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L’emploi au cœur des préoccupations sociales de Canal+
L’accélération des restructurations dans le Canal+ de ce début d'année 2014 pourrait avoir deux explications. La première est une anticipation de la dégradation de notre marché avec un accroissement de la concurrence, Al Jazzera, Netflix, Orange et peut-être demain Google, Apple, Amazon. La seconde raison pourrait être la préparation d’un nouvel ordre social afin de dégager l’horizon lorsque l’heure du renouvellement managérial sera venue.
Mais il est aujourd’hui incontestable que la pression sur l’emploi est beaucoup plus forte en ce début d’année qu’elle ne l’était en 2013. Partout, il faut repérer les postes qui pourraient apparaître comme obsolètes ou faire l’objet de rapprochements, ou encore d’accélérer une politique de mobilité ou dé départs envers des salariés fragilisés ou déstabilisés.
Licenciements ou ruptures conventionnelles, la multiplication des cas individuels présente la caractéristique d’une politique sociale coercitive globale en ce qui concerne la réduction des effectifs.
Les conséquences de cette accélération sont avérées. Elles se traduisent tout d’abord par un malaise grandissant de nombreux salariés qui attendent parfois avec anxiété des annonces de départs ou de remaniements managériaux. L’exemple récent de la direction commerciale présente cette caractéristique. Souvent, ces salariés subissent également l’accroissement de leur charge de travail lorsqu’ils reprennent la charge et les missions de leur collègue remercié ou parti.
Le second élément dérangeant de cette politique sociale est l’incertitude quant au respect de certaines règles de droit social, notamment celle qui impose la mise en œuvre d’un plan social lorsque 10 salariés sur une période de 30 jours voient leur contrat de travail rompu et leur poste non remplacé, quelle que soit la forme de la rupture, du licenciement ou de la rupture conventionnelle ou quand la somme des départs n’équivaut pas à la somme des entrées…
« Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde » - Albert Camus
Revendiquer cette clarification, ce n’est évidemment pas souhaiter un plan social mais demander l’arrêt des licenciements injustifiés, le respect des salariés dans leur fonction lorsque, par exemple, ils sont en détachement ou en mobilité pendant des mois, sans aucune aide, livrés à eux-mêmes, armés de ce seul viatique pour trousse à outils (« soyez proactifs… ») et finalement tranquillement poussés vers la sortie lorsque l’impasse dans laquelle on les a mis ne leur laisse d’autre choix que de choisir entre la peste ou le choléra.
Tensions sociales et pertes de compétences ajoutent à l’incompréhension globale.
Pas de plan social pour ne pas décourager la bourse ? Si tant de salariés doivent quitter l’entreprise en dehors des règles sociales élémentaires, on peut se demander pourquoi. SFR vient de mettre en œuvre un plan de départs volontaires. Bouygues également. Les choses sont claires dans ces entreprises : les plans négociés en transparence, la stratégie et l’organisation expliquées et partagées.
Mais ce qui caractérise Canal+ aujourd'hui, c'est la faiblesse du social. Certainement, le moment historique que vit Vivendi (et notamment le futur pôle médias dont Canal+ constitue le vaisseau amiral) peut expliquer cette situation. Mais on ne saurait se contenter de ce seul regard.
Décidément, il y a aujourd’hui une incapacité à traiter le volet social avec sérieux et transparence et non comme une variable d’ajustement de court terme. Partout, c’est la politique du coup par coup, sauf peut être côté édition où les choses sont claires. Mais le sont-elles vraiment ?
Chaque pôle semble lancé dans une forme de course de fond où la quantité de postes fragiles et potentiellement ciblés apparaît comme le seul objectif du trimestre à venir.
Nous le proclamons depuis des mois, particulièrement parce que nous savions que cette tension sur l’emploi allait survenir, une autre politique sociale est possible et doit être mise en œuvre pour la gérer.
Elle se caractériserait tout d’abord dans un changement profond de forme, une nouvelle approche où le dialogue l’emporterait sur l’oukase. Mais c’est aussi sur le fond que nous sommes dubitatifs lorsque les changements importants et répétés n’apportent pas la preuve de leurs efficacités opérationnelles sur l'activité mais provoquent parfois aussi du mal-être ou pire du « burn-out ».
Faut-il se résigner et espérer en attendant une évolution managériale ou bien continuer à clamer que l’on peut et doit repenser la méthode et le contenu de nos engagements sociaux ? Nous manquerions à nos obligations si nous nous contentions de regarder passer le train des licenciements et des départs contraints. Bien au contraire, la mobilisation est de rigueur lorsque l’emploi est en cause, il en va de l’intérêt collectif et individuel, de votre avenir et d'une certaine idée du dialogue social lorsque la démocratie sociale consiste à transformer du conflit en discussions.