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Réforme de la garde à vue : du nouveau
Il y a quelques mois, les débats sur la réforme de la garde à vue faisaient rage. D'un côté, les avocats menaient leur combat d'arrière-garde par intérêt (financier ?). Pour s'en convaincre, il suffisait d'écouter M. Charrière-Bournazel, alors bâtonnier de Paris. De l'autre, les syndicats de police, dont Alliance Police Nationale, qui, dotés d'arguments légaux, essayaient de démontrer que la réforme de la garde à vue demandée par les avocats mettait en péril l'efficacité de la meilleure police du monde dans l'élucidation des affaires.
En effet, le point principal de cette réforme est l'accès au dossier par les avocats dès la première heure. Autant dire que les conseils prodigués aux personnes mises en cause feront traîner en longueur les enquêtes, pour ne pas dire faire capoter purement et simplement une affaire grave.
Le débat s'était calmé depuis plusieurs semaines mais c'était sans compter sur la décision du Conseil constitutionnel, rendue le 30 juillet 2010.
Autant dire que certains s'en gargarisent déjà et pourtant l'avis rendu n'est pas aussi tranché, et surtout pas si clair, que les avocats pourraient le croire.
En tout cas, pour le Conseil constitutionnel, pas question de toucher aux régimes dérogatoires en matière de terrorisme, de criminalité et de trafic stupéfiants. Donc, pas de changement pour la garde à vue.
De même, le Conseil constitutionnel ne donne pas raison aux détracteurs de la garde à vue sur les conditions dans lesquelles elles se déroulent et notamment sur le respect de la dignité humaine et pour cause : les textes législatifs existent déjà et il appartient aux autorités judiciaires notamment de veiller à ce respect (l'autorité judiciaire en l'occurence, le parquet qui reste pleinement légitime à contrôler les gardes à vue). Cette autorité peut donc mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour contrôler les bonnes conditons de la GAV. Si ce n'est pas fait aujourd'hui, ce n'est certainement pas de la faute des policiers.
- Enfin, et c'est là le plus important, le Conseil constitutionnel relève que, compte tenu de l'importante augmentation, certaines GAV ne s'avèrent pas forcément nécessaire mais pour autant ne préconise pas la systématisation de la présence de l'avocat dès le début dans toutes les affaires suivies d'un placement en GAV.
Il préconise de tenir compte des circonstances et de la nature de l'affaire et que, la présence de l'avocat ne doit pas systématiquement être interdite.
Compte tenu de la compléxité du dossier, le Conseil constitutionnel a fixé le 1er juillet 2011 comme date butoir à cette réforme et ne remet pas en cause, jusqu'à cette date, les mesures de garde à vue qui ont été, ou seront, prises.
Alliance Police Nationale n'est pas fermé à la discussion mais il faut être prudent et ne pas prendre le risque d'aller vite, sous peine de mettre en péril l'efficacité du travail policier.
Certains syndicats de police, comme l'Unité SGP FO, ne s'opposent pas à la présence des avocats. Alliance Police Nationale, lui, n'est pas convaincu.
La réforme engagée se base sur le système anglo-saxon, où les avocats des mis en causes mettent tout en oeuvre pour faire « capoter » les enquêtes policières.
Gageons que la démarche des défenseurs de cette réforme, comme les avocats, ne dissimulent pas une attention autre que le respect de la défense (mercantilisme ?) et qu'en tout état de cause, la difficulté du travail de policier et surtout son efficacité seront prises en compte dans cette réforme.
Enfin, Alliance Police Nationale met en garde sur le fait que dans ce dossier, à aucun moment, personne ne parle des droits de la victime face aux personnes mises en cause. Ces dernières ont le droit à la défense et au respect de la dignité humaine, bien évidemment. Mais ce droit à la défense doit rester à la hauteur de celui de la victime.
Un mis en cause aura droit à un avocat immédiatement à la suite de son placement à la GAV, commis d'office dans certains cas mais la victime, si elle n'a pas les moyens d'avoir un avocat, dès son agression, elle restera bien seule et devra se débrouiller pour faire valoir ses droits à l'aide juridictionnelle !
Et c'est le plus important dans ce dossier : tout le monde devrait en avoir conscience et le prendre en compte. Demain, un mis en cause qui sera identifié comme responsable d'une infraction à l'issue de l'enquête et condamné par la justice aura eu droit dès le début à sa défense... Ce ne sera pas le cas de la victime.
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