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Temps de travail : une proposition de loi dangereuse
Sous couvert de simplifier le droit, le Député Jean-Luc Warsmann (UMP) creuse des brèches dans le Code du Travail.
Augmenter ou réduire la durée du travail d’un salarié sans lui demander son accord est un rêve de patron qui pourrait bien être exaucé.
Au détour d’une proposition de loi relative « à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives », l’auteur, le Député des Ardennes Jean-Luc Warsmann, présente, dans l’exposé des motifs, la mesure suivante : permettre à un employeur « d’augmenter le nombre d’heures de travail sur une courte période sans que cette augmentation constitue une modification du contrat de travail ».
Sauf que l’article de loi n’est pas tout à fait rédigé dans les mêmes termes :
- « La mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année, ne constitue pas une modification du contrat de travail ».
Outre que la « courte période » peut durer un an, le terme « répartition des horaires » peut aussi bien signifier une hausse qu’une baisse de la durée du travail avec un salaire réduit en conséquence.
Actuellement, ce type de décision constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié. En cas de refus, il court le risque d’être licencié.
Si la proposition de loi de M.Warsmann aboutissait, ce serait faire la part belle aux abus de toutes sortes, et un employeur n’aurait même plus à demander l’accord des salariés pour réduire leurs salaires de 23 % ! En déposant sa proposition de loi le 28 juillet à l’Assemblée nationale, le Député a ainsi résumé la philosophie de son texte : « Dans la conjoncture actuelle, il est devenu indispensable de desserrer l’étau législatif et réglementaire qui contraint les acteurs de notre croissance ».
Missionné en janvier dernier par le chef de l’État pour « rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois », le Député évoque une « prolifération de règles et de procédures qui handicape » les entreprises. Aussi entend-il « donner à notre économie tous les ressorts juridiques nécessaires pour devenir plus performante ». Et freiner les ardeurs d’une justice qui fait parfois « barrage » au plus haut niveau.
- Ainsi, la Cour de Cassation a-t-elle donné gain de cause, en septembre 2010, à un salarié qui contestait l’application (sans que l’employeur lui ait demandé son accord) d’une modulation de son temps de travail, lui faisant perdre le bénéfice de ses heures supplémentaires.
Didier Porte, secrétaire confédéral FO, lors de son audition auprès dudit rapporteur, a insisté sur le recul important et grave pour les droits des salariés que constitue la disposition relative à la répartition de la durée du travail qui ne nécessiterait plus l’accord du salarié et ne constituerait plus une modification du contrat de travail. C’est non seulement une remise en cause du contrat de travail, a-t-il indiqué, mais également une atteinte à la vie privée. De plus, qu’en est-il du salaire, que le salarié soit en période haute ou en période basse ? La proposition de loi ne le dit pas.
- Pour Didier Porte, en l'état, en cas de refus, le salarié est licencié pour cause économique ; avec cette mesure, si le salarié refuse, on entre dans un régime disciplinaire avec sanction à la clef.
Le rapporteur s’est dit surpris d’une telle conséquence de cet article de loi dont le retrait est demandé, entre autres, par FO.
- Didier Porte reconnaît que cette proposition de loi a le mérite de mettre le doigt sur une zone de non-droit : l’absence de rémunération ou d’indemnisation de la période de préavis du salarié licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle. Il y a effectivement un problème de couverture de ces salariés.
Mais la proposition de loi résout le problème en supprimant purement et simplement la période de préavis ! C'est pourquoi FO demande la création d’une indemnité compensant l’absence de l’exécution du préavis, comme cela existe pour les salariés licenciés pour inaptitude d’origine professionnelle.
Annulation des infractions
Parmi les 94 articles de cette proposition de loi, surgit une mesure qui « étend à toutes les infractions aux règles du droit du travail passibles d’une peine d’amende inférieure ou égale à 7 500 euros, l’obligation faite aux inspecteurs du travail de communiquer à l’employeur les procès-verbaux constatant ces infractions dans le délai d’un mois ».
Relevant que l’employeur mis en cause ne reçoit pas de copie du procès-verbal, exception faite du cas des infractions à la durée du travail, le Député fait valoir que ces PV peuvent servir de fondement à des sanctions civiles. Or, une sanction civile (ou pénale) est toujours prononcée par un tribunal à l’issue d’une procédure contradictoire où l’employeur mis en cause a accès à l’ensemble du dossier.
Enfin, pourquoi ce délai fantaisiste d’un mois, intenable dans la pratique, sachant que l’inspection du travail est en pénurie d’effectif (2 190 inspecteurs et contrôleurs du travail pour 1,8 million d’entreprises et 18 millions de salariés) et qu’elle travaille déjà en flux tendu ? Si hors délai il y a, l’infraction constatée serait-elle alors automatiquement annulée ?