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17 / 10 / 2017 | 1 vue
Didier Cozin / Membre
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Le CPF rapporté par l'IGAS : marginalisation et ruine de la formation

Le 11 octobre dernier, l'IGAS a diffusé un rapport intitulé « Bilan d'étape du déploiement du CPF ». Ce bilan de plus de 200 pages décrit dans le détail le chantier insensé dans lequel les pouvoirs publics se sont lancés en 2014 : compter les heures et piloter la formation de 18 millions de salariés du privé (désormais de tous les actifs, soit 30 millions de personnes) d'une façon centralisée, bureaucratique et planifiée.

Trois chiffres pour résumer ce bilan consternant (décevant selon les mots de l'IGAS)

  • Moins de 1% des salariés auront utilisé leur CPF en 2016 (175 000 CPF pour 18 millions de comptes au total).
  • Moins de 100 entreprises en France (sur un total de plus de 3 millions) ont conclu un accord d'entreprise pour internaliser la gestion et la réalisation du CPF (alors qu'il avait été « vendu » par le MEDEF comme une revitalisation de la formation en entreprise).
  • 800 millions d'euros sont « disponibles » (salaires compris) pour former 18 millions de personnes.

La réforme de la formation a sinistré la formation en entreprise en désengageant les employeurs.

Après la crise de 2008, l'effort de formation de notre pays a fortement chuté (la formation est la première variable d'ajustement sociale du pays) et, profitant de ce blocage de la formation, le MEDEF aura souhaité botter en touche en démantelant un droit à la formation (DIF) jamais sincèrement mis en œuvre pour promouvoir un invraisemblable (et au final incapable) réceptacle d'heures de formation, le CPF.

Les systèmes de « miles » ou de cartes de fidélité, adaptés aux voyages en avion ou à la consommation en supermarché, ne le sont pas du tout aux apprentissages Le CPF renforce la tendance française à l'immobilisme social et professionnel.

En sanctuarisant des heures de formation sur un compteur, les pouvoirs publics ont pris le risque de renforcer cette tendance des Français à épargner, à thésauriser et à se sentir en sécurité avec un matelas de formation supposé les protéger des coups durs.

Si l'épargne financière (de précaution) peut se concevoir dans un pays où les retraites ne sont nullement assurées à l'avenir (le COR repoussant sans cesse l'équilibre des régimes de retraites) en matière de formation, la thésaurisation d'heures est une stupidité sans nom pour au moins trois raisons.

  • On n'apprend pas ou on ne se forme pas quand on a suffisamment d'heures mais d'abord quand on en a besoin et les systèmes de « miles » ou de cartes de fidélité, adaptés aux voyages en avion ou à la consommation en supermarché, ne le sont pas du tout aux apprentissages (qui ne se stockent pas) ?
  • La comptabilisation en heures de formation n'a plus guère d'intérêt à l'heure d'internet et des parcours mêlant des modalités diverses de formation. Elle singe l'école (avec ses années d'enseignement) alors que la formation des travailleurs est d'abord un état d'esprit et une quête de sens et de connaissances partagés.
  • Dans la société de la connaissance, le stage classique perd de son importance, la formation cède le pas à l'apprenance, la capacité d'une organisation à apprendre avec et de ses membres (y compris les sous-traitants et les clients).

Prétendre strictement comptabiliser la formation comme un temps institutionnel encadré par des listes de formations certifiantes, avec une lourde et complexe organisation comme le prétendait le CPF, c'était à coup sûr tuer l'effort de formation des entreprises.

Pire encore, ce CPF parfaitement inconstruit et mal formulé voit arriver depuis cette année 6 millions de fonctionnaires (sans OPCA, ni financement spécifique) les travailleurs indépendants (à partir de 2018), les chômeurs et les candidats au permis de conduire.

Pour développer, la formation il faut désormais la libérer.

Pour leur nouvelle réforme de la formation, les pouvoirs publics ont désormais le choix entre une tentative (vaine, selon nous) de rafistolage de l'existant : un CPF marginal et démuni financièrement qui ne passera jamais de 1 % de réalisations à 50 ou 70 % (le dispositif est mal conçu dès l'origine, sa construction viciée et, selon l'IGAS, il risque de s'éteindre à petit feu) ou bien une remise à plat de nos apprentissages avec notamment :

  • une formation payée chaque année par l'employeur et par son salarié (ce dernier est le premier bénéficiaire de sa formation) ;
  • une formation réalisée sur le temps libéré par les 35 heures (il faudrait se former 10 % de son temps pour travailler au XXIème siècle, soit l'équivalent de la réduction du temps de travail) ;
  • une formation totalement ouverte et libérée de ses contraintes horaires, fiscales et règlementaires : chacun doit pouvoir apprendre comme bon lui semble, sur le rythme et les contenus qui lui sont propres, sans que les partenaires sociaux, les branches professionnelles ou l'État n'interviennent avec leurs gros sabots et leur méconnaissance du travail et des besoins des travailleurs. 

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