Organisations
« Zones d'ombre » sur le port du voile au travail...
Comme dans sa vie privée, la liberté de religion est reconnue au salarié dans l'entreprise. Toutefois, l'employeur peut y apporter des restrictions. Aussi, le salarié qui ne les respecterait pas pourrait se voir sanctionné, voire licencié...
Aucun employeur ne peut interdire au salarié d'avoir une conviction religieuse. Dès lors, toute sanction, mesure discriminatoire ou licenciement justifié par l'appartenance religieuse du salarié est illégal.
De la même façon, l’employeur ne peut non plus interdire, de façon générale et absolue, le droit d'exprimer sa religion dans l'entreprise. En revanche, il reste libre de poser certaines limites justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Le problème, c’est qu’il reste toujours une part de subjectivité dans l’interprétation de ce qui est « proportionné ou non » et que doit-on entendre par « la nature de la tâche à accomplir » ? Voici ce qui représente tous les balbutiements de la jurisprudence.
Quoi qu’il en soit, un employeur peut limiter le droit d'expression religieuse de ses salariés quand son exercice empêche la bonne marche de l'entreprise.
À titre d’exemples, une revendication liée à la religion (autorisation d'absence pour fêtes, demande d'aménagement du temps de travail pour les prières...) ne peut pas s'imposer face aux nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise.
Cela signifie donc que la pratique religieuse du salarié doit être compatible avec ses horaires, le respect des lieux de travail et les tâches qui lui sont confiées.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en CDI sur un poste d’ingénieur d’études par une société de conseil, d’ingénierie et de formation spécialisée dans le développement et l’intégration de solutions décisionnelles. Environ une année après son embauche, elle a été licenciée à la suite d’une intervention chez un client lequel elle s’était rendue en portant le voile comme elle le faisait habituellement. Mais, cette fois-ci, le port du voile avait gêné un certain nombre de collaborateurs au point que le client a demandé à la société de veiller à ce qu’il n’y ait « pas de voile la prochaine fois ».
Il faut savoir que lors de son embauche dans la société et de ses entretiens avec ses managers opérationnels, le sujet du port du voile avait été abordé avec la salariée. La société avait affirmé respecter le principe de liberté d’opinion ainsi que les convictions religieuses de chacun. Toutefois, il avait été précisé à la salariée que lorsqu’elle serait en contact en interne ou en externe avec les clients de l’entreprise, elle ne pourrait porter le voile en toutes circonstances. En l’occurrence, la société justifiait cette mesure pour son intérêt et son développement du fait de l’exigence de discrétion de certains clients quant à l’expression des options personnelles de ses salariés.
Quid juris : Le principe de neutralité que la société demandait à la salariée d’appliquer à l’égard de la clientèle était-il justifié ?
La salariée avait refusé d’accepter ces contraintes professionnelles au sujet de son port du voile et la société de conseil avait considéré que ceci justifiait la rupture de son contrat de travail.
Son employeur prétendait que ce refus rendait impossible la poursuite de son activité et que de ce fait l’inexécution du préavis lui était imputable.
Quid juris : Le licenciement constituait-il une mesure discriminatoire en raison des convictions religieuses de la salariée ?
La Cour d’appel de Paris n’était pas de cet avis puisqu’elle a décidé de rejeter les demandes de la salariée au titre d’un licenciement nul en raison d’une discrimination.
En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.
Alors, le port du voile islamique par une salariée d’une entreprise privée en contact avec de la clientèle peut-il constituer une atteinte aux droits ou aux convictions d’autrui ?
Comment le droit doit-il interpréter la gêne ou la sensibilité de la clientèle d’une société commerciale prétendument éprouvée à la seule vue d’un signe d’appartenance religieuse ?
On comprend aisément que dans ce litige, les enjeux sont économiques et commerciaux. Cependant, il s’agit aussi d’une liberté fondamentale de la salariée.
En somme, cela revient à s’interroger sur la question de savoir si l’interdiction de porter le voile dans une entreprise privée commerciale, même limitée aux contacts avec la clientèle, constitue une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté religieuse.
Pour l’heure, la Cour de justice n’a pas été amenée à préciser si les dispositions de l’article 4 §1 de la directive 78/2000/CE doivent être interprétées en ce sens que constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, le souhait d’un client d’une société de conseils informatiques de ne plus voir les prestations de service informatiques de cette société assurées par une salariée, ingénieur d’études, portant un foulard islamique.
C’est pourquoi, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer en renvoyant cette question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne.
En attendant « les éclairages » de la CJCE dans ce litige, rappelons qu’un salarié n'est pas autorisé à dissimuler son visage pour des motifs religieux lorsqu'il travaille dans un lieu ouvert au public ou dans un organisme chargé d'une mission de service public. S’il le fait, il encourt une amende de 150 € maximum. Étant précisé que les tenues dissimulant le visage interdites sont celles qui rendent impossible l'identification de la personne comme le port du voile intégral type burqa et niqab.
Enfin, il ne faut pas confondre l'interdiction de dissimuler son visage dans l'espace public avec le principe de laïcité qui n'est pas applicable dans le secteur privé (sauf s'il s'agit d'un service public).
Sources
Arrêt n° 630 du 9 avril 2015 (13-19.855) - Cour de cassation -Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2015:SO00630
Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 avril 2013.
Aucun employeur ne peut interdire au salarié d'avoir une conviction religieuse. Dès lors, toute sanction, mesure discriminatoire ou licenciement justifié par l'appartenance religieuse du salarié est illégal.
De la même façon, l’employeur ne peut non plus interdire, de façon générale et absolue, le droit d'exprimer sa religion dans l'entreprise. En revanche, il reste libre de poser certaines limites justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Le problème, c’est qu’il reste toujours une part de subjectivité dans l’interprétation de ce qui est « proportionné ou non » et que doit-on entendre par « la nature de la tâche à accomplir » ? Voici ce qui représente tous les balbutiements de la jurisprudence.
Quoi qu’il en soit, un employeur peut limiter le droit d'expression religieuse de ses salariés quand son exercice empêche la bonne marche de l'entreprise.
À titre d’exemples, une revendication liée à la religion (autorisation d'absence pour fêtes, demande d'aménagement du temps de travail pour les prières...) ne peut pas s'imposer face aux nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise.
Cela signifie donc que la pratique religieuse du salarié doit être compatible avec ses horaires, le respect des lieux de travail et les tâches qui lui sont confiées.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en CDI sur un poste d’ingénieur d’études par une société de conseil, d’ingénierie et de formation spécialisée dans le développement et l’intégration de solutions décisionnelles. Environ une année après son embauche, elle a été licenciée à la suite d’une intervention chez un client lequel elle s’était rendue en portant le voile comme elle le faisait habituellement. Mais, cette fois-ci, le port du voile avait gêné un certain nombre de collaborateurs au point que le client a demandé à la société de veiller à ce qu’il n’y ait « pas de voile la prochaine fois ».
Il faut savoir que lors de son embauche dans la société et de ses entretiens avec ses managers opérationnels, le sujet du port du voile avait été abordé avec la salariée. La société avait affirmé respecter le principe de liberté d’opinion ainsi que les convictions religieuses de chacun. Toutefois, il avait été précisé à la salariée que lorsqu’elle serait en contact en interne ou en externe avec les clients de l’entreprise, elle ne pourrait porter le voile en toutes circonstances. En l’occurrence, la société justifiait cette mesure pour son intérêt et son développement du fait de l’exigence de discrétion de certains clients quant à l’expression des options personnelles de ses salariés.
Quid juris : Le principe de neutralité que la société demandait à la salariée d’appliquer à l’égard de la clientèle était-il justifié ?
La salariée avait refusé d’accepter ces contraintes professionnelles au sujet de son port du voile et la société de conseil avait considéré que ceci justifiait la rupture de son contrat de travail.
Son employeur prétendait que ce refus rendait impossible la poursuite de son activité et que de ce fait l’inexécution du préavis lui était imputable.
Quid juris : Le licenciement constituait-il une mesure discriminatoire en raison des convictions religieuses de la salariée ?
La Cour d’appel de Paris n’était pas de cet avis puisqu’elle a décidé de rejeter les demandes de la salariée au titre d’un licenciement nul en raison d’une discrimination.
En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.
Alors, le port du voile islamique par une salariée d’une entreprise privée en contact avec de la clientèle peut-il constituer une atteinte aux droits ou aux convictions d’autrui ?
Comment le droit doit-il interpréter la gêne ou la sensibilité de la clientèle d’une société commerciale prétendument éprouvée à la seule vue d’un signe d’appartenance religieuse ?
On comprend aisément que dans ce litige, les enjeux sont économiques et commerciaux. Cependant, il s’agit aussi d’une liberté fondamentale de la salariée.
En somme, cela revient à s’interroger sur la question de savoir si l’interdiction de porter le voile dans une entreprise privée commerciale, même limitée aux contacts avec la clientèle, constitue une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté religieuse.
Pour l’heure, la Cour de justice n’a pas été amenée à préciser si les dispositions de l’article 4 §1 de la directive 78/2000/CE doivent être interprétées en ce sens que constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, le souhait d’un client d’une société de conseils informatiques de ne plus voir les prestations de service informatiques de cette société assurées par une salariée, ingénieur d’études, portant un foulard islamique.
C’est pourquoi, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer en renvoyant cette question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne.
En attendant « les éclairages » de la CJCE dans ce litige, rappelons qu’un salarié n'est pas autorisé à dissimuler son visage pour des motifs religieux lorsqu'il travaille dans un lieu ouvert au public ou dans un organisme chargé d'une mission de service public. S’il le fait, il encourt une amende de 150 € maximum. Étant précisé que les tenues dissimulant le visage interdites sont celles qui rendent impossible l'identification de la personne comme le port du voile intégral type burqa et niqab.
Enfin, il ne faut pas confondre l'interdiction de dissimuler son visage dans l'espace public avec le principe de laïcité qui n'est pas applicable dans le secteur privé (sauf s'il s'agit d'un service public).
Sources
Arrêt n° 630 du 9 avril 2015 (13-19.855) - Cour de cassation -Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2015:SO00630
Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 avril 2013.
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