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18 / 10 / 2011 | 21 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Les cabinets de consultants, mètre-étalon de la réorganisation ?

Bain, McKinsey… Les cabinets de consultants sont-ils les mieux placés pour analyser, proposer et orienter les réorganisations de nos entreprises ?

Depuis des mois, les 1 100 salariés de la direction de la distribution de Canal+ vivent au rythme d’une restructuration permanente qui ne veut pas dire son nom, habillée sous la forme de synthèses des travaux effectués par de grands cabinets de consultants.

Est-il impératif de dépenser des centaines de milliers d’euros pour parvenir à des conclusions déjà fixés dans un cahier des charges cadré par le client ? Combien de postes en CDI cela représente-t-il ? Dix, vingt postes sur une année ? Peut être plus. La question mérite d’être posée à la veille de la consultation du comité d’entreprise et alors que de très nombreuses questions restent encore en suspens.

Le client reste maître, il faut justifier des décisions déjà prises…

Lorsque qu’un cabinet est appelé à opérer dans une entreprise, une grande partie des objectifs est déjà fixée. Il s’agit seulement de trouver à justifier tel ou tel choix. Comment un cabinet présent quelques semaines (dans le cas présent 2 ou 3 mois) peut-il prendre la mesure de l’ampleur des défis d’un groupe complexe comme Canal+ ? Impossible.

Il le fait sur la base d’analyses fournies par son client. Dans le cas présent, a-t-on mesuré les interactions avec l’édition ? Avec les services supports, avec Vivendi, avec l’environnement concurrentiel externe ? Nous pouvons en douter au regard de la méthode.

Dans certains services, il a été notable de constater la faiblesse de la compréhension des organisations. Ainsi, ces projets de transfert de services vers de nouvelles directions, alors que ces services étaient déjà transférés depuis de nombreux mois. Ou l’incapacité à comprendre l’interaction de services et d’activités de façon transverse sur l’ensemble du groupe.

Sur le plan social, c’est encore plus flagrant. Lorsque, au comité d’entreprise, nous posons la question de l’accompagnement des salariés au changement individuel ou collectif, et ils vont être très nombreux, chacun se renvoie la patate chaude. Accompagnement ? Mais la porte de la DRH du pôle sera toujours ouverte…

Nous ne doutons pas de cette disponibilité, mais lorsque qu’un pôle est ainsi bousculé, il ne s’agit pas de mettre en œuvre un accompagnement classique de premier niveau, il faut une présence d’exception, un cabinet spécialisé externe doit être mobilisé et, sur la durée, 4 ou 6 mois pour aboutir au meilleur, lisser les aspérités, combler les manques. Et éviter les errements de l’après-fusion TPS que nous payons encore.

Les conséquences humaines des choix organisationnels effectués par Bain ou McKinsey ne semblent pas préoccuper outre mesure. Après tout, ce n’est que de l’humain, et chacun sait aujourd’hui l’attention que l’on porte à ces questions dans certaines branches de Canal+. Des schémas bien formatés.

D’où viennent ces experts, de quoi nous  parlent-ils ou pas ? Dans quel langage ? Quel est leur cahier des charges ?


McKinsey, c'est avant tout des processus et des méthodes formatés exploités sur la planète entière. De la segmentation stratégique, celle qui consiste à découper l’entreprise en unités homogènes, de l’analyse de la chaîne de valeurs pour atteindre les meilleurs marges ou le diagnostic « PEST » (sic.) pour environnement politique, environnement économique, environnement social, environnement technologique, des matrices BCG (re sic.) pour Boston Consulting Group, quand se vaccine-t-on ? Ou la matrice « atouts/attraits » de nos amis de McKinsey, ou encore leur grille de lecture intitulée « les 7-S » une structure d'analyse de l'organisation en 6 activités interdépendantes : structure (structure), systems (systèmes), style (style), staff (personnel), strategy (stratégie), skills (compétences), et qui évoluent en interaction avec un système : shared values (valeurs communes), et qui déterminent le succès d'une stratégie. Ces modèles n’atteignent-ils pas leurs limites dans ce monde en révolution ?

  • Exemple concret

Dans ces modèles d’organisation, on descend parfois très bas pour justifier telle ou telle orientation. Ainsi en est-il de la présence des femmes. Pour McKinsey, c’est la clef du succès. Selon ces brillants experts, les entreprises seraient plus performantes lorsque leur représentation s’accroît de façon importante, notamment dans les conseils de direction.
Nous pensons bien sur que les femmes doivent avoir toute leur place dans les organisations du plus bas au plus haut niveau, mais à parité…

  • Fabriquer des services (comme aujourd’hui la distribution), où seules les femmes ont droit de cité, est une hérésie. C’est la diversité qui nous fera gagner, pas l’uniformité.


Nous portons, nous, sur le plan social cette image de la diversité, notre représentation syndicale est équilibrée, nous sommes le syndicat le plus féminisé de Canal+ et l’on ne pourra pas nous faire le procès en retour du mâle dominant.

Mais nous savons aussi que les clefs de la réussite passent par la diversité : diversité des sexes, diversité des âges, diversité des formations, diversité des origines…

  • À Canal+, aujourd’hui, à la distribution, il n’y a plus qu’un seul modèle : le BAC+ 5 x2, ex-consultants, triplement diplômé de grandes écoles et de sexe féminin.

On commence à comprendre les ravages que cela produit en se baladant dans certains couloirs. Inepties de la soi-disant modernité, de l’air du temps…

  • Les nouveaux traders de l’organisation ?

Des jugements et des décisions sans conséquence pour McKinsey. Ou plutôt, l’assurance de revenir dans un an ou deux, sûrs qu’ils seront de combler les lacunes qu’ils auront mises à jour sans les traiter.

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