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21 / 04 / 2015 | 12 vues
Nadia Rakib / Membre
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Jusqu'où peut aller l'égalité de traitement ?

Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit le prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation…

En droit du travail, le principe d'égalité de rémunération doit être le même, que ce soit pour un même travail ou un travail d'une valeur égale. En l’occurrence, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise ou de responsabilités.

Dans ces conditions, la même rémunération doit être accordée aux salariés qui occupent un même type de poste, c'est-à-dire ceux ayant notamment un coefficient identique, une même qualification et une ancienneté comparable.

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société qui, par la suite, l’avait affecté à l’agence de Troyes. Il avait saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire constater que le versement d'une « prime de vie chère », dite prime différentielle, aux seuls salariés de l'agence de Nice, constituait une atteinte au principe d'égalité de rémunération.

Pour faire droit à ses demandes et condamner la société à lui payer diverses sommes à titre de rappel de prime et de congés payés afférents, les juges du fond avaient retenu que le rapport sur le coût de la vie à Nice et son tableau comparatif ne faisaient apparaître que des chiffres et pourcentages, et que le coût de la vie à Troyes, où travaillait le salarié, n'était pas mentionné, ni même étudié, pour en faire la comparaison avec la ville de Nice.

Quid juris : Pouvait-on, sur la base de cette seule constatation, en déduire une inégalité de traitement subjective ? Les juges devaient-ils vérifier si ces « chiffres et pourcentages » n'étaient pas de nature à confirmer que la vie était effectivement plus chère à Nice qu'ailleurs en France (à l'exception de Paris) ?

En somme, il s’agissait de savoir si des différences de traitement, entre des salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, reposaient sur des raisons objectives. Il revenait donc aux juges d’en contrôler la réalité et la pertinence.

La Haute Juridiction a donc tranché en faisant observer que le conseil de prud'hommes de Troyes avait privé sa décision de base légale. En l’espèce, les motifs soulevés ne permettaient nullement de caractériser une absence de justification objective de différence de traitement.

Suite à la cassation du jugement rendu par les juges troyens, le salarié a été condamné aux dépens et ses demandes ont été rejetées.

Certes, tout employeur doit respecter le principe de non-discrimination en matière de rémunération. Cependant, il est possible d'établir des différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit concrètement contrôler la réalité et la pertinence.

Concernant ce litige, il y avait bien une différence de traitement entre les salariés de Nice et les autres puisque les salariés niçois percevaient une prime dite « de vie chère » à hauteur de 50 euros par mois. Pour la justifier, la société produisait un rapport sur le coût de la vie à Nice afin d’étayer son argumentation et son choix d'allouer une prime à ses collaborateurs niçois.

En effet, l'employeur se prévalait d'une étude réalisée par des représentants du personnel, dont il résultait que, par application des critères établis par l'OCDE sur le coût de la vie, le coût de la vie était bien plus élevé à Nice que sur le reste du territoire national (hors Paris), ce tant dans le secteur du logement, que dans celui des transports, des assurances, de la consommation de biens courants ou de la santé, tous éléments fortement affectés par la situation touristique de la ville.

Dès lors, l'employeur avait légitimement pu justifier que la différence de traitement à l'origine d'une prime réservée aux salariés niçois d'un établissement reposait bien sur une raison objective.

Pour conclure, cette jurisprudence illustre le fait que le niveau du coût de la vie, notamment dans une grande ville de la Côte d’Azur où tous les coûts sont majorés, constitue une raison objective justifiant qu'il soit alloué une indemnité spécifique aux salariés qui y travaillent.

Au regard du principe de l'égalité de traitement, les juges prud'homaux auraient dû s'assurer de la réalité et de la pertinence de cette raison, ceci quels que soient les documents produits par l'employeur.

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