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29 / 04 / 2010 | 136 vues
Anne Baltazar / Membre
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Modernisation des systèmes d'information de l'État : le progiciel Chorus aura un effet sur les conditions de travail

Depuis de nombreuses années, l'État cherche à rénover ses systèmes d'information financière et comptable qui assurent la gestion des comptes publics. L'objectif affiché étant d'unifier informatiquement la tenue des comptes des différentes administrations. Le projet Chorus, lancé en 2005, vise à remplacer tous les applicatifs existants et à couvrir une partie des fonctionnalités des applicatifs de gestion propres à chaque ministère.

Concrètement, Chorus s'inscrit dans une stratégie globale de modernisation du système d'information financière de l'État (SIFE). Ce nouveau système d'information est fondé sur un "progiciel de gestion intégré (PGI2)", issu du privé puisque le prestataire est la société allemande SAP. Il doit améliorer la performance et la transparence de la gestion publique.

Cette application sera partagée par tous les acteurs financiers des différents services (centraux ou déconcentrés) de l'État : gestionnaires, contrôleurs financiers, comptables, préfets.

Sur le papier, Chorus constitue un puissant levier sur deux aspects.

1 - Rationalisation des processus :

• en regroupant tous les acteurs de la gestion dans une chaîne unique ;

• en optimisant le pilotage et en remplaçant totalement ou partiellement les applications ministérielles.

2 – Modernisation, conformément aux principes édictés par la LOLF :

• en simplifiant les processus budgétaires et comptables ;

• en renforçant la traçabilité des 36 millions d'écritures nécessaires pour établir le solde du compte général de l'État au 31 décembre et ainsi faciliter l'audit de l'ensemble de ces mouvements.

Un surcoût considérable

Cependant, le déploiement de Chorus, qui devait être achevé en 2010, ne le sera probablement qu'en 2011.

En effet, ce progiciel manque de flexibilité. Il implique (pour ne pas dire impose) une certaine fixité des périmètres ministériels et des services concernés pour adapter l'architecture des services au logiciel lui-même.

Cet aspect a totalement échappé aux pouvoirs publics lors de la mise en place de la révision générale des politiques publiques (RGPP) en 2007 avec ses objectifs de réduction, de fusion ou de transformation des organigrammes administratifs. De là à penser que la RGPP serait en partie responsable du retard, donc de l'augmentation, du coût financier (60 millions d'euros selon les estimations transmises par la commission des finances), il n'y a qu'un pas !

Concernant le coût du projet, il avait été évalué à l'époque à 550 millions d’euros en investissement initial. En réalité, les coûts annoncés sont beaucoup plus importants. Le total partiel de la mise en place de Chorus est évalué à 885 millions d'euros, auxquels il convient d’ajouter les dépenses de fonctionnement qui avoisinent 100 millions d'euros par an. Soit un coût total estimé à 1,10 milliard d’euros d'ici 2015.

Enjeux de pouvoir

On comprend mieux toute cette agitation politique autour d'un tel projet dont l'investissement budgétaire oblige les pouvoirs publics à tout mettre en œuvre pour réussir, y compris en faisant taire ou en maîtrisant certains enjeux de pouvoir entre les ministères, voire certaines administrations. À terme, toutes les structures administratives devront se faire à ce nouveau logiciel qui, venant du privé, ne leur est pas adapté.

L'organisation du projet Chorus a été confiée à l’Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE). Agence indépendante placée sous la direction d'un comité d'orientation stratégique qui relève à la fois des services du Premier Ministre pour le comité « modernisation » et du Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique pour le comité « informatique ». Malgré les difficultés rencontrées (coûts, retards, interconnexions, réductions des ambitions ou réticence de certains ministères etc.), ce projet arrive bizarrement au bout. L'Éducation nationale ou le Ministère de l’Écologie et du Développement durable (MEEDDM) ont connu leurs premiers déploiements.

Des organisations différentes selon les ministères

Il n'appartient pas à une organisation syndicale de juger du bienfait ou pas de ce type de projet dont le but est de doter les services de l’État d’un outil permettant d’appliquer la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La Cour des Comptes est là pour relever les incohérences du système et les dérives financières engendrées.

L'Inspection générale des Finances (IGF) et les commissions parlementaires considèrent aussi qu’une vigilance doit être portée au respect des conditions du retour sur investissement.

Comme les parlementaires, l’IGF pense que le gain « mécanique » lié au simple changement d’outils informatiques ne peut se suffire à lui-même. Elle considère également que des changements de l’organisation de la chaîne budgétaire et comptable sont indispensables ; par conséquent, les organisations de travail devront s’adapter.

Le schéma préconisé prévoit le regroupement des utilisateurs en un seul lieu : le centre de services partagés (CSP) où les agents, via un détachement, seraient sous l’autorité hiérarchique, soit d’un directeur des finances publiques, soit d’un préfet. Ces centres interministériels pourraient être départementaux, régionaux, voire inter-régionaux, selon les options des différents ministères.

Pour exemple, le Ministère de l’Éducation nationale a choisi de s'organiser sur une base principalement régionale (siège des rectorats) à l’instar des plates-formes communes des Ministères de l’Agriculture et de l’Équipement (DREAL). Le Ministère de la Justice devrait pour sa part être organisé au niveau inter-régional. Le Ministère de la Défense se spécialise en fonction de la nature des opérations et devrait se concentrer sur une dizaine de sites. Le Ministère de l’Intérieur reste quant à lui sur un niveau infra-régional avec environ 80 départements concernés.

Effet négatif important sur les agents

Les fonctions administratives seront fortement remises en cause, surtout avec la mise en place de services facturiers positionnés au niveau des directions départementales des finances publiques (DDFiP) les plus importantes.

Ainsi, ces restructurations vont avoir un effet considérable sur les personnels, avec des garanties variables selon les ministères. En effet, le programme Chorus devrait à terme générer des économies substantielles, tant sur la rationalisation des dispositifs informatiques, que sur la suppression importante de personnels pour effectuer ces opérations comptables.

Les pouvoirs publics ne s'en cachent pas, l'objectif affiché en matière de réduction de personnel liée à la mise en place de Chorus est de faire l'économie de pas moins de 9 795 agents.

Certains agents n'auront pas d'autre choix que d'accepter la mobilité géographique ou fonctionnelle, de se former à ce nouvel « applicatif » dont l’interface issue du privé risque fort d'en interpeller plus d'un, ou d'expérimenter la réorientation professionnelle. Et tous les ministères sont concernés.

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