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Le charme des licenciements économiques continue d'opérer...
Quand on dit que « le charme a opéré », cela signifie que quelque chose ou quelqu’un a produit un effet pour le moins efficace eu égard à la finalité poursuivie. Appliquée aux licenciements pour motif économique, cette expression retranscrit l’effet de mode des plans sociaux qui tombent tels « des coups de foudre » mais souvent avec le ressentiment des salariés…
Il convient ici de rappeler que comme tout licenciement, le licenciement pour motif économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il doit ainsi réunir trois éléments essentiels :
- un élément matériel (suppression d'emploi, transformation d'emploi ou modification du contrat de travail),
- un élément causal (difficultés économiques ou mutations technologiques),
- un lien de causalité (soit l'impossibilité de reclasser le salarié).
Suppression ou transformation d’emploi, modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail doivent être causées par des difficultés économiques, des mutations technologiques, la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Dès lors, ceci est à distinguer de la simple recherche de bénéfices ou de la cessation d’activité de l’entreprise.
Cela pose alors le problème récurrent de la conciliation entre deux grands principes du droit : la liberté d'entreprendre et le droit à conserver son emploi.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité de vendeuse par un exploitant d’un fonds de commerce de tabac-presse puis avait licenciée pour motif économique neuf ans plus tard.
L'employeur faisait grief à l'arrêt de la Cour d’appel de Colmar d’avoir écarté la cause réelle et sérieuse du licenciement de la salariée et de l’avoir condamné au paiement de dommages et intérêts.
Pour sa défense, il arguait du fait que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Or, les juges du fond avaient exclu l'existence de difficultés économiques suffisamment sérieuses et durables en relevant que celles-ci ne peuvent résulter de la réalisation de bénéfices moindres pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Quid juris : Que faut-il entendre par « difficultés économiques » ?
L'entreprise doit-elle être au bord de la faillite ou peut-elle opter pour des licenciements préventifs, destinés à éviter la liquidation ?
Quels actes destinés à sauvegarder la compétitivité peuvent être tolérés au regard du droit du travail ?
Autrement dit, dans quelle mesure les difficultés économiques constituent-elles une cause réelle et sérieuse de licenciement ?
Il faut savoir que la jurisprudence considère qu'il y a des difficultés économiques dans divers cas : cessation des paiements, redressement judiciaire, résultats déficitaires...
En l’espèce, d’après l’employeur, il appartenait aux juridictions saisies du litige de rechercher si la baisse continue du chiffre d'affaires sur plusieurs exercices successifs n'était pas en elle-même de nature à mettre en péril la survie de l'entreprise.
En l’occurrence, la Cour d'appel de Colmar avait constaté que le résultat de l'entreprise était fluctuant les deux dernières années qui précédaient le licenciement économique, tout en restant bénéficiaire.
- Aussi, pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, les juges ont rappelé que la seule réalisation de bénéfices moindres l'année précédant le licenciement était insuffisante à établir les difficultés économiques alléguées. Le pourvoi en cassation a donc été rejeté et l’employeur condamné aux dépens.
En conclusion, on peut dire que la tentation est forte pour les entreprises de ne pas succomber facilement à la séduction des licenciements pour motifs économiques. D’abord parce qu’ils se prêtent facilement à la conjoncture morose et aussi parce qu’ils sont devenus plus malléables… Plus besoin de « mettre le paquet » pour appâter les salariés, la crise justifie les moyens.
Poussée à son extrême, cette manière de penser est aux antipodes de la jurisprudence sociale qui se fait « Cupidon » pour bloquer les licenciements économiques en flèches. Le mot d’ordre adressé aux entreprises reste donc de pouvoir justifier de l'existence de difficultés économiques suffisamment sérieuses et durables et l'environnement actuel plutôt capricieux ne constitue pas une raison suffisante.
Sources :
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 avril 2015, n° 14-10.551, inédit.
Cour d’appel de Colmar, 14 novembre 2013.
Articles L. 233-3 et L. 235-1 du code du travail.