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12 / 11 / 2009 | 14 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Vers une « jurisprudence » Renault sur les « autopsies psychologiques » des suicides

Alors que les élections professionnelles se tiendront les 24, 25 et 26 novembre prochain, c'est un véritable retour de boomerang pour les élus du CHSCT n° 2 du Technocentre de Renault que de voir la direction exploiter les notes cliniques du médecin psychiatre du cabinet choisi en 2007 dans le cadre du recours à expertise pour risques graves sur les suicides. Le 19 octobre dernier, devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale (tass) de Nanterre l'avocate de la direction a ainsi argumenté sur le « syndrome anxio­dépressif » d'une victime dont la veuve demande la « faute inexcusable » pour l'employeur.

Cette analyse clinique qualifiée d'« autopsie psychologique » visait, selon les termes  de l'appel d'offres du CHSCT n° 2, à « analyser de manière approfondie les quatre suicides de nos collègues afin de déterminer et de comprendre au mieux les facteurs professionnels qui ont pu éventuellement conduire à chacun de ces actes. »

La CGT estime aujourd'hui que le cahier des charges de Technologia n'a pas été respecté : « Les représentants du personnel ont constaté avec surprise que pour les trois victimes, le Dr... se livrait à un « diagnostic clinique », à charge, sur les personnalités des victimes. Ceci contrairement à l’engagement pris initialement par Technologia devant le CHSCT, de « retracer l’histoire » et de la « mettre en perspective ». Le Dr... poussant même jusqu’à conclure « rien ne permet d’affirmer que les conditions de travail ont été une cause spécifique de troubles psychiques ».

Marcel Sarpaux, secrétaire CFE-CGC du Technocentre s'étonne de la réaction de la CGT : « au moment de la restitution orale devant les élus du CHSCT, personne n'a été choqué par les propos de la psychiatre de Technologia. Il n'y a eu aucune critique. À aucun moment il n’a été évoqué de point relevant du secret médical ce qui aurait valu à Technologia une levée de bouclier ! ».

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Mais comment ces notes cliniques se sont-elles retrouvées au tribunal ? Le secret médical ne s'impose-t-il pourtant pas au juge ? Cela ne semble pas aussi évident quand le médecin travaille pour le compte d'un cabinet d'expertise.

Marcel Sarpaux précise qu'il y a un an environ « Technologia a informé les 35 membres de la commission paritaire qu’ils avaient dû communiquer cette analyse à la demande expresse du Procureur. À l’époque celà n’avait choqué personne bien au contraire puisqu’on avait le sentiment de contribuer à faire avancer la justice ».

Fin 2007, le qualificatif d'autopsie psychologique était employé par Technologia. La CGT le reprenait d'ailleurs dans ses tracts. Mais ce n'est pas une « autopsie psychologique » stricto sensu au sens de la définition de l'Inserm qui s'est appliquée chez Renault. En effet, le médecin psychiatre n'a pas, par exemple, demandé l'accès au dossier médical de la victime. Gérard Brégier, expert Technologia, pose sur son site les limites de cette étude clinique : « Notre travail sur les trois décès par suicide est inspiré de l’autopsie psychologique mais n’en a pas la rigueur méthodologique, la démarche étant forcément différente dans le contexte d’une expertise en milieu professionnel ».

Une chose est certaine. Aujourd'hui, l'autopsie psychologique est tabou. Et l'on ne risque pas de voir avant un certain temps des médecins psychiatres intervenir dans le cadre d'études cliniques sur des victimes de suicide au travail par peur de l'effet boomerang.

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