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21 / 12 / 2015 | 24 vues
Françoise Lemaulf / Membre
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Deuxiemeavis.fr : la médecine à deux vitesses accélère

Que vous souffriez d’un cancer, d’insuffisance cardiaque ou autres « maladies graves, rares et invalidantes », l’expertise du site deuxiemeavis.fr vous permettra de « mettre toutes les chances de votre côté » pour la modique somme de 295 €.

Quelques semaines après avoir obtenu un agrément de la CNIL, c’est en toute discrétion que, le 1er décembre dernier, s’est ouvert ce site qui court-circuite la Sécu. Mathieu Lapprand revient sur le sujet dans le dernier numéro de FO Hebdo pour mettre en lumière cette « singulière » initiative.

En fait, aucun examen clinique, avec consultation physique, n’est prévu. C’est l’un des 84 médecins experts de la plate-forme, traitant 180 pathologies, qui pourra « vous assurer que les traitements en cours ou proposés sont les plus adaptés à votre situation et qu’ils sont en phase avec les dernières avancées scientifiques » à travers un « téléconseil personnalisé », selon les termes de l’autorisation de la CNIL.

Pour le Dr Olivier Varnet, secrétaire général du Syndicat national des médecins hospitaliers FO, « cette télé-expertise risque avant tout de mettre en porte-à-faux le médecin traitant ».

Considérant cette expertise « choquante et scandaleuse », le syndicaliste précise : « Tous ces éminents professeurs utilisent leur statut universitaire pour faire autre chose et détruire le cadre de l’hôpital public qui est le cadre du second avis médical ». En effet, un second avis médical via le médecin traitant est tout à fait possible dans le cadre du parcours de soins coordonnés, donc pris en charge par la Sécurité sociale.

Des poids lourd de la santé comme parrains

Le conseil scientifique du site est composé d'éminents professeurs. Dont notamment Laurent Degos, qui a été le premier président de Haute Autorité de Santé de 2005 à 2010, ou le Pfr Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique entre 1999 et 2008.

Des poids lourds, appuyés dans ce conseil par un collectif de patients, le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS), représenté par Claude Rambaud, sa vice-présidente. Le communiqué du CISS défendant sa participation à cette entreprise lucrative ne fait d’ailleurs pas dans la dentelle : « une revue des données médicales liées aux décès de patients sur plusieurs décennies a montré que dans environ 10 % des cas une erreur de diagnostic avait contribué à leur mort »…

Cour-circuiter la Sécurité sociale

Les 295 € facturés au malade seraient, selon Le Monde, répartis comme suit : « 120 euros sont destinés au praticien et 175 euros au fonctionnement du site, qui trouverait son point d’équilibre financier à 10 000 avis par an ».

Mais le modèle économique de cette structure, elle ne s’en cache pas, c’est bien à court terme de faire prendre en charge ce second avis par les complémentaires de santé privées. Dans sa présentation, Laurent Degos précise que sa société « initie des partenariats pour que le service soit pris en charge par les différentes assurances et mutuelles ».

Le « téléconseil personnalisé » n’étant pas un acte reconnu par la Sécurité sociale, les organismes complémentaires auront toute latitude pour prendre ces prestations en charge unilatéralement.

Pascal Pavageau, secrétaire confédéral de FO, dénonce pour sa part « cette pratique abjecte, faisant fi de toute éthique et visant à s’enrichir sur le dos de patients affaiblis ». En conséquence, il attend « du gouvernement une interdiction rapide de cette pratique dangereuse ».

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La CSMF proteste vivement et se déclare "scandalisée" contre un site internet proposant "une deuxième avis en ligne sous un délai compris entre 48h et 7 jours sur plus de 150 maladies", moyennant 295 €. Cette plateforme "deuxième avis" a été validée par la CNIL et "bénéficie de la caution d'un conseil scientifique". Le syndicat pointe les nombreuses questions soulevées par ce projet notamment le suivi des patients, le parcours de soins, sécurité et la confidentialité des données, et enfin l'indépendance professionnelle.