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Mourir ou rire, il faut choisir
Une personne se suicide toutes les 50 minutes en France. Parmi les victimes, deux patrons et au moins un salarié. À écouter les politiques et les médias, la responsable de ces drames serait toute trouvée : la crise. C’est encore plus vrai quand on évoque les 14 000 chômeurs qui se seraient donné la mort en 2014. Pensons-nous réellement qu’elle peut être la seule responsable ? Soyons (un peu) sérieux. Ce n’est pas simplement une question mécanique de destruction d’emplois et de peur de ne pas en retrouver qui pousserait des Français à commettre un tel geste. Beaucoup d’entre eux sont terrifiés de devoir retourner dans des entreprises qui les ont brisés. Combien se sont retrouvés éjectés alors qu’ils s’étaient surinvestis ? Contrôlés en permanence, pointés du doigt ? Déstabilisés, poussés, parfois, à la dépression puis vers la porte, dans le cas des entreprises qui souhaitaient dégraisser à moindre coût. Ils ont été trahis, touchés dans leur dignité et ils auront du mal à accorder leur confiance à nouveau.
Alors comment rebondir ? En créant sa boîte ? C’est vrai que l’idée est alléchante. Vivre de sa passion, c’est le sésame pour qui ressent la nécessité de trouver du sens. Qui n’en a pas besoin ? D’ailleurs, les structures de moins de 20 salariés représentent 97 % des entreprises françaises selon l’INSEE. Mais c’est aussi le risque de subir un acharnement fiscal asphyxiant. La dictature administrative n’a plus aucune limite : contrôles, redressements abusifs, fiscalité et réglementation délirantes martyrisent les petits patrons, poussant 68 000 d’entre eux à mettre la clef sous la porte en 2013. Que devient la liberté de travailler ? Et Emmanuel Macron voudrait encore décider de ce que nous ferons de notre dimanche. Est-ce vraiment nécessaire ?
Salariés, petits patrons, agriculteurs, médecins, fonctionnaires, chômeurs... Personne n'est épargné. Combien de temps les gens vont-ils accepter ce système qui les pousse à bout ? Arrêtons de subir pour ne plus souffrir, en exigeant tous ensemble de nous faire respecter. Devant les abus de pouvoir du chef, on se tait trop souvent pour protéger son avancement. Si un collègue est attaqué injustement, on détourne le regard en espérant ne pas être le prochain sur la liste. Quand le malaise s’installe au boulot, on prend sur nous en pensant à nos tickets-restaurants et à notre emprunt à rembourser. Oui, notre salaire nous permet de satisfaire nos besoins personnels, nourrir notre famille et payer notre loyer. Mais les finances doivent-elles pour autant prendre le pas sur nos vies ? Cette illusion du matériel est-elle un alibi respectable pour nous pousser à accepter de transiger avec nos valeurs fondamentales, à bafouer notre morale ?
Vous vous dites peut-être que je n’ai jamais connu l’adversité pour tenir un tel discours. Vous vous trompez. J’ai grandi seule avec mon grand frère. Son humour et sa conception positive de l’existence m’ont sauvée. À 19 ans, après avoir exercé une multitude de petits boulots, j’ai repris mes études. Quelques années plus tard, je faisais partie des 6 % de femmes membres d’un comité de direction en France, dans une entreprise de télécommunications. La trahison, je l’ai vécue, quand, après une fusion, la machine à broyer s’est mise en marche pour me pousser à démissionner. C’est bien grâce à l'humour que j’ai pu transformer cet épisode de vie.
À mes yeux, le rire peut tout, il est le contrepoids pour vaincre la lassitude, exorciser la solitude. Il nous fait nous sentir vivants, consolide les rapports entre les gens. On le sait bien, la bonne humeur est contagieuse. C’est aussi le moyen de prendre de haut la médiocrité du système. Dans chaque situation de vie, le rire est un remède, réduit le stress et soulage les douleurs.
Or, le stress au travail coûte 60 milliards d’euros par an à l’État et représente 4 % du PIB : endiguer ce phénomène, ce serait gagner à coup sûr 1 % de croissance. Quand on sait qu’il faudrait 1,9 % de croissance pour renverser de façon significative la courbe du chômage, on se demande pourquoi ce sujet reste au point mort.
Je réclame une politique de prévention collective engagée qui n’existe pas aujourd’hui. Il y a urgence car si les dirigeants détournent le regard, la prochaine étape va faire des ravages : les salariés commencent à comprendre cette manipulation et ils sont de plus en plus nombreux à saboter leur travail, en réaction à ce qu’ils vivent. La vengeance est en route, le désinvestissement et les actes de malveillances se multiplient.
Le spectacle est le moyen le plus percutant pour démystifier la violence au travail.
- Alors arrêtons les formations conventionnelles à coups de Powerpoint qui ne sont que de la cosmétique pour répondre aux obligations légales de prévention auxquelles sont soumises les entreprises et engageons-nous !
Le spectacle est le moyen le plus percutant pour démystifier la violence au travail. Avec ma structure Xyles, je sélectionne des compagnies de théâtre et forme des comédiens à appréhender les risques psychosociaux en entreprise de façon ludique. Les événements sont propres à la problématique de chaque société. Sur scène, les artistes deviennent les porte-voix des salariés. D’un coup, à regarder jouer une parodie de leur quotidien, ils comprennent qu’ils ne sont pas les seuls à se sentir incompris ou déconsidérés. Ils sont alors mieux en mesure de détecter les symptômes qui les touchent, eux ou leurs collègues, avant qu’il ne soit trop tard. C’est très important que chacun à son poste, comprenne ce qui se joue. C’est pourquoi toutes les lignes hiérarchiques (responsables, subordonnées et dirigeants) doivent assister à la pièce. Les directeurs des ressources humaines tremblent encore trop souvent devant une telle audace. Ils craignent de provoquer des révolutions en libérant la parole. Je n’ai qu’une chose à leur répondre : mieux vaut-il gérer des révolutions ou des vagues de suicides ?
C’est l’envie de s’amuser et de rassembler les gens qui m’anime. Nous devons retrouver le goût du rire, du partage et de la solidarité, c’est devenu une urgence vitale pour notre société. Refusons les oppressions du quotidien, retrouvons l’audace de nous lever. Cessons de vivre tristes, pour nous, pour nos enfants, faisons de la joie la composante de ce monde nouveau.