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La comédie du compte personnel de formation pour les fonctionnaires
Fin septembre 2016, les pouvoirs publics ont décidé de mettre fin au DIF dans la fonction publique pour le 31 décembre 2016 et de la mise en place d'un CPF calqué sur le CPF du privé (qui ne fonctionne toujours pas depuis son lancement en 2015).
Le DIF dans la fonction publique de 2007 à 2016 : entre mascarade et comédie éducative
Si le DIF dans le secteur privé a plafonné entre 2005 et 2014 à 600 000 entrées en formation annuelles (soit 5 à 6 % de salariés) le DIF du public n'a jamais atteint 1 % des agents publics (10 fois moins dans certaines administrations comme l'Éducation nationale). Pourquoi et comment le successeur du DIF, un CPF improvisé, non financé et hyper-complexe, connaîtrait-il un meilleur sort ?
Le DIF n'a pas fonctionné dans la fonction publique pour trois sortes de raisons que personne ne souhaite analyser (et qui se reproduiront évidemment avec le CPF) :
1) l'absence de financements pour former les agents en dehors des formations statutaires. Les administrations n'ont jamais été dotées du moindre budget DIF pendant 9 ans. Le DIF est donc resté confidentiel, vain dispositif parce qu'il fallait environ 4 milliards d'euros chaque année pour le déployer (le tiers des sommes nécessaires à la généralisation du DIF dans le secteur privé comme l'avait calculé en 2008 la Cour des comptes) ;
2) le manque de volonté des administrations pour laisser partir en formation non statutaires des agents sur leur temps de travail (et l'impossibilité de leur payer des allocations de formation hors temps de travail) ;
3) la lourdeur et la complexité du fonctionnement du DIF dans les administrations puisqu'il était souvent exigé que les demandes de DIF soient faites en année n° 1 et donc portées au plan de formation 10 ou 18 mois avant la réalisation effective des formations (en contradiction avec l'esprit de ces formations courtes de 20 heures qui peuvent être réalisées au fil de l'eau, en fonction des opportunités et des besoins immédiats).
Les formations CPF cadrées par les partenaires sociaux ne correspondent pas aux besoins des fonctionnaires
À la différence du DIF, le CPF est strictement cadré (c'est bien pour cela qu'il handicape toutes les formations individuelles des salariés) avec des formations certifiantes ou diplomantes pouvant durer jusqu'à trois années d'études (le diplôme d'État d'ergothérapeute en 3 200 heures !).
Soit chacune des trois fonctions publiques produit d'ici le 31 décembre 2016 (il va falloir faire vite !) une liste limitative (et justifiable) des milliers de certifications et diplômes accessibles au CPF des fonctionnaires (avec pour ces derniers la possibilité de se former dans une autre fonction publique) soit on s'apprête à embrouiller les choses et l'impossibilité de former qui que ce soit pendant des années.
Bonus ou abondements pour les agents de catégorie C
Dans leur souci de paraître généreux (générosité très impécunieuse), les pouvoirs publics s'apprêtent à doter chaque agent de catégorie C (les moins qualifiés ou diplômés) d'un droit annuel à 48 heures de CPF (au lieu des 24 heures des autres fonctionnaires de catégorie A et B).
Dans la fonction publique territoriale par exemple, on va doter 80 % des agents (la proposition est de 80 % d'agents de catégorie C dans la plupart des mairies) d'un capital annuel d'heures de 48 heures (qui s'ajouteront aux 120 heures actuelles de DIF). Fort bien mais qui paiera ?
Il faudrait au moins 3 milliards d'euros pour généraliser le CPF parmi les fonctionnaires.
Octroyer de nouvelles heures virtuelles de formation sans être capable d'en payer ne serait-ce que 10 %, c'est à la fois irresponsable et totalement contre-productif.
En mars 2016, les deux rapporteurs de la loi du 5 mars 2014 (qui a institué le CPF) l'ont écrit sans ambage dans un rapport sur l'application de la réforme de la formation :
« À partir d’hypothèses retenant notamment une utilisation du CPF par 5 % des titulaires, soit la moyenne d’utilisation du droit individuel à la formation, et une durée moyenne de 150 heures par formation, une étude évalue à 6 milliards d’euros le coût annuel du CPF ».
S'il faut 6 milliards d'euros (le privé dispose actuellement de 800 millions !) pour modestement déployer le CPF des 16 millions de salariés du privé, il n'y a aucune raison pour que le tiers de cette somme (soit 2 milliards) ne soit pas nécessaire au CPF des fonctionnaires.
Pour former chaque année pendant les 6 prochaines années les 5,5 millions de fonctionnaires (+ le million de contractuels), il faudrait dégager 300 à 350 millions d'heures, soit une moyenne de 60 heures par personne, pour un coût annuel de 3 milliards d'euros au moins.
- Que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public, le CPF n'est ni financé ni provisionné.
On avait déjà créé un droit virtuel à la formation avec le DIF en 2004 (2007 pour le public), sans inscrire en face de ces heures la moindre somme pour le développer.
Sur une base moyenne de 40 euros par heure de formation (en 2008, la Cour des comptes estimait le coût d'une heure de DIF, rémunération comprise, à 42 euros par heure), le pays se présente donc avec des milliards d'euros de droit à la formation non provisionnés, non financés et non finançables :
- les salariés du privé ont accumulé un milliard d'heures de DIF pour un coût total de 40 milliards d'euros non provisionnés ;
- les salariés du public, eux, ont accumulé 600 millions d'heures de DIF pour un coût total de 24 milliards d'euros environ.
Octroyer de nouvelles heures virtuelles de formation sans être capable d'en payer ne serait-ce que 10 %, c'est à la fois irresponsable et totalement contre-productif (et cela désespère ceux qui souhaitent sincèrement se former).
Règles de fonctionnement improvisées
Si le DIF des salariés du privé doit s'éteindre le 31 décembre 2020 (en fait, le 1er janvier 2021 pour des raisons de mauvaise rédaction de la loi), les salariés auront eu six années pour « consommer » le milliard d'heures de DIF qu'ils avaient capitalisé depuis 2004.
En 2015, moins d'un million de ces anciennes heures de DIF ont été utilisées, soit 0,1 % des heures capitalisées par les salariés du privé !
À partir de 2017, soit les fonctionnaires perdront les 600 millions d'heures de DIF qu'ils ont eux-mêmes capitalisées depuis 2007 (à raison de 100 millions d'heures annuelles environ), soit l'État s'engagera à financer ces heures sur les six années à venir, comme dans le privé. Il faudrait alors financer chaque année :
- 100 millions d'heures de DIF par an,
- 150 millions de nouvelles heures de CPF,
- environ 100 millions d'heures supplémentaires de CPF pour le personnel de catégorie C (qu'on a généreusement doté de 48 heures par an).
Le CPF dans la fonction publique est une entourloupe. Cette promesse irréaliste et non financée de « formation universelle » ne doit pas faire illusion et les syndicats de fonctionnaires n'ont aucun intérêt à signer pour le CPF des fonctionnaires en fin d'année.
Quatre fédérations de fonctionnaires représentant plus de 50 % des voix ne signeront sans doute pas « l'accord CPF »: la CGT, la FSU, FO et solidaires.
Le compte personnel de formation ne fonctionnera pas plus dans le secteur public qu'il ne fonctionne dans le secteur privé. Le ministère du Travail fanfaronne tous les mois à propos des « dizaines de milliers » de formations réalisées en oubliant de dire que seules des formations courtes en anglais, informatique et sécurité étaient choisies par les salariés et leurs employeurs.
Le DIF disparaît pour les fonctionnaires mais apparaît pour les élus locaux.
En 2017, les 600 000 élus locaux vont pouvoir disposer d'un DIF de 20 heures annuelles (dont les thèmes de formation seront totalement libres) alors qu'en ce même mois de janvier 2017, les fonctionnaires constateront la disparition de leur DIF pour un improbable CPF.
Quelle est la logique dans tout cela ?