Organisations
La formation, une monnaie de singe en France
Fin mars 2017, une nouvelle convention UNEDIC a été conclue entre le MEDEF et les organisations syndicales ouvrières, les seniors de 50 à 55 ans n'auront plus droit à 3 années d'indemnité de chômage mais sont royalement gratifiés de 500 heures virtuelles de formation.
La formation en France est devenue une facilité de langage et un message qui tient plus du massage (cf Marshall Mac Luhan) que de la réalité.
Dans notre pays, les hommes ouvriers se forment en moyenne 6 heures par an (les femmes environ le double) selon l'INSEE (soit 1 minute par jour) alors que pour espérer rester employable il faudrait y consacrer environ 10 % de son temps travaillé (soit 150 heures par an au moins).
Le compte personnel de formation, trouvaille paritaire de 2013, est condamné.
Non seulement il n'aura servi en 2013 que de monnaie d'échange lors de négociations interprofessionnelles sur la « sécurisation de l'emploi » mais ce malheureux CPF (financé à hauteur de 40 euros par an et par personne, seulement dans les entreprises de plus de 11 salariés) s'est transformé en baudet que chacun charge à sa guise depuis son extraordinaire naissance dans la loi du 5 mars 2014.
Des formations pour salariés devenues inaccessibles par la grâce de la certification
Le CPF a réussi l'exploit de diviser par 8 le nombre de DIF qui préexistaient, à compliquer et rendre aléatoire tout départ en formation (des quelques impétrants qui s'y risquent encore) :
- il est désormais doté de 48 heures par année pour les salariés sans qualification (qui risquent une forte amende en cas de fausse déclaration sur leur niveau d'éducation) ;
- il permettrait aussi de passer son permis de conduire (véhicule léger mais pas poids lourd depuis mars 2017 !) ;
- il permet de réaliser des bilans de compétences (mais celui-ci est miné par son arrêt pendant deux ans en 2015 et 2016 du fait que le législateur l'avait oublié ;
- il permet de se former à la création d'entreprise ;
- et il est désormais « abondé » de 500 heures (au bas mot un capital fantôme de 10 000 euros par personne) pour former les chômeurs senior de 50 à 55 ans (mais pas au delà).
Le CPA arrive dans la foulée alors que personne ne parvient à mettre le CPF en œuvre.
Pour embrouiller encore un peu plus le dispositif, le CPF est depuis janvier 2017 porté dans un autre compte (conte) le compte personnel d'activité (CPA) que le salarié doit lui aussi ouvrir via un merveilleux et nouveau portail internet conçu par la caisse des dépôts.
Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux multiplient les promesses de formation mais la réforme de 2014 a mis tout le secteur à terre :
- de nombreux organismes de formation ont dû cesser leur activité (c'était aussi l'un des objectifs de la « réforme » que de limiter le nombre d'organismes de formation car l'État souhaite tout contrôler et sanctionner en France) ;
- le secteur de la formation est aujourd'hui sinistré avec des budgets réduits de 30 % en moyenne, des services formation réduits à leur plus simple expression dans les entreprises et une déresponsabilisation généralisée des employeurs (« pour le développement de vos compétences aller voir sur le site moncompteformation »).
Peut-on être optimiste pour les pays où les compétences de la population active et des jeunes sont très faibles ?
Une étude économique de Natixis début avril (Flash Économie, Natixis, avril 2017 - 448) affirme qu'aucun rebond économique n'est envisageable en France (comme au Portugal, en Espagne ou en Italie) sans une forte et durable remontée du niveau éducatif des enfants comme des adultes.
Pour restaurer la formation, les faux-semblants seront inopérants.
Plusieurs mesures d'urgence devront être prises dès l'été 2017 pour un redémarrage possible de la formation en 2018 :
- abandon du système contre-productif de comptage et de stockage d'heures de formation (CPF, CPA, compte de pénibilité...) : la formation est une dynamique, on n'attend pas 5 ou 10 ans d'avoir des heures pour se former ; pire encore, la capitalisation d'heures (ou de monnaie) rend immobiles et passifs la plupart des travailleurs ;
- responsabilisation de tous les acteurs du travail sur le développement des compétences ;
- les salariés qui doivent se former sur le temps libéré par les 35 heures et financer en partie leur propre formation (on se forme d'abord pour soi) ;
- les employeurs qui doivent payer dès le premier salarié la formation de leurs employés sans attendre aides, subventions ou mutualisation (mensongère puisqu'un système assurantiel ne peut assurer des financements à tous) ;
- les pouvoirs publics qui doivent cesser de compliquer tous les dispositifs et ne plus considérer la formation comme un impôt ou une taxe mais comme un service classique sur un marché libre et concurrentiel.