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05 / 12 / 2012 | 469 vues
François Dubreuil / Membre
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Retour du paternalisme ou naissance du maternalisme ?

Le paternalisme d’entreprise a longtemps semblé être un ensemble de pratiques désuètes. Certains diagnostiquent pourtant son retour. D’autres voient l’émergence d’une nouvelle forme de maternalisme. Comment analyser ce débat à la lumière des évolutions de la société et de la famille ?

Retour du paternalisme ?

Beaucoup de grandes entreprises industrielles ont longtemps pratiqué le « paternalisme ». Il s’agissait de prendre en charge l’intégralité de la vie des ouvriers, favoriser l’adoption de modes de vie sains, fidéliser des ouvriers fréquemment mobiles ou absents, lutter contre l’influence des syndicats d’inspiration socialiste. L’entreprise se proposait d’être une grande famille, avec l’institution de rites, les fêtes de métier, la remise des médailles du travail, les prix à l’école d’apprentissage et le développement d’œuvres sociales (logement, loisir), formation des femmes à l’économie domestique… Le mot « paternalisme » dérivait de celui de « patronage », proposé par Frédéric Le Play au XIXème siècle. Dieu, le patron, le père, les enfants sont vus dans une hiérarchie emboîtée. Dans la famille souche, le père choisit le plus capable de ses enfants pour lui confier à son départ la direction du foyer, tout en aidant les autres enfants à s’établir en dehors.
Le paternalisme a atteint son apogée au tournant du XXème siècle en France et en Europe. Il a ensuite décliné, sous la contestation des idées socialistes et du fait de la montée de l’État providence.  Aux États-Unis, au Japon, en Inde, les grandes entreprises assurent l’essentiel de l’assurance maladie et des régimes de retraite, elles animent également des événements festifs, financent des activités sportives. La crise de l’État providence en Europe et le succès (provisoire ?) des entreprises des pays émergents amènent certains observateurs à observer ou pronostiquer un probable retour du paternalisme d’entreprise, y compris à travers les pratiques de RSE.

Mais la société a profondément évolué, quelle forme peut donc prendre le paternalisme aujourd’hui ? Une forme plus conviviale, plus attentive au confort, mais aussi aux projets et aux difficultés des salariés. S’agit-il encore de paternalisme ?

Naissance du maternalisme ?

La famille s’est totalement transformée, recomposée. La place des femmes notamment s’est affirmée. Elles exercent l’autorité parentale, voire dans un nombre croissant de cas, elles exercent de facto seules cette autorité. Les femmes ont progressivement conquis les emplois de l’Éducation nationale, elles progressent dans les emplois universitaires et toutes les professions à statut (médecin, avocat, juge). La domination numérique des femmes dans l’enseignement s’accompagne de succès croissant pour les jeunes filles à l’école. De plus, les sociétés européennes se sont largement laïcisées et comportent une population de religion ou de culture musulmane croissante.

L’emboîtement Dieu-patron-père-enfants ne fonctionne plus. Le Conseil National du Patronat Français est d’ailleurs devenu le Mouvement des Entrepreneurs de France en 1999. La référence au père s’éloigne. D’autres observateurs pronostiquent sur cette base le passage du paternalisme au maternalisme. L’entreprise ne régente plus la vie, elle aide à la conciliation vie professionnelle-vie familiale. Plus généralement, l’entreprise met moins l’accent sur l’imposition, les statuts, les frontières et davantage sur l’écoute, l’inclusion et l’attention aux fragilités. Steve Jobs incarnerait le nouveau maternalisme parce que sa stratégie aurait consisté à créer pour le consommateur « une communauté bienveillante grâce à des services agréables et protecteurs. (…) Apple a créé ses magasins spécifiques (les « Apple stores »), ses journaux consacrés, ses associations d’utilisateurs (les « Mac users »), son réseau de musique (iTunes), ses grands-messes (les « Mac events »), des clubs de rencontres et de loisirs pour ses clients...(…) L’identité communautaire va jusqu’à proposer à ceux-ci de développer et de vendre à Apple les applications qu’ils utilisent ». Il y a ainsi un affaiblissement de la différence de statut salariés/clients, une inclusion de ces derniers dans le projet. « La dynamique du capitalisme post-industriel pourrait être le fait des communautés engendrées par les entreprises maternalistes ».

Il n’est pas certain toutefois que la référence à la (terre ?) mère devienne, au moins à court terme, une référence aussi structurante que ne l'a été celle au père (qui est aux cieux). Hommes et femmes semblent plutôt souhaiter dans la famille, une évolution vers plus d’égalité, d’expérimentation des rôles féminins et masculins, de fluidité des relations. Ne peut-on pas penser que c’est plutôt cet équilibre et cette fluidité qui sont à construire en entreprise ?

Quelles évolutions de la société appellent une évolution en ce sens ? Quels changements dans la gouvernance pourraient y répondre ? À suivre.
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