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Conjoncture : les prémisses d’un scénario catastrophe
Après deux années de croissance très modeste (0,3 % en 2012 et 2013), l’économie française est de nouveau en train de s’affaiblir. La France vient en effet d’enregistrer son deuxième trimestre consécutif de croissance nulle. Désormais peu crédibles, les prévisions du gouvernement de réaliser 1 % de croissance annuelle en 2014 et 1,7 % en 2015 seront fortement abaissées.
Cette mauvaise performance n’est pas isolée en Europe. L’économie italienne est retombée en récession au second trimestre (- 0,2 %) et l’Allemagne enregistre un très net ralentissement avec un taux de croissance pour ce second trimestre lui aussi négatif.
Au final, en dehors de l’Europe du sud, en particulier de l’Espagne et du Portugal dont le commerce extérieur est dopé par une politique d’abaissement des salaires donc de dumping, c’est toute la zone euro qui est au point mort avec un taux de croissance nul au second trimestre et une inflation historiquement basse (plus de 10 États membres ont enregistré en juillet une inflation négative).
Ces mauvais résultats ne sont pas une surprise. Depuis plusieurs mois, on ne compte plus les avertissements de nombreux économistes : le caractère simultané des politiques d’austérité associées à une course à la compétitivité-prix via la modération, voire la baisse des salaires, est en train de produire un cercle vicieux dans lequel les économies européennes s’enfoncent. Dans le cas français, le diagnostic d’un célèbre Prix Nobel (P. Krugman) est sans appel quand il déclarait cet été que « L’hypocondrie [de la France] l’amène à accepter des remèdes de charlatans qui deviennent la véritable cause de sa détresse ».
Décrochage surprise
La dégradation des principaux indicateurs conjoncturels laissait largement présager cette situation : la production manufacturière sur le second trimestre 2014 a fait, selon l’INSEE, un « décrochage surprise ». L’indicateur du climat des affaires, censé rendre compte de l’opinion des chefs d’entreprise sur leur activité future, se dégrade depuis plusieurs mois.
Dans les secteurs des travaux publics, par exemple, la proportion de chefs d’entreprises prévoyant une nouvelle dégradation de l’activité n’a même jamais été aussi élevée depuis 2009.
Comme dans d’autres secteurs, au niveau du BTP, la baisse de la commande publique du fait de la rigueur budgétaire aggrave les effets de l’effondrement de la commande privée constatée depuis 2008.
Même tendance pour les promoteurs immobiliers, pessimistes comme jamais, face à la baisse de la demande de logements neufs. Quant au chômage, les derniers chiffres de l’INSEE attestent d’une légère hausse à un niveau toujours plus élevé : 10,2 % de la population active en France, après 10,1 % au premier trimestre 2014.
Le soutien de la demande est enfin identifié comme l’un des principaux leviers d’intervention pour casser ce cercle vicieux.
Logique de l'offre sans effet
Qu’il s’agisse en effet des travaux du FMI, de l’OCDE et de la BCE, pourtant plus connus pour leurs prescriptions libérales, tous identifient désormais une nécessaire augmentation de la demande (intérieure et extérieure) comme variable clef d’une reprise durable de la croissance. C’est ainsi qu’en France, près de la moitié des industriels interrogés par l’INSEE estiment que le problème est exclusivement un problème de demande (contre 15 % qui considère qu’il s’agit seulement d’un problème d’offre).
Pour nous, cette situation est une preuve de plus que la logique libérale de l’offre n’aura aucun effet sur la croissance. Malgré 40 milliards concédés aux entreprises (pacte de responsabilité), il est désormais évident que le gouvernement ne parviendra pas à réactiver la croissance et à enrayer la montée du chômage, en particulier dans un environnement européen aussi dépressif.
La démonstration sur le fait que l’austérité et la politique de « baisse des charges » et de modération salariale sont suicidaires socialement et économiquement n’est plus à faire.
Soutenir la consommation par l’augmentation des salaires, à tous les niveaux, et permettre la recherche, l’innovation et la commande publique par l’investissement public sont plus que jamais indispensables pour relancer l’activité, l’économie et l’emploi.
Tout concourt donc aujourd’hui à une remise en cause des politiques économiques d’austérité menées depuis 2011, qu’il s’agisse du bilan négatif sur le plan de la croissance et de l’emploi, du bilan négatif sur le plan du redressement des comptes publics qui ne parviennent pas à s’équilibrer par manque de recettes fiscales et de la mise en action d’une dynamique dangereuse de déflation. Poursuivre dans cette voie libérale et purement idéologique serait mortifère pour nos économies européennes et leurs fondements démocratiques.
On peut refuser de faire des zig-zags mais savoir quand il faut faire demi-tour…