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RATP : contentieux aux Prud'hommes sur le non-paiement des jours de grève, des actions individuelles collectives
Nous avons engagé une action au tribunal des Prud'hommes au sujet des prélèvements des jours de grève de 2007.
La légalité de cette action paraît justifiée du fait que nous sommes dans notre droit légal de demander réparation car nous considérons que le prélèvement d'un vingtième de salaire mensuel par jour de grève est hors la loi. Le tribunal de grande instance de Paris nous conforte dans cette voie. En effet, étonné que le prélèvement ne soit pas le trentième, le tribunal tranche dans ce sens mais se déclare incompétent pour les cas individuels et demande à la partie plaignante, prônant toujours une action collective, de faire entamer une action individuelle aux Prud'hommes.
- Nous avions déjà anticipé cette voie et de ce fait de nombreux dossiers s'empilent au greffe du tribunal des Prud'hommes de Paris.
Nous inventions le mouvement individuel collectif plutôt que le mouvement collectif individuel. En effet, chaque dossier est différent, bien que découlant d'une même cause. Mettre aux services du salarié la logistique, telle était l'idée. Nous centralisons l'administratif, sans en contrôler le politique. Libre ensemble, en quelque sorte.
Si nous reprenons l'article 10 de la loi du 21 août 2007 : la rémunération d'un salarié participant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l'exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève.
- Comme pour montrer son allégeance, la RATP prélève dix pour cent en sus. Ce phénomène se retrouvera plus tard dans le règlement intérieur au sujet du taux d'alcoolémie, étrange donc. Le symbole est grand.
Qu'est-ce que la grève ? Si ce n'est que de prendre individuellement la décision d'une action collective, nous sommes dans le même registre. C'est pourquoi nous devons continuer l'opération.
Des dossiers qui échappent aux syndicats
Il fallait remplacer le « nous avons gagné » par « vous, mes chers collègues, avez gagné ».Bien que le syndicat Unsa Transports soit l'initiateur du phénomène, il faut noter qu'il échappe, une fois le dossier constitué, à son géniteur.
- L'avantage de cette opération est que l'entité syndicale soit exclue de la décision d'arrêter le processus en fonction du désir politique de la RATP de négocier avec ses représentants syndicaux.
C'est pour cela que la plupart des organisations syndicales demeurent et restent en leur nom propriétaire de l'affaire. Garder la main est une priorité politique ; se créer au nom de la masse, un bâton pour négocier avec l'entreprise. Il fallait remplacer le « nous avons gagné » par « vous, mes chers collègues, avez gagné ».
Il est étonnant de voir l'intérêt porté par les agents, notamment dans son amplitude mais aussi dans sa diversité de sensibilités syndicales.
- Ce truchement technique replace le mandat représentatif au centre de tout. Trop longtemps, le syndicalisme s'est nourri d'une représentativité maquillant une volonté de mandat impératif. Le trait a été forcé lors de la signature de l'accort tripartite (Medef, CGT, CFDT) de la représentativité syndicale qui, sous une couverture démocratique, élimine de fait les petites sensibilités syndicales.
Pour certains, une impression d'un combat laborieux s'en détache. Ce qui est faux , la constitution d'un dossier prudhommal demande très peu de temps au plaignant. L'isolement de l'agent dans son raisonnement d'être le pot de terre contre le pot de fer éclate du fait qu'il n'est plus tout seul devant son sentiment d'injustice.
L'autre avantage est que le temps d'action est dilué, qu'il ne lui demande pas d'être en phase au même moment que les autres. La procédure judiciaire laisse cinq ans pour entamer un dossier. La société RATP n'a pas le choix, il faut qu'elle gagne dans tous ces procès. Une seule brèche dans la cuirasse et le sable rentrera dans ses rouages. Le premier écueil eut lieu le 13 janvier 2010 quand la RATP a vu son pourvoi en Cour de Cassation rejeté au terme d'une procédure engagée par des conducteurs de la ligne B sur ces fameux prélèvements. De plus, le 28 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Paris, en appel, redit que le principe de prélèvement des jours de grèves doit se faire sur la base du un/trentième et non du un/vingtième par jour.
L'entreprise dans ce conflit n'a pas eu la présence d'esprit de comprendre que la grève ne la visait pas mais la réforme des régimes spéciaux. Le prélèvement des jours de grève dans d'autres sociétés de transport s'est fait en adéquation avec la loi.
Le mouvement de 2007 n'aurait pas trouvé de continuité autre qu'une nostalgie d'anciens combattants si ce souffle judiciaire n'avait été exprimé. Le temps de la justice est long, nous apercevons déjà le paradoxe qu'une affaire provoquée par des anciens dirigeants du groupe RATP se retrouve à être gérée par d'autres qui peut-être n'auraient pas engagé cette façon de voir les prélèvements des jours de grève.
Mais le compte n'y est pas, de nombreux agents ont été injustement amputés sur leur salaire d'une somme non conforme à ce que stipule le droit.
Oui, nous sommes dans notre droit de porter l'affaire en justice. Nous avons même le devoir citoyen de le faire. C'est par nous , éléments du peuple que passe la souveraineté de l'État de droit et de la séparation des pouvoirs. Nous ne débattons plus des conditions de travail, ni du prolongement de la durée du travail pour le départ à la retraite, nous sommes sur une donnée fondamentale qui passe par cette question :
Dans quelle société voulons-nous vivre et travailler?
Au cours de cette action, en première étape, la loi oblige à la conciliation. Le tribunal demande aux parties de s'entendre sur une solution.
Comme la RATP décide de maintenir sa vision politique du prélèvement des jours de grève, arguant que ce système demeure plus favorable aux agents sans y croire elle-même. Non-conforme à ce que nous avons lu du droit, nous décidons de poursuivre.
Cette suite était prévisible. En dehors de la légalité, ce que la RATP reproche aux agents, est de discuter par cette action son autorité. En effet, elle nous conteste d'être dans notre droit d'un point de vue moral. La dichotomie du bien et du mal de s'opposer à l'autorité nous oblige à rassembler les forces légales autour du droit moral, de ce droit naturel à agir, de ce fait, à nous poser individuellement de façon collective comme autorités, nous aussi.
Devant les échéances de la future discussion sur les retraites, posons-nous comme autant de cailloux dans sa chaussure, continuons les dossiers. Le temps, où nos histoires se réglaient en famille, où la considération était une donnée d'entreprise, est révolu.
Ne nous laissons pas enfermer dans une vassalité déguisée en lien de subordination.
La contractualisation de la société RATP aura des relents de féodalité en prenant pour étape une société à structure polycellulaire, où le volontariat à parfaire l'entreprise dans sa mission deviendra une vassalité sans devoir envers le suzerain.
« L'esclave est un serviteur qui ne discute point et se soumet à tout sans murmure. Quelquefois il assassine son maître mais il ne lui résiste jamais. » (Alexis de Tocqueville)