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06 / 10 / 2025 | 21 vues
Pierre Bauby / Membre
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De quel Etat avons-nous besoin?... La pensée de Peter Thiel ( et Curtis Yarvin)

Après mes réflexions sur la pensée développée par Friedrich Hayek (économiste et philosophe austro-britannique, un des penseurs les plus importants du libéralisme au XXᵉsiècle; nous nous sommes livrés avec Alain de Toledo (docteur es Sciences économiques, chercheur) à l'analyse des théories pronées par Peter Thiel ..et Curtis Yarvin ... toujours d'actualité...

 

Pourquoi étudier la « pensée Peter Thiel » ?
 

Peter Thiel apparaît être au cœur de la galaxie du Trumpisme 2025, un des penseurs et idéologues qui ont contribué à cimenter l’alliance qui a fédéré au nom de « LA LIBERTE », d’une part la droite traditionnaliste évangélique et anti-avortement, dont le discours de Vance à Munich a été le symbole, d’autre part les leaders de la high tech voulant s'affranchir de toutes contraintes réglementaires, plus largement les « libertariens » de toutes obédiences, sans oublier le lobby militaro-industriel.


Même s’il y a des continuités par rapport à Hayek, sa pensée ne peut plus se résumer au « néo-libéralisme » des années 1970… ! C’est en fait une vraie rupture.


Dès 2016, Thiel a pris parti pour Donald Trump, spécimen quasi unique à l’époque parmi ses pairs. Il a figuré dans l’équipe de transition du nouveau président. Rapidement, il a pris ses distances et il est revenu à San Francisco, non sans avoir placé quelques amis dans l’administration à Washington. Ila été depuis au centre de tout le mouvement intellectuel des nationaux-conservateurs avec en particulier Curtis Yarvin.


Peter Thiel est né en Allemagne en 1967 avant de suivre ses parents en Afrique du Sud et en Namibie. Il a aujourd’hui trois nationalités (américaine, allemande et néo-zélandaise). Il n’a pas fait d’études techniques ou économiques, mais philosophiques et juridiques à Stanford sous l’égide en particulier de René Girard.


Il est devenu milliardaire après avoir co-crééen 2000 PayPal – déjà dans l’idée de s’émanciper de toutes les régulations monétaires[1] -, investi dans Facebook, SpaceX,Airbnb et Linkedin. En 2003, il fonde Palantir, entreprise spécialisée dans l’analyse des données, la sécurité et le renseignement.Palentir investit actuellement massivement dans l’IA à destination militaire, notamment dans le spatial avec pour but affiché de rester en avance sur la Chine.


Peter Thiel estencore peu connu et étudié ; il existepeu de traductions en français (un livre et récemment le site Grand Continent fait œuvre de salut public en recensant et traduisant) ; sa pensée estcomplexe et va du management des start-ups aux réflexions sur les apports de René Girard … en passant par le libertarisme, l’apocalypse ou l’Antéchrist, le transhumanisme[2] ou la cryogénisation.Ainsi, Peter Thiel évoque régulièrement l’Apocalypse en parlant de la connaissance et des choses cachées depuis l’origine du monde — un thème girardien.


Une idée fixe guide les réflexions de Peter Thiel depuis vingt ans : nous vivons une crise de l’avenir[3] : « Nous avons marché sur la lune en juillet 1969. Woodstock a commencé trois semaines plus tard. Avec le recul, c’est à ce moment-là que le progrès s’est arrêté et que les hippies ont gagné. »Et il précise : « Sur le continent européen, par exemple : « l’avenir est une idée d’un futur qui semble différent du présent : les trois seules options proposées en Europe sont l’écologie, la charia et l’État communiste totalitaire. »

 

Le fondement de ses propos est la LIBERTE[1], en particulier individuelle : « la liberté authentique des hommes est une condition nécessaire au bien suprême. Je m’oppose aux impôts confiscatoires, aux collectifs totalitaires et à l’idéologie selon laquelle chaque individu devrait inévitablement mourir » (L’éducation d’un libertarien, 2009).


Peter Thiel est un anticonformiste. Il ne suit personne, pas même sur Twitter. Il a une pensée fondamentalement binaire, en noir et blanc, et est marqué par un profond pessimisme, en particulier quant à l’avenir des USA… S’il a joué unrôle essentiel dans la construction idéologique de l’alliance Trump 2025, il en connaît les contradictions et fragilités[2].


Nous nous en tenons ici aux enjeux qui concernent la conception, la place, le rôle de Etat – de quel Etat rêve t-il ? -, à partir de 4 citations clés.

 

1/ « Le capitalisme et la concurrence sont incompatibles »


Peter Thiel a publié De zéro à un,Comment construire le futur(JC Lattès, 2016) – seul ouvrage traduit à ce jour en français - à partir de cours donnés à Stanford. Il y analyse sa propre expérience, de même que celle des Bill Gates, Sergueï Brin, Mark Zuckerberg ou Elon Musk, pour avancer que leurs succès ne proviennent pas directement du simple jeu de la concurrence, mais d’innovations qui n'arrivent qu'une fois, mais qui à chaque fois font passer de zéro à un, alors que si l’on copie un modèle déjà connu en y ajoutant un élément, on ne peut passer que de 1 à n. C’est ce qui permet d’avoir le monopole, qui est l’optimum du capitalisme.Peter Thiel précisait dès son dialogue de 2014 avec le philosophe Pierre Manent que la « possibilité d’acquérir des monopoles » est « l’une des incitations à l’innovation les plus puissantes ». Et il ajoute :« Les marchés concurrentiels sont destructeurs de profits ».


« Comment créer de la valeur en ce monde, construire le futur ? Certes, il est plus simple de copier un modèle que d'inventer. Si vous copiez, c'est que vous n'avez rien à offrir de mieux. Quelle vérité êtes-vous seul à posséder, quelle est la société que personne ne construit ? La compétition et le capitalisme sont à l'opposé... ».


Tout en reconnaissant qu’il y a une différence entre un monopole naturel dynamique qui crée du neuf, et un monopole statique qui se contente d’extraire de la rente, comme auparavant dans le courrier ou la téléphonie, Peter Thiel le dit souvent : « la concurrence, c’est pour les loosers ».


En apparence, cette thèse ne fait que prendre acte de la logique profonde du système capitaliste : chaque acteur économique proclame sa référence indéfectible aux vertus du marché et de la concurrence, alors qu’il n’a comme seul but que de s’en extraire pour disposer de rentes qu’elles soient technologiques, informationnelles, organisationnelles ou légales[3].


Il précise aujourd’hui[4] « La position par défaut [dans la Silicon Valley] était d’être libéral et la question était toujours : si le libéralisme ne fonctionne pas, que faire ? Et année après année, la réponse était : il faut en faire plus. Si quelque chose ne fonctionne pas, il suffit d’en faire plus. On augmente la dose, encore et encore, on dépense des centaines de millions de dollars, on devient complètement woke et tout le monde vous déteste. Et à un moment donné, on se dit : d’accord, peut-être que ça ne marche pas. »

*

Il y a là de quoi réexaminer la thèse classique qui assimile capitalisme et concurrence et qui amène à faire de celle-ci le cœur de cible de tout combat émancipateur. La cible ne serait-elle pas davantage les rentes de monopoles, qui freinent les innovations ?

 

2/ « Nous sommes engagés dans une course mortelle entre la politique et la technologie »


Dans L’éducation d’un libertarien (2009), Peter Thiel expliquait ne plus croire désormais que « la politique contienne tous les futurs possibles de notre monde » et désavouait déjà la politique électorale en tant que moyen de réformer la société. Il estime aujourd’hui que « la grande tâche des libertariens est de trouver un moyen pour échapper à la politique sous toutes ses formes ». D’où ses efforts et ses espoirs placés dans les nouvelles technologies, qu’il pense capables de « créer de nouveaux espaces pour la liberté » :


« Nous voyons décroître la capacité des Etats à réaliser de grandes choses. Mais nous ne parvenons pas à imaginer ce qui pourrait les remplacer. C’est ce qui m’intéresse dans le libertarisme, cette idée qu’on peut échapper à la politique. »


Déjà à Stanford, il avait lancé en 1987 une revue professant que le multiculturalisme affaiblit l’excellence académique. David O. Sacks et Peter Thiel se prononçaient contre la politique de la diversité culturelle sur les campus,The Diversity Myth: Multiculturalism and PoliticalIntolerance on Campus,‎ Independent Institute, 1999. A une époque où la Valley est acquise sans réserve au libéralisme culturel, cette prise de position avait fait scandale. Et Peter Thiel déplorait la culture « d’intolérance » de la Silicon Valley, devenue la vallée du « parti unique », le Parti démocrate et ses progressistes, partisans de quotas pour les femmes et les minorités.


Peter Thiel pense qu’il y a péril dans cette absence de diversité idéologique. Qu’elle risque d’étouffer l’innovation et la créativité « disruptrice » qui ont fait la fortune de la Vallée. Lui voit le clivage idéologico-technologique de demain. D’un côté, il y aura les « centralisateurs » partisans de l’intelligence artificielle (IA) contre les « décentralisateurs », adeptes du cryptage et des bitcoins.


La solution pour « trouver une échappatoire à la politique sous toutes ses formes » ? Investir de nouveaux espaces de liberté personnelle


Pour Peter Thiel, l’intelligence artificielle participe du « big government ». Grâce au big data, le gouvernement – ou Google – « contrôle toutes les données » et peut prédire les comportements. Au contraire, la blockchain permet des transactions cryptées et décentralisées, au-delà du contrôle des entités centrales. Dans la Silicon Valley, on ne sera bientôt plus républicain ou démocrate, mais « crypto » ou « IA ».


Intelligence artificielle contre bitcoin[1] sera le clivage idéologique de demain, expliquait-il lors d’un débat à Stanford en janvier 2018. D’un côté, les « centralisateurs », partisans de l’intelligence artificielle, du big government, du contrôle des données – et de Google. De l’autre, les « décentralisateurs » : les adeptes de la blockchain qui permet des transactions cryptées, au-delà du contrôle des entités centrales. « Crypto, c’est libertarien. L’intelligence artificielle, c’est communiste », lançait-il. Lui est résolument du côté des cryptomonnaies.

*


Avec son esprit binaire, Peter Thiel et ses émules veulent que l’on choisisse entre l’IA et les cryptomonnaies, alors que l’émancipation individuelle et collective implique de maîtriser ET l’IA ET les cryptomonnaies…

 

3/ « La liberté et la démocratie ne sont pas compatibles » ;« le peuple n’est pas digne de confiance pour les décisions importantes »


« Je ne crois plus que la liberté et la démocratie sont compatibles,la pression du public en faveur de l’intervention de l’Etat étant trop grande. »

 

Car le peuple n’est pas digne de confiance pour les décisions importantes. Encore moins« depuis 1920 et que l’augmentation considérable du nombre de bénéficiaires de l’aide sociale et l’extension du droit de vote aux femmes ont transformé la notion de “démocratie capitaliste” en oxymore. ».


Il affirme même que « les valeurs démocratiques sont des poids qui freinent les USA dans la course à la réussite, à l’efficacité et à l’enrichissement ».


Certains en arrivent à proposer de fonder des communautés ou des territoires qui ne soient délimitées par les Etats-nations historiques ou plaider pour un régime monarchique, dans lequel un PDG gouvernerait les Etats-Unis à la manière d’une entreprise.*

En fait, la démocratie ne se limite pas au vote, mais présuppose les conditions de la liberté d’expression des besoins, attentes et aspirations, le débat public des options, les retours d’expériences, les évaluations et les contrôles…

 

4/ « Le pouvoir d’Etat n’est l’ennemi que s’il favorise l’égalité et enraye la loi de la force et du marché » 


Peter Thiel demande de purger l’Etat de ses agences de régulation du marché, mais veut restaurer l’ordre public, les inégalités naturelles entre les individus et les valeurs traditionnelles. Ainsi, « le pouvoir d’Etat n’est l’ennemi que s’il favorise l’égalité et enraye la loi de la force et du marché ». Peter Thiel théorise un régime fondé sur le pouvoir de quelques-uns – des hommes, riches entrepreneurs, de préférence – exaltant le progrès, la technologie, l’individu roi.


Elon Musk et Peter Thiel sont ainsi les heureux bénéficiaires de lucratifs contrats publics et ne rêvent que de réinventer le complexe militaro-industriel. En réalité, comme l’explique clairement le très influent activiste numérique proche de Peter Thiel, Curtis Yarvin, le problème n’est pas tant l’Etat que la démocratie.


Dans De zéro à unPeter Thiel avance que « la monarchie est le meilleur des régimes ».


« La bureaucratie est l’ennemi général ; il faut gérer l’Etat comme une entreprise »


Pour Peter Thiel, c’est à cause de la régulation, qui n’a cessé de se renforcer ces dernières années et du système éducatif, devenu trop conformiste que l’innovation est entravée.

 

En fait, à la différence de Hayek qui mettait en cause l’Etat dans toutes ses dimensions sauf régaliennes, Peter Thiel, avec son esprit binaire,opère une complète dissociation[1] entre d’un côté un Etat fort, puissant et renforcé pour tout ce qui relève de la sécurité intérieure et extérieure, de la souveraineté, des relations internationales « greatagain ») – ce qui pourrait bien être l’« Etat profond » ou l‘Etat impérial rêvé - et de l’autre l’Etat réglementateur, normalisateur, régulateur, « providence », solidaire, de cohésion, social, …,qui doit dans tous ces domaines,« laisser faire » et « laisser passer » LA LIBERTE des acteurs (winners).


Ni Hayek, ni Peter Thiel ne donnent les pistes pour définir et mettre en œuvre une feuille de route permettant d’expérimenter les autorités publiques dont nous avons besoin.

 

Annexe : Curtis Yarvin et les « Lumières obscures »
 

La pensée Peter Thiel amène à s’intéresser à celle d’un autre idéologue du Trumpisme 2025, Curtis Yarvin. Celui-ci est convaincu d'appartenir à une caste à l'esprit supérieur, dont les projets seraient contrecarrés par l'Etat, les taxes, les régulations et la redistribution, finalement par la nature même de la démocratie.


A la différence de Peter Thiel, il n’est pas milliardaire et n’a pas de responsabilités managériales, mais il s’est imposé comme ingénieur-blogueur, qui a développé en particulier le mouvement des « Lumières obscures »(« DarkEnlightenment ») et le concept de « Cathédrale ». Il se définit comme porteur d’une contre-culture « néoréactionnaire » qui vise à en finir avec l’idée démocratique. Il se propose  de construire une nouvelle idéologie dépassant le libertarianisme.


En avril 2007, Curtis Yarvin lance son blog UnqualifiedReservations sous le pseudo Mencius Moldbug. Dans son premier texte, « A FormalistManifesto », il se présente comme un libertarien déçu : son idée, qui vise la limitation ou la disparition de l’État au profit d’un libéralisme dérégulé, repose sur un fondement erroné, « l’apogée de la démocratie », alors que celle-ci est fondamentalement « inefficace et destructrice ». On retrouve ici une forte convergence avec son ami Peter Thiel.


A partir de 2012 sa démarche converge avec celle du britannique Nick Land, ancien philosophe de l’Université de Warwick, qui se proposait, pour mettre fin ou en tout cas pousser le capitalisme vers ses contradictions, d’en accélérer les logiques jusqu’à l’extrême et aux excès. De leurs échanges nait l’idée de « DarkEnlightenment », les Lumières sombres ou obscures. « Les Lumières nous ont sortis du conditionnement opéré par le catholicisme européen. Lorsque Louis XIV chasse de France les protestants, dont l’infestation était somme toute assez bénigne, il expose son pays à une épidémie d’athéisme. C’est alors qu’un scepticisme radical attaque les convictions les plus inébranlables de la société. »


L’élément fondamental de la pensée de Curtis Yarvin est la question de l’efficacité des systèmes politiques. Pour lui, un modèle politique est bon s’il parvient à éviter la violence, c’est-à-dire l’apparition de conflits dont l’issue est incertaine. Il analyse l’État américain comme une gigantesque entreprise complètement engluée dans son inefficacité. Parce que le personnel politique est enferré dans une mystique démocratique et dans une obsession de justice sociale, la politique américaine manque de cohérence. Personne ne sait vraiment qui est aux commandes, ni dans quel but.


La cathédrale


Curtis Yarvin est à l'origine du concept de la « cathédrale », cet édifice de pouvoir bâti par les universités, les médias et le reste de l'élite progressiste pour servir leurs propres intérêts au détriment du peuple. C’est « le cerveau de l’État ; leur rôle est de gouverner la nation à travers le peuple ». C’est l'ensemble des institutions sociales qui seraient noyautées par une pensée libérale et progressiste destinée, sous couvert de démocratie, à asservir le peuple.Comme il l’écrit dans son « Open Letter to Open-Minded Progressives » : « Les universités formulent les politiques publiques. La presse guide l’opinion publique. » La Cathédrale est « le véritable lieu du pouvoir dans la démocratie américaine ».


Dans la lutte entre cette oligarchie et la démocratie, la démocratie perd toujours. Non seulement l’opinion publique ne contrôle pas le régime, mais c’est le régime qui contrôle l’opinion publique.


Seules les entreprises à but lucratif sont indépendantes du gouvernement. Mais même celles-ci sont prises dans un réseau de réglementations et de surveillance médiatique qui les rend généralement dociles.


Les institutions essentielles de cette oligarchie se trouvent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’État officiel : les agences, les tribunaux et le Congrès à l’intérieur, les organisations à but non lucratif, la presse et les universités à l’extérieur. L’« État profond » est le corps du régime ; la « cathédrale » est son cerveau. Le réseau complexe de liens financiers et procéduraux entre le cerveau et le corps rend historiquement insignifiante la distinction symbolique entre « public » et « privé ».


La monarchie


Curtis Yarvinprésente les systèmes démocratiques comme des régimes pour les imbéciles, à la manière dont Peter Thiel définit la concurrence pour les loosers ; il appelle à la restauration du pouvoir des rois et prône l’avènement de « monarques PDG »[1]. Il avance l’idée que les Etats-Unis doivent être dirigés par un chef d’entreprise, un « techno-king ». « La monarchie, c’est l’autoritarisme : le principe de son pouvoir est le fait de commander. Elle fonctionne de manière pyramidale, de la même manière qu’une organisation a un chef ou un texte un auteur ».


Ainsi, il a développé l’idée de mettre à la retraite d'office tous les employés de l'administration fédérale afin de « redémarrer » le système. C’est la théorie Rage - « Retire All GovernmentEmployees », qui s'est incarnée en 2025 dans le Department of GovernmentEfficiency (Doge) d'Elon Musk.


Afin de régler le problème, Yarvin propose d’en finir avec l’idée démocratique et de restructurer le gouvernement sur le mode d’une entreprise souveraine. L'Amérique a besoin d'être gouvernée par un monarque, qui en finira avec une démocratie faible et corrompue. Ce roi-PDG gérera le pays comme une entreprise, sans tolérer la moindre contestation, pas même celle des juges.

 

« La monarchie est une forme politique extrêmement stable, contrairement à la démocratie. »


« L’État doit permettre à chaque individu de s’épanouir quelles que soient ses capacités. De ce point de vue, l’obsession de l’égalitarisme est néfaste. »


Selon lui, la « transition » vers la monarchie doit commencer par une mise à bas de la Cathédrale. Il prône la destruction de l'ordre établi libéral et l'établissement, aux Etats-Unis, d'une monarchie, dirigée par un roi-PDG.


Avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, s'il a d'abord été agréablement surpris par l'agressivité du nouveau président[2], Curtis Yarvin est resté sur sa faim. « Ce que les cent premiers jours de Trump ont montré, c'est que, s'il avait eu un plan, il aurait pu entrer dans l'Etat profond et dans la cathédrale comme un couteau dans le beurre. Faute de quoi, il a juste tapé dans la motte avec un gant de boxe, et mis du beurre partout ».Curtis Yarvin cite volontiers Saint-Just : « Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. »


Il en vient aujourd’hui à dire que si le nouveau président « a des idées qui sont proches » des siennes, il regrette que celui-ci reste un président limité par l'équilibre des pouvoirs et n'agisse pas en vrai patron. Donald Trump « n'a vraiment pas le pouvoir absolu sur la branche exécutive. Il a peut-être lutté intensément pour ce pouvoir, mais on a le sentiment qu'il a renoncé ».


Pour Curtis Yarvin, en six mois à la Maison-Blanche, Trump a ralenti. Il faut accélérer ; il est temps de convertir la révolte en révolution pour parachever la transformation monarchique des États-Unis — quitte à aller au coup d’Etat, comme cela a été tenté le 6 janvier 2021. Il semble exceller à dire tout haut ce que d’autres préparent…


Finalement, Curtis Yarvin en vient à vouloir dissoudre le politique dans une ingénierie économique autoritaire (il loue à ce titre, la prospérité et l'« absence de politique » qu’il voyait à Singapour, à Dubaï et à Hong-Kong)[3].


Il est vraiment temps de Rallumer les Lumières !!!

 

[1] « La vision qui a présidé à la fondation de Paypal reposait sur la création d’une nouvelle monnaie mondiale, à l’abri de toutes les formes de dilution ou de contrôle gouvernemental » (L’éducation d’un libertarien, 2009).

[2] Les libertariens, transhumanistes investissent massivement dans les biotechnologies avec l’espoir de faire reculer la mort.

[3] Interview au New York Times, 26 juin 2025.

[4] Il y a eu une grande confusion faisant croire que dans le mot libertarien il y avait liberté. Les libertariens sont pour le monopole et notamment celui d’une petite élite qui pourra se payer les médicaments nécessaires pour une vie éternelle. Pas d’avenir pour les autres.

[5] Dont les avatars d’Elon Musk avec le DOGE (Département de l’efficacité gouvernementale) sont révélateurs.

[6]Déjà Marx disait que la concurrence aboutissait au monopole

[7] Interview au New York Times, 26 juin 2025.

[8] Dans les faits ce n’est pas incompatible. L’IA permet aux élites de contrôler les autres et les cryptos leur permet d’échapper à tout contrôle.

[9]Le Monde publie des informations, analyses et enquêtes fort utiles et pertinentes, mais peut proposer des pistes erronées ; c’est ainsi que dans son édition du 24 juillet 2025 il consacre 2 pages à Peter Thiel sous le titre unilatéral « Derrière Peter Thiel, la tech contre l’Etat ».

[10] Avant les élections de novembre 2024 Trump avait déclaré « amis chrétiens, votez cette fois-ci vous n’aurez plus jamais besoin de voter » !

[11] C’est Curtis Yarvin qui a proposé de faire de Gaza une ville entreprise vidée de ses habitants avec ses hôtels de luxe, sa cryptomonnaie, une sorte de riviera du Moyen-Orient, projet repris par le promoteur Donald Trump.

[12] C’est exactement ce qu’Adam Smith dénonçait en souhaitant la concurrence contre les monopoles et surtout les monopoles « économiques » se mêlant de politique.

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