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10 / 02 / 2012 | 17 vues
Richard Rigano / Membre
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Le travail en prison évite la délocalisation : MKT Societal mis en cause par une détenue

Être en prison ne justifie pas toutes les pratiques, y compris celles qui se parent de l'argument de réinsertion.

Difficile de lutter contre une production à 1,67 € de l'heure. Même les Grecs vont avoir du mal à suivre.

Pourquoi le travail effectué en prison, au bénéfice de sociétés commerciales, ne serait-il pas rémunéré dans les mêmes conditions qu'en milieu libre ?

En portant plainte devant la justice prud'homale, pour rupture abusive de son contrat, une détenue met en lumière une anomalie particulièrement grave puisqu'elle se fait avec la bénédiction de l'État, via l'administration pénitentiaire. La société mise en cause, MKT Sociétal, est spécialisée comme centre d'appels gérant aussi bien des enquêtes d'opinion que des activités de conseil en production. Sur la page d'accueil de son site, elle n'hésite pas à mettre en avant ses coûts de revient compétitifs...

Évidemment, avec une rémunération comprise entre 1,67 et 2,18 € de l'heure, MKT Sociétal peut se targuer d'être une entreprise compétitive et d'affirmer qu'elle travaille à la réinsertion des détenues. La jeune femme qui vient de porter plainte devait, par son contrat, percevoir un salaire minimum compris de 4 à 6 € de l'heure, d'où une demande de paiement des arriérés de salaires de plus de 2 000 €. Les contrats passés entre un détenu et une société privée étant contrôlés par l'administration pénitentiaire, la question de sa responsabilité est clairement posée. On peut s'interroger sur la différence entre la rémunération contractuelle et celle perçue, et on ose croire qu'il n'y a pas au passage un prélèvement qui serait fait au bénéfice de...

Les rapports réguliers de la Cour des Comptes mettent à jour les pratiques très curieuses qui existent dans l'univers carcéral, qui devrait rester un lieu où le droit s'applique comme partout.

Cette affaire, très intéressante à suivre, rappelle que de très grosses sociétés comme le groupe l'Oréal ou Bic, font appel à de la main-d'oeuvre pénitentiaire. S'il y avait la moindre réalité quant à leur désir de participer à un travail de réinsertion des détenus, il n'y aurait aucune raison de ne pas payer ce travail fait en prison au même tarif que ceux applicables et régis par la législation et les règles du travail. Il ne faut pas manquer de cynisme pour oser affirmer comme MKT Sociétal que son action « permet à la fois de relocaliser la production en France avec des tarifs concurrents de ceux de l'off-shore et de développer une offre de centres de contacts socialement responsable ».

Que les revenus d'un détenu qui travaille permettent d'assurer ses propres frais d'entretien, voire contribuent à un fonds d'indemnisation des victimes, sont autant de raisons de faire en sorte que la rémunération, pour un même emploi, soit identique de chaque côté des barreaux. Toute autre démarche relève d'une concurrence déloyale et d'une pression sur les salaires de toutes les entreprises, avec la complicité inadmissible de l'État.
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