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Diagnostics d'amiante : les faiblesses de la certification des diagnostiqueurs
La réglementation sur l'amiante connaît depuis plusieurs années une montée en puissance qui en fait l'une des réglementations les plus exigeantes à ce jour. Elle devrait connaître une nouvelle modification afin de relever les exigences concernant les compétences et les contrôles pour la certification des diagnostiqueurs et élargir le domaine des repérages.
Au départ, lors de la mise en place du décret 96-97 du 7 février 1996, la recherche d’amiante pouvait être effectuée par les propriétaires par recherche documentaire. En revanche, si celles-ci ne révélaient pas de présence d’amiante, ils devaient faire appel à un technicien de la construction qui procédait à la recherche d’amiante sur site.
Agrément des techniciens de la construction
À l’époque, l’agrément des techniciens de la construction était défini par le décret 78-1146 du 7 décembre 1978 et leur compétences concernaient les contrôles technique obligatoires prévus aux articles L 111-25 et L 111-26 du code de la construction et de l’habitation.
Il n’existait à ce stade aucune mention de diagnostiqueurs d'amiante ou opérateur de repérage.
En mai 2002, le décret 2002-839 modifiant légèrement le décret 96-97 était publié. Ces modifications apportées n’ont pas eu d’incidence sur les compétences requises pour les techniciens de la construction ayant à charge le repérage.
Opérateurs de repérage
La notion d’opérateurs de repérage, effectuant des missions de repérage et de diagnostic de l’état de conservation des MPCA, est apparu dans l’arrêté du 2 décembre 2002. Il détaillait les modalités de formation et les obligations des organismes formateurs.
Si les prérequis demandés lors de la formation ne sont pas formels, une expérience et des compétences dans les thèmes que doit aborder la formation sont exigées et l’organisme de formation reste libre de vérifier les connaissances du candidat.
L’opérateur de repérage doit alors réaliser un rapport annuel d’activité qu’il adresse au préfet du département du siège de ses activités.
La publication du décret 2003-462 du 21 mai 2003 définissant dans sa section 2 du code de la santé publique, l’exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis abroge et intègre le décret 96/97.
- Dans cette nouvelle version, les modalités du statut et des compétences des techniciens de la construction cités dans le décret 96-97 sont spécifiés et définis dans l’article R 1334-29 du code de la santé publique.
Dans cet article, apparaît l’obligation d’avoir, à partir du 1er janvier 2003, une attestation de compétence pour les missions de repérage délivrées par des organismes dispensant une formation certifiée. Il y est stipulé qu’un arrêté (celui du 2 décembre 2002) définit le contenu et les modalités de la certification de la formation, sans le citer.
Certification limitée dans le temps
Des modifications à cet arrêté du 2 décembre 2002 ont été apportées par celui du 21 novembre 2006.
La plus importante modification portait sur la validité de la certification, qui était désormais limitée dans le temps et l’affiliation de la formation à la norme NF ISO/CEI 17024 (cette norme publiée en 2003 a été valable jusqu’au 30 juin 2015 où, à partir du 1er juillet 2015, la version 2012 de cette norme l’a remplacée définitivement).
Dans cet arrêté, les procédures de certification étaient détaillées dans son annexe I et les compétences des opérateurs en annexe II.
La durée de la certification était portée à 5 ans avec une surveillance des compétences la troisième année (deuxième année pour le premier cycle de certification) qui peut mener à la suspension ou au retrait de la certification si les critères retenus pour la validation n'étaient pas atteints. À la fin de chaque cycle, l’opérateur doit procéder à une recertification avec un examen théorique et pratique.
Il y était également précisé que les détenteurs d’une licence professionnelle universitaire de bâtiments de construction, de spécialité des diagnostics techniques de l’immobilier et de pathologie du bâtiment étaient exonérés de l’examen théorique.
Le destinataire du rapport d’activité a également connu une modification dans ce décret où le préfet du département du lieu des prestations effectuées est devenu le destinataire en lieu et place du préfet du siège des activités de l’opérateur.
Décret du 3 juin 2011
Le décret du 3 juin 2011 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à l’amiante dans les immeubles bâtis restructurait en partie la réglementation du code de la santé publique pour la protection des gens en cas de présence d’amiante.
Les changements importants concernaient les listes enrichies de matériaux soumis à repérage. La notion des listes A, B et C apparaissaient et les matériaux de la liste B étaient soumis au contrôle après des travaux de retrait ou de confinement. De plus, les diagnostiqueurs devaient remettre leurs rapports contre accusé de réception.
La loi ALUR (n° 2014-366 du 24 mars 2014) étend le repérage pour la location des logements, toutefois, la publication du décret précisant la ou les listes de MCA à repérer ne l’a pas encore été. Elle était initialement prévue pour juin 2015. Le rapport du comité de suivi du Sénat préconise que les produits des listes A et B soient intégrés à ce repérage.
Notons qu’un arrêté modifiant à l’arrêté du 6 novembre 2006 a été proposé en octobre 2011 pour relever les compétences des diagnostiqueurs d'amiante. Les modifications proposées pour les certifications étaient de deux ordres :
- une certification avec mention : pour la réalisation des diagnostics dans des copropriétés de plus de 50 lots, les IGH, les ERP des catégories 1 à 4, avant démolition, pour les contrôles visuels et repérage avant travaux ;
- une certification sans mention (moins exigeante) concernant les repérages avant vente, les DTA en partie privatives et communes des immeubles de moins de 50 lots et les DTA des ERP de 5ème catégorie.
Pour obtenir ces certifications, la détention d’un diplôme Bac+2 dans le domaine du bâtiment et une expérience de 5 ans devenaient obligatoires ou, à défaut, une expérience de dix ans.
Pour l’obtention d’une certification sans mention, la durée donnée de la formation était de trois jours et de cinq jours pour une certification avec mention.
Cet arrêté modificatif ayant provoqué un désaccord entre la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) n’a pas été validé.
De fait, pour établir les compétences des diagnostiqueurs, l’arrêté du 21 novembre 2006 a toujours court.
Un comité de suivi sur l'amiante a été créé par la commission des affaires sociales le 28 février 2013 et il a rendu son rapport d’information au Sénat le 1er juillet 2014.
Le comité considère que la réglementation sur l'amiante actuelle est globalement satisfaisante, surtout dans le domaine de la protection des travailleurs depuis le décret du 4 mai 2012.
Certification à géométrie variable
Toutefois, il fait remonter quatre faiblesses, dont le repérage de l'amiante, la formation et la certification des diagnostiqueurs.
En effet, le comité souligne que l’arrêté du 21 novembre 2006 n’est pas à la hauteur des enjeux et relève un vide juridique quant à l’obligation de la certification pour les diagnostiqueurs d'amiante avant ou après travaux. Dans cet arrêté, la certification des diagnostiqueurs ne concerne que les repérages d'amiante en charge de l’état de l’amiante avant vente ou avant démolition, Les diagnostiqueurs d'amiante avant ou après travaux ne sont donc pas soumis à l’obligation d’être certifiés.
Le rapport du comité souligne également la mauvaise qualité des repérages d'amiante du fait de compétences insuffisantes de certains opérateurs de repérage (opérateurs non issus du bâtiment et manques de compétences techniques et juridiques) et de pressions des donneurs d’ordres pour minimiser l’état de conservation, ne pas inscrire des MCA ou réduire le champ de repérage pour le généraliser sur l’ensemble du bâti.
Le comité invite donc le gouvernement, dans sa proposition 17, à totalement et urgemment refondre l’arrêté du 21 novembre 2006, en prenant comme base le projet d’arrêté modificatif d’octobre 2011.
Dans sa proposition 18, il préconise également d’étoffer cet arrêté modifiant en :
- obligeant les organismes certificateurs à procéder à plusieurs contrôles inopinés sur place pendant la période de surveillance,
- en instaurant des formations rigoureuses exploitant une base de données informatique où seraient regroupés les retours d’expérience significatifs des diagnostiqueurs,
- et en rendant obligatoire, par voie réglementaire, l’application de la norme rénovée NF X 46-020 pour tous les types de repérage.
Le comité préconise également que le repérage et le diagnostic avant travaux soient rendus obligatoires dans le code du travail pour tous les donneurs d’ordres et les propriétaires afin que les enrobés, les conduits d’égouts, les terrains amiantifères, les équipements industriels, les navires ou encore les matériels roulants ferroviaires soient intégrés.
Suite à ce rapport, l’État devrait donc refondre l’arrêté du 21 novembre 2006 en un nouvel arrêté de compétence. Malheureusement, aucune date et aucune échéance pour la publication de ce nouveau texte n’a été arrêtée.