Ce qui est permis en matière de distribution des publications et des tracts syndicaux
Le rendez-vous crucial des élections professionnelles approchant, il est important d'en bien connaître la préparation dans ses moindres détails et de ne pas commettre de fautes, comme, par exemple, lors de la distribution de tracts d'un syndicat.
Le Code du Travail encadre assez précisément cette dernière quand elle est effectuée dans l'entreprise, mais ne la prohibe pas en dehors de l'entreprise, comme l'a réaffirmé la Cour de Cassation, qui, à cette occasion, a précisé la notion « d'enceinte de l'entreprise ».
Dans l'enceinte
L’article L.2142-4 du Code du Travail énonce que « les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci aux heures d’entrée et de sortie du travail ».
Il résulte de ce texte que la distribution de tracts dans l’enceinte de l’entreprise est strictement encadrée. Celle-ci ne pouvant avoir lieu qu’aux heures d’entrée et de sortie du travail, la Cour de Cassation a déjà censuré les distributions se déroulant pendant les temps de repas ou de pause (Cass. soc., 20 octobre 1988, n° 85-46050 ; Cass. soc., 8 juillet 1982, n° 81-14176).
Dans les entreprises appliquant l’horaire variable, le Ministre du Travail estime que la diffusion des publications et tracts syndicaux peut avoir lieu durant les plages mobiles et ne peut être interdite que pendant les plages fixes. En cas de travail en équipe, les tracts peuvent être diffusés au moment des changements d’équipe.
- À la différence de l’affichage des documents, les publications et tracts n’ont pas à être transmis obligatoirement à l’employeur. Celui-ci ne dispose d’aucun droit de contrôle sur le contenu, ni a priori ni a posteriori. S’il souhaite contester le contenu ou les modalités de distribution du tract, il lui appartient de saisir le tribunal de grande instance.
En dehors de l'entreprise
Si l’article L.2142-4 encadre la distribution des tracts dans l’entreprise, il n’interdit nullement une distribution en dehors de l’entreprise. Lorsque la distribution se fait en dehors de l’entreprise, celle-ci est libre et peut avoir lieu à tout moment et concerner des tiers.
La Cour de Cassation a énoncé ce principe dans une décision du 28 février 2007 : « l’article L.412-8 (devenu l’article L.2142-4) qui se borne à organiser la diffusion des tracts par les syndicats professionnels aux travailleurs à l’intérieur de l’entreprise n’est pas applicable à une diffusion de tracts à l’extérieur de l’entreprise » (Cass. soc., 28 février 2007, n° 05-15228). Un syndicat pouvait donc librement diffuser des tracts à l’extérieur de plusieurs agences et notamment à des clients sans que l’on puisse lui opposer les règles énoncées par cet article.
- Le 18 janvier dernier, la Cour de Cassation est venue confirmer la solution posée en 2007, en précisant que l’enceinte de l’entreprise n’inclut « ni la voie publique ni les parties communes de l’immeuble où l’entreprise occupe des locaux, ni l’établissement d’un client au sein duquel des salariés de l’entreprise effectuent des missions » (Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-12240).
En l’espèce, un syndicat d’une entreprise de consulting avait distribué à des salariés en mission des tracts dans l’enceinte de l’entreprise cliente, d’autres avaient été laissés sur le bureau des salariés et sur une table dans un couloir. Se retranchant derrière l’article L.2142-4, la société de consulting avait saisi le tribunal de grande instance afin que soit reconnu le caractère illicite de la distribution. Pour cette société, l’article L.2142-4 doit s’appliquer également dans les locaux d’une entreprise cliente lorsque ces locaux constituent pour les salariés en mission leur lieu de travail. Elle a été déboutée tant devant les juridictions de fond que devant la Cour de Cassation.
Les tracts ayant été distribués à l’extérieur de l’entreprise, l’employeur ne pouvait plaider que cette distribution avait perturbé le travail des salariés de l’entreprise de consulting. De tels tracts ne pouvaient être incriminés qu’au regard de la loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, lorsque l’employeur estime qu’ils contenaient des propos injurieux ou diffamatoires.