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La Poste: la transformation de l'établissement public en Société Anonyme se confirme
Le gouvernement attendait l’heure H. Passé les échéances politiques, la réalité réapparaît: cap sur le rentable et service public au rabais, sauf pour les gros clients qui auront droit à un service sur mesure. Depuis des années, La Poste était promise à un sort qui avançait de moins en moins masqué. Hésitant, le Gouvernement a donc attendu le moment opportun pour sauter le pas à quelques jours de l’été et le compte à rebours est désormais commencé: le projet de loi organisant la transformation de l'Etablissement Public de La Poste en Société Anonyme ,à compter du 1er janvier 2010, devrait être examiné en Conseil des Ministres le 27 juillet.
Cette information présentée comme une "possibilité" par son P-DG, M. Jean-Paul Bailly, qui avait déclaré être étudiée par ses services, en juillet de l’an dernier) a bien été confirmée par le secrétaire d'État à l'Industrie, M. Luc Chatel lundi 15 juin à l'occasion d'une réunion qu'il avait programmée avec les anciens membres de commission Ailleret sur l'Avenir de La Poste.
- En 1990, la loi Quilès lance le saucissonnage, créant deux entités, France-Télécom et La Poste, qui profite de son nouveau statut pour multiplier les emplois précaires.
- En 1994, l’accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et son volet sur la libéralisation des services, l’accord général sur le commerce des services (AGCS), veulent rendre la tendance irréversible.
- Le 1 er janvier 2006, la Banque Postale, est lancée sous forme de société anonyme. Une longue marche entreprise malgré les déboires suédois et britanniques ainsi que les excès néerlandais et allemands, avec réduction d’effectifs, suremploi de précaires, y compris d’enfants de 13 ans outre-Rhin, par TNT, le géant privé des Pays-Bas.
Sauf pour les gros comptes, partout on a constaté des tarifs en hausse et un «service universel» à la baisse, ce dernier n’étant pourtant déjà qu’une version anorexique du service public.
Depuis quelques années, en ordre de bataille pour être privatisée, la Poste lève donc de nouveau un pan de voile en forme de peau de chagrin.
Début juin, un journal économique a révélé que pour économiser, La Poste envisageait de livrer le courrier en 2 jours au lieu d'un, une mesure qui serait prévue pour 2011, année de l'ouverture totale à la concurrence du secteur postal. «Absolument pas à l'ordre du jour» a assuré le secrétaire d'État à l'Industrie.
En novembre dernier, un conseiller spécial présidentiel, M. Henri Guaino, avait déclaré que l’ouverture du capital de la Poste n’était pas d’actualité pour l’instant, avant de préciser un peu plus tard: «rien n'est changé, le projet est à l'étude».
- Et quand M. Chatel assure qu’il «n'est pas question de renoncer au J+1», la question est de savoir pour qui et à quel prix.
C'est dire si les inquiétudes sont vives dans les services et Jacques Lemercier, Secrétaire Général de FO Communication, présent à la réunion avec le secrétaire d'Etat considère que le texte présenté à cette occasion ne diffère pas sur le fond de la mouture qui avait filtré en début d'année. Avant analyse plus fouillée, pour lui, deux éléments essentiels doivent être retenus :
- Contrairement à l'engagement pris par le président de la République le 19 décembre 2008, l'Etat s'ouvre la possibilité de sortir du capital de la future société anonyme. En effet, si on suit la lettre du texte, des « personnes morales appartenant au secteur public » pourront à terme détenir la totalité du capital. FO Communication rappelle qu'il y a, dans le secteur public, des entreprises ou les actionnaires privés jouent un rôle important. La privatisation juridique de La Poste est donc le prélude à sa privatisation économique ;
- La pierre de touche de l'avenir de La Poste, c'est le financement de ses missions de service public. N'oublions pas que La Poste assume seule, chaque année, près d'un milliard du coût des dites missions (transport de la presse, accessibilité bancaire, aménagement du territoire, service universel). Or les promesses élyséennes ne sont guère tenues : un système de financement « pérenne » était annoncé. Il est purement et simplement oublié dans le projet de loi...
Ainsi, sur les deux points clés de la composition du capital et du financement du service public, ce sont les silences et les ambigüités qui dominent.
Au moment où, partout en Europe, le nombre et la qualité des emplois de postiers s'effondrent; alors que les apôtres des postes privatisées, comme la Deutsche Post, se replient sur leur pré carré et renoncent à l'activité courrier à l'étranger, il est étonnant que La Poste, fragilisée par la situation économique et des choix stratégiques discutables, justifie le changement de statut par le développement à l'international.
Pour FO Communication le combat pour la défense et la modernisation du service public postal doit continuer, dans l'entreprise comme auprès des citoyens.