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01 / 11 / 2010 | 14 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Il est loisible au législateur d'éviter la dispersion syndicale

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, jeudi 7 octobre 2010, au sujet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dont il était saisi par l’Union départementale FO de l’Aveyron (décision n° 2010-42 QPC).

La décision rendue consacre la loi du 20 août 2008 portant réforme de la représentativité, dans sa quasi-intégralité, en allant bien au-delà de ce qui lui était demandé de trancher. Certains ont pointé du doigt une analyse politique. Une chose est certaine, c’est que la sentence rendue est mal motivée et ne répond pas aux questions posées.

Resituons le litige. Dans l’établissement de Rodez de la société Bosch, le syndicat FO avait désigné deux DS, bien qu’il n’ait pas recueilli 10 % des voix (tous collèges confondus), mais 9,42 %. Mais FO n’avait en fait présenté de candidats que dans deux collèges sur trois ; et dans chacun de ces deux premiers collèges, le syndicat avait obtenu plus de 10 % des voix. Dans le même temps, la CFE-CGC n’avait présenté de candidats que dans le troisième collège, celui des cadres, et y avait obtenu 78 % des suffrages. Mais ce score ne représentait que 5,47 % des suffrages (tous collèges confondus). En vertu de l’article L. 2122-2 du Code du Travail, qui institue un privilège de traitement pour les « organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale », la CGC avait désigné deux délégués syndicaux (DS). FO demandait alors à bénéficier du même traitement en ne voyant sa représentativité appréciée que dans les collèges où elle présentait des candidats. Elle désignait alors deux DS. 


L’employeur a contesté cette double désignation devant le tribunal d’instance de Rodez. Sur des arguments de droit international, le juge du fond l’a déboutée de sa demande. Sur le pourvoi en cassation, FO a décidé d’user de ce nouveau droit qu’est la QPC pour soulever, devant le Conseil constitutionnel, la question de la rupture d’égalité instituée par la loi du 20 août. Cette QPC a été transmise par la Cour de Cassation au Conseil constitutionnel, le problème soulevé étant qualifié de sérieux. À ce sujet, la Cour de Cassation a transmis, le 21 septembre 2010, trois autres QPC au Conseil constitutionnel, portant également sur le sujet des syndicats catégoriels et le principe d’égalité.

Dans sa décision du 7 octobre, le Conseil constitutionnel a fait sienne l’argumentation commune de la société Bosch, de la CGC (admise en intervention) et du Premier Ministre. Il valide la loi du 20 août à plusieurs égards. D’une part, il juge qu’il « était loisible au législateur » de prendre les mesures pour « éviter la dispersion de la représentation syndicale ». En fixant le seuil de l’audience à 10 %, il n’aurait pas méconnu la liberté syndicale, ni le préambule de la Constitution de 1946. Il faut noter que cette question n’était pas posée aux juges de la rue Montpensier. C’est un moyen qu’ils ont soulevé d’office (la Cour de Cassation refusant de transmettre des QPC sur ce thème), pour mieux « sécuriser » la loi. Or, les parties n’ayant pas soulevé cette question, elles n’ont donc pas pu fournir d’arguments en sa faveur ou en vue de la faire tomber. C’est là une conception assez curieuse du droit à un procès équitable...

D’autre part, le Conseil constitutionnel estime que les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont pour vocation de représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale, ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales. En prévoyant que, pour les organisations syndicales catégorielles, le seuil de 10 % est calculé dans les seuls collèges dans lesquels elles ont pour vocation de présenter des candidats, le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l’objet de la loi. Il n’a pas méconnu le principe d’égalité. Autrement dit, il ne peut pas y avoir différence de traitement, car il n’y a pas de situations identiques ! Le Conseil constitutionnel ne s’attarde pas, en revanche, sur tous les autres arguments soulevés par FO, qui ne plaidait pas pour la disparition du privilège accordé aux syndicats catégoriels, mais au contraire pour son extension à d’autres organisations pouvant être affiliées à une organisation intercatégorielle. De plus, le Conseil ne détermine pas quel est l’intérêt général qui justifie cette rupture d’égalité permettant à un syndicat qui réalise peu d’audience dans l’entreprise d’avoir accès, via ses DS, à toutes les négociations en cours dans l’entreprise, alors que le syndicat qui réalise des résultats deux à trois fois supérieurs est privé de ce droit, pour le seul motif de son rattachement à une confédération intercatégorielle.

Cette décision a deux conséquences importantes : en premier lieu, dans l’ordre juridique français, il n’est plus possible de contester le seuil de 10 % que doit franchir un syndicat pour obtenir sa représentativité. Ensuite, la CGC est confortée dans son monopole catégoriel interprofessionnel. Mais la question du libre choix du délégué syndical reste entière. À suivre ?

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