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Requalification en contrat de travail : « attention de ne pas se faire prendre au jeu »
Le lien de subordination est l'un des trois éléments caractéristiques du contrat de travail avec la fourniture d'un travail et sa contrepartie, la rémunération. C'est l'élément distinctif qui permet la distinction entre le contrat de travail et les autres types de relations professionnelles.
Dans cette affaire, six personnes avaient participé au tournage de l'émission Pékin Express, produite par une société de production. Ces participants avaient signé un document intitulé « contrat de participation au jeu Pékin Express » ainsi qu'un « règlement candidats ». Ils soutenaient que le contrat de participation au jeu devait s'analyser en un contrat de travail et avaient saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappel de salaire, dommages et intérêts et indemnités de rupture.
La société de production faisait grief aux arrêts de dire la juridiction prud'homale compétente et de la condamner à payer diverses sommes aux participants.
Celle-ci soutenait qu'il appartient au demandeur à la requalification d'un contrat de démontrer que sa qualification apparente est erronée. De plus, elle arguait qu’un contrat aléatoire est celui dans lequel les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain. Ici, pour décider que « la qualification de participation à un jeu devait être écartée », les juges du fond avaient retenu que la course Pékin Express s'accompagnait d'« interviews sur le ressenti des candidats ».
La société de production ajoutait aussi que le libre choix du cocontractant n'excluait pas la qualification de contrat aléatoire de jeu. Or, les juges versaillais avaient relevé que « la participation à un jeu supposait une sélection selon des critères objectifs appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé ».
Quid juris : Pouvait-on exclure le caractère aléatoire de la compétition ?
En l’occurrence, durant la période d'exécution de la course, « les journalistes qui suivaient les participants devaient tenter de les mettre dans des situations particulières ou les inciter à retrouver d'autres candidats » et « dans certains cas, les règles du jeu pouvaient être contournées pour cadrer avec les nécessités du tournage ». Dès lors, la juridiction versaillaise avait retenu que « l'émission Pékin Express appartenait au genre déterminé des émissions de télé-réalité ».
Quid juris : Est-ce qu’un jeu de télé-réalité pouvait exclure la qualification de contrat aléatoire de jeu ?
La Cour d’appel avait rappelé qu'en l'absence de contrat de travail apparent, il appartenait à celui qui se prévalait de son existence d'en rapporter la preuve. En l’espèce, il ressortait des éléments produits par les parties et notamment des documents contractuels, que la sélection des candidats se faisait non sur des critères objectifs appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé mais selon des critères subjectifs, totalement déterminés par la société et inconnus des participants.
Le jeu constituait seulement une partie du contenu de l'émission puisque celle-ci comportait :
Par ailleurs, la société de production prétendait que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonnée. En l'espèce, pour déduire l'existence d'un lien de subordination la Cour d'appel avait retenu que le candidat s'engageait à être disponible pendant le déroulement du jeu, à porter un microphone, à s'abstenir de tout contact avec son environnement habituel et à emporter certains effets et que les heures pendant lesquelles les candidats pouvaient faire du stop étaient déterminées par la société organisatrice.
Quid juris : Le contrat de jeu cachait-il l'existence d'un lien de subordination ? Ou bien ne s’agissait-il que de règles inhérentes au bon déroulement de la compétition ?
Pour qu’un contrat de travail existe, cela suppose l'accomplissement d'une prestation de travail ainsi qu’une rémunération versée en contrepartie d'un travail fourni. En l'espèce, la Cour d'appel avait observé que les candidats « participaient activement aux différentes scènes de tournage, ce qui supposait non seulement un effort physique mais également un effort psychologique certain ».
En outre, les sommes versées aux participants correspondaient à des remboursements de frais de voyage, logement et repas, ainsi qu'à un « dédommagement forfaitaire » en sus des gains remis à l'équipe vainqueur.
Quid juris : La participation à cette course ludique constituait-elle une prestation de travail ?
La Haute Cour a rappelé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Or, le règlement applicable aux candidats comportait des dispositions qui faisaient référence à l'autorité d'un « directeur de course » qui disposait d'un pouvoir de sanction.
De plus, les participants se voyaient imposer des contraintes multiples, tant dans leurs comportements que relativement aux effets personnels qu'ils pouvaient garder. En effet, ils étaient privés de tout moyen de communication avec leur environnement habituel.
Enfin, le règlement prévoyait, outre la prise en charge par la société des frais de transport, de logement et de repas, un dédommagement forfaitaire de 200 € par couple et par jour de présence sur le lieu de tournage, versé après la fin de l'émission, et un gain de 50 000 € ou 100 000 € pour le couple vainqueur ce qui représentait de facto la contrepartie de l'exécution d'une prestation de travail.
Dès lors, l'existence d'une relation de travail dans un lien de subordination était belle et bien caractérisée et le pourvoi en cassation de la société de production a donc été rejeté.
Cette jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est un rappel à l’ordre pour quiconque tenterait « d’esquiver » les règles issues du Code du travail.
Quel que soit le type de contrat de travail, le lien de subordination existe dès qu'une personne (l'employeur) peut exercer son pouvoir de direction sur une autre personne (l'employé). Cette autorité comprend le pouvoir de donner des directives, le pouvoir d'en contrôler l'exécution et le pouvoir d'en sanctionner la mauvaise exécution. Il doit pouvoir s'exercer à tout moment mais pas nécessairement de manière étroite et ininterrompue. Il suffit donc que ce pouvoir de direction ou pouvoir de subordination soit au moins potentiel, l'employeur ayant à tout moment le pouvoir exercé ou non, de donner des ordres et de surveiller leur exécution.
Alors, vigilance car « tel est pris qui croyait prendre » ou « attention de ne pas se faire prendre au jeu »…
Dans cette affaire, six personnes avaient participé au tournage de l'émission Pékin Express, produite par une société de production. Ces participants avaient signé un document intitulé « contrat de participation au jeu Pékin Express » ainsi qu'un « règlement candidats ». Ils soutenaient que le contrat de participation au jeu devait s'analyser en un contrat de travail et avaient saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappel de salaire, dommages et intérêts et indemnités de rupture.
La société de production faisait grief aux arrêts de dire la juridiction prud'homale compétente et de la condamner à payer diverses sommes aux participants.
Celle-ci soutenait qu'il appartient au demandeur à la requalification d'un contrat de démontrer que sa qualification apparente est erronée. De plus, elle arguait qu’un contrat aléatoire est celui dans lequel les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain. Ici, pour décider que « la qualification de participation à un jeu devait être écartée », les juges du fond avaient retenu que la course Pékin Express s'accompagnait d'« interviews sur le ressenti des candidats ».
La société de production ajoutait aussi que le libre choix du cocontractant n'excluait pas la qualification de contrat aléatoire de jeu. Or, les juges versaillais avaient relevé que « la participation à un jeu supposait une sélection selon des critères objectifs appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé ».
Quid juris : Pouvait-on exclure le caractère aléatoire de la compétition ?
En l’occurrence, durant la période d'exécution de la course, « les journalistes qui suivaient les participants devaient tenter de les mettre dans des situations particulières ou les inciter à retrouver d'autres candidats » et « dans certains cas, les règles du jeu pouvaient être contournées pour cadrer avec les nécessités du tournage ». Dès lors, la juridiction versaillaise avait retenu que « l'émission Pékin Express appartenait au genre déterminé des émissions de télé-réalité ».
Quid juris : Est-ce qu’un jeu de télé-réalité pouvait exclure la qualification de contrat aléatoire de jeu ?
La Cour d’appel avait rappelé qu'en l'absence de contrat de travail apparent, il appartenait à celui qui se prévalait de son existence d'en rapporter la preuve. En l’espèce, il ressortait des éléments produits par les parties et notamment des documents contractuels, que la sélection des candidats se faisait non sur des critères objectifs appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé mais selon des critères subjectifs, totalement déterminés par la société et inconnus des participants.
Le jeu constituait seulement une partie du contenu de l'émission puisque celle-ci comportait :
- des scènes de tournage des étapes et des épreuves diverses,
- des « interviews » sur le ressenti des candidats,
- des journalistes qui suivaient les participants pour tenter de les mettre dans des situations particulières ou les inciter à retrouver d'autres candidats à certains moments précis,
- des possibilités de contournement des règles du jeu pour cadrer avec les nécessités du tournage.
Par ailleurs, la société de production prétendait que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonnée. En l'espèce, pour déduire l'existence d'un lien de subordination la Cour d'appel avait retenu que le candidat s'engageait à être disponible pendant le déroulement du jeu, à porter un microphone, à s'abstenir de tout contact avec son environnement habituel et à emporter certains effets et que les heures pendant lesquelles les candidats pouvaient faire du stop étaient déterminées par la société organisatrice.
Quid juris : Le contrat de jeu cachait-il l'existence d'un lien de subordination ? Ou bien ne s’agissait-il que de règles inhérentes au bon déroulement de la compétition ?
Pour qu’un contrat de travail existe, cela suppose l'accomplissement d'une prestation de travail ainsi qu’une rémunération versée en contrepartie d'un travail fourni. En l'espèce, la Cour d'appel avait observé que les candidats « participaient activement aux différentes scènes de tournage, ce qui supposait non seulement un effort physique mais également un effort psychologique certain ».
En outre, les sommes versées aux participants correspondaient à des remboursements de frais de voyage, logement et repas, ainsi qu'à un « dédommagement forfaitaire » en sus des gains remis à l'équipe vainqueur.
Quid juris : La participation à cette course ludique constituait-elle une prestation de travail ?
La Haute Cour a rappelé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Or, le règlement applicable aux candidats comportait des dispositions qui faisaient référence à l'autorité d'un « directeur de course » qui disposait d'un pouvoir de sanction.
De plus, les participants se voyaient imposer des contraintes multiples, tant dans leurs comportements que relativement aux effets personnels qu'ils pouvaient garder. En effet, ils étaient privés de tout moyen de communication avec leur environnement habituel.
Enfin, le règlement prévoyait, outre la prise en charge par la société des frais de transport, de logement et de repas, un dédommagement forfaitaire de 200 € par couple et par jour de présence sur le lieu de tournage, versé après la fin de l'émission, et un gain de 50 000 € ou 100 000 € pour le couple vainqueur ce qui représentait de facto la contrepartie de l'exécution d'une prestation de travail.
Dès lors, l'existence d'une relation de travail dans un lien de subordination était belle et bien caractérisée et le pourvoi en cassation de la société de production a donc été rejeté.
Cette jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est un rappel à l’ordre pour quiconque tenterait « d’esquiver » les règles issues du Code du travail.
Quel que soit le type de contrat de travail, le lien de subordination existe dès qu'une personne (l'employeur) peut exercer son pouvoir de direction sur une autre personne (l'employé). Cette autorité comprend le pouvoir de donner des directives, le pouvoir d'en contrôler l'exécution et le pouvoir d'en sanctionner la mauvaise exécution. Il doit pouvoir s'exercer à tout moment mais pas nécessairement de manière étroite et ininterrompue. Il suffit donc que ce pouvoir de direction ou pouvoir de subordination soit au moins potentiel, l'employeur ayant à tout moment le pouvoir exercé ou non, de donner des ordres et de surveiller leur exécution.
Alors, vigilance car « tel est pris qui croyait prendre » ou « attention de ne pas se faire prendre au jeu »…
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