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Travail dissimulé dans la presse : une condamnation d'Associated Press assez bien « dissimulée »
Car il faut rappeler que les condamnations pour travail dissimulé ne sont pas légion, l'intentionnalité de l'entreprise étant souvent très compliquée (pour ne pas dire impossible) à démontrer. Du coup, c'est au salarié de prouver qu'il a fait sauter le décompte horaire bien malgré lui, et à l'employeur d'apporter la preuve contraire. Pour sa démonstration devant la Cour d'appel (après avoir été débouté en première instance), Raphaël* a produit des centaines de dépêches, d'e-mails envoyés tôt le matin ou après 19h00, des agendas, soit pléthore de documents « horodatés » qui matérialisaient des journées allant de 7h30 (depuis le domicile) jusqu'à 22h00, parfois minuit. Plusieurs salariés avaient aussi témoigné en sa faveur.
Visite de l'inspection du Travail
Embauché comme rédacteur en 1990, Raphaël a cumulé sa fonction de secrétaire général de rédaction (acquise en 2004) avec celle de rédacteur en chef adjoint à partir de 2009 (pour un salaire de 5 582 euros brut par mois). Selon ses calculs, il avait effectué 3 645 heures supplémentaires et de nuit entre 2006 et 2010. Officiellement, AP rémunérait les 2 premières heures supplémentaires à 133 %, les 2 suivantes à 150 %, les suivantes à 200 % et les heures de nuit à 115 %, selon des documents en provenance de la DRH. C'est suite à une demande de Raphaël du règlement de ses heures sup, en mars 2011, puis à une visite de l'inspection du Travail, que l'agence AP a fini par mettre en place un décompte du temps de travail.
L'ex-secrétaire général de la rédaction d'AP a obtenu 147 000 euros pour le paiement de 2 250 heures supplémentaires, 67 000 euros au titre du repos compensateur, 32 000 euros d'indemnité pour travail dissimulé et 3 000 euros au titre de l'article 700. Soit une indemnité totale de 266 000 euros. La dernière manche en cassation fin 2016.
* Son identité a été préservée. Il avait été condamné par les prud'hommes à 1 € pour l'article 700. Après avoir été transféré d'Associated Press vers la filiale French Language Services Limited en 2011, celle-ci ayant été liquidée, il a été licencié pour motif économique fin 2012.