syndicales pour les motifs qu'elle affaiblirait leur rôle tout en plaçant les salariés dans une position d'assistés », Journal Officiel, 1989, page 1 467.
[17] Jean-Pierre Fourcade, sénateur RPR, président de la commission des affaires sociales : « Votre démarche, Monsieur le Ministre, comporte également quelques contradictions et la lecture des articles 18 bis et 19 montre que, d'une part, on élargit le rôle des syndicats et que, d'autre part, on le limite. Ce va-et-vient inquiète tout autant les employeurs que les organisations syndicales et, lors des auditions auxquelles la commission a procédé, plusieurs organisations, qui, je le souligne, n'étaient pas que patronales, s'en sont émues », Journal Officiel, 1989, page 1 477.
[18] Rapport n° 481 de la commission des affaires sociales du Sénat du 26 septembre 1990, pages 23 et 24.
[19] « Après des appels (discrets) à candidatures, les directions départementales du travail durent constater que les « ex, comme on les appelait déjà, furent peu nombreux à se porter volontaires pour aller assister à cinquante kilomètres de leur domicile un salarié qu’ils n’avaient jamais vu, pour un entretien qui durait parfois moins de 5 minutes ». Jean-Emmanuel Ray, « Une fausse bonne idée : « le conseiller du salarié » », revue Droit Social, n° 6, juin 1991, page 477.
[20] « Les directions départementales ont généralement purement et simplement sous-traité la constitution des listes aux organisations syndicales de salariés », idem, page 482.
[21] Idem, page 477.
[22] Exposé général du rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, n° 481, 27 août 1990.
[23] Sénat, rapport n° 41 de la première session ordinaire de 1990-1991.